Paul Belmondo
Jean Todt : « je voulais être pilote »

Président de la FIA et envoyé spécial des Nations Unies pour la sécurité routière, il parcourt le monde. Jean Todt a fait une halte du côté de Chantilly. Le Concours Art et Elégance avait décidé cette année de rendre hommage à cinquante ans d’une carrière hors normes, la sienne. Une vie de rencontres et d’aventures extraordinaires. Confidences entre amis avec Paul Belmondo.

Jean, nous nous connaissons depuis longtemps, et au moment de nous pencher sur ta carrière, je me rends compte qu’il y a énormément de périodes qui m’ont marqué. Très vite tu as commencé comme co-pilote…

J’ai commencé comme coéquipier. Mon rêve c’était d’être pilote… En fait il n’y avait aucune raison que je m’intéresse à l’automobile. Mon père était médecin, généraliste, les voitures ne l’intéressaient pas. Très vite, tout seul, j’ai eu la passion pour les voitures ! Je me souviens, il était médecin en banlieue parisienne à Bezons, et il avait une AC Bristol, c’était une petite ville dans la région parisienne et je me souviens quand j’entendais le bruit du moteur dans l’avenue principale, j’étais dans tous mes états. Donc, rapidement, je me suis dit, je veux que ce soit mon métier. C’était l’époque des mobylettes, scooters qui faisaient un peu de bruit, j’avais une Paloma Super Strada flash travaillée. J’étais devenu copain avec le marchand et préparateur et j’ai commencé à regarder… A l’époque, j’étais au cours Fides qui était à Asnières, et j’avoue que je n’étais pas un élève extrêmement performant car ça ne m’intéressait pas. Je me débrouillais très dans des matières qui étaient concrètes, mais tout ce qui n’était pas concret ne m’intéressait pas. Y compris les langues, on m’a dit tu vas apprendre l’allemand, l’allemand ne m’intéressait pas du tout. Jusqu’au jour où je suis allé en Suisse allemande, je me suis rendu compte que j’étais infirme parce que je ne comprenais pas ce qui se passait. Et d’un trimestre à l’autre, je me suis retrouvé en tête de la grille. Donc là-dessus, j’étais assez pragmatique et pratique. Et  j’ai connu à l’époque Jean-Claude Lefebvre, qui était aussi passionné de voitures, il y avait aussi un autre garçon avec qui j’avais fait un rallye, Denis Gillet, avec une Ferrari Lusso qu’on nous avait prêtée, avec laquelle on avait gagné le rallye Jeanne d’Arc, ça doit être un des premiers que j’ai fait, je pense que c’était en 66. J’ai fréquenté le garage Madeleine, on tombait dessus en sortant du train. Un jour on avait vu ça et on avait commencé à sympathiser avec lui, et à l’époque il préparait les voitures pour Jean-François Piot et il nous avait parlé du père Chasseuil qui était préparateur de voitures.

Alain Prost m’avait dit : « tu ne peux pas durer deux ans chez Ferrari ». J’y suis resté seize ans.

Tu es fils de médecin, et tu choisis l’automobile. Je te pose cette question, car un peu comme toi j’ai choisi l’automobile alors que j’étais baigné dans un milieu tout autre. Même si mon père aimait l’automobile…

Oui dans son milieu il y a avait des voitures, de l’action, alors que moi l’action c’était avec sa mallette d’aller voir ses malades !

Alors comment tu fais ce lien d’un seul coup ? Les journaux ?

Si tu aimes les belles choses et qu’on te dit il y a des belles choses là-bas, même si tu n’es pas directement impliqué, tu vas rentrer dans la boutique pour les voir, donc moi je rentre dans le garage pour voir les voitures. Et puis, c’est comme ça qu’on établit des contacts et puis qu’on se fait un petit réseau, que des gens se rencontrent, qu’on ouvre des portes, sachant que dans ma tête j’allais devenir un champion automobile, un pilote. Et puis un jour je voulais aller voir un des plus beaux rallyes français qui s’appelait le Criterium des Cévennes. J’y vais et j’apprends que le coéquipier deChasseuil a une indisponibilité. Il cherche un coéquipier, moi je suis là. Et je me retrouve dans la voiture ! Je récupère tout ce qui avait été préparé, les notes, tout… et ça s’est passé particulièrement bien. Et je me suis dit finalement ça va être mon tremplin, pour devenir pilote. J’ai commencé à avoir une certaine crédibilité en tant que coéquipier, et parallèlement je me suis inscrit au volant Shell à Magny-Cours. Cela s’est plutôt bien passé si ce n’est qu’à l’époque on était beaucoup moins professionnels que maintenant, et je me souviens encore, comme je ne suis pas grand, que je m’étais fait confectionner une sorte de coussin. Je ne veux pas donner ça comme excuse, mais c’était très inconfortable pour conduire, et j’ai fait un tête-à-queue. Je crois que c’était en demi-finale, et le tête-à-queue était éliminatoire. Donc ça a été un coup dur pour moi parce que dans ma tête j’allais gagner ce volant Shell. Et puis finalement j’ai fait deux-trois petits essais, j’ai connu Beltoise. Et puis d’un seul coup je me suis dit, soyons sérieux, je commençais à très bien gagner ma vie, c’était la première fois qu’un coéquipier gagnait sa vie – ça c’est quelque chose que j’ai fait évoluer. Je me suis dit alors mon objectif c’est de devenir, entre 30 et 35 ans, patron d’une écurie de compétition.

Tu avais déjà ça en tête ?

C’était l’objectif que je m’étais fixé, et je devais avoir 27/28 ans. A l’époque, tu avais des tandems qui restaient dix ans, quinze ans ensemble. Moi ça ne m’intéressait pas du tout, ce qui m’intéressait c’était de rouler avec différents pilotes, différentes voitures et principalement avec des étrangers, parce que j’avais déjà une vision internationale. Et puis il y a eu des rencontres, j’y crois beaucoup.

Ne riens faire ? Je ne sais pas ce que c’est.

Un jour on m’a dit : Peugeot veut entrer en compétition, tu devrais rencontrer la famille… Je les ai rencontrés, j’ai été embauché et puis au fond de moi, je me suis dit que je ne me voyais pas faire ça toute ma vie. Je trouvais complètement incongru de penser qu’à cinquante ans je serais coéquipier de rallye. Donc je me suis dit qu’il fallait je me fixe un objectif et l’objectif c’était entre trente et trente-cinq ans.

Et à trente-cinq ans, après avoir eu beaucoup plus d’expérience que coéquipier… j’avais été conseiller pour la compétition chez Peugeot, j’avais été représentant des pilotes auprès de la FISA, à l’époque quand on avait fait avec Beltoise le Tour de France avec Matra, c’est moi qui m’étais occupé de l’organisation. Quand on avait gagné le championnat du monde des constructeurs avec Guy Fréquelin, l’équipe n’avait pas d’argent, et c’est moi qui ai trouvé de l’argent. C’est ça qui commençait à me plaire : monter des opérations.

Et gagner…

Oui, si on pouvait, gagner. Je me suis beaucoup impliqué pour que Talbot soit champion du monde avec la Sunbeam-Lotus en 1981. A l’époque, il y avait une fusion Peugeot-Talbot qui était en train de se faire, et en fait Talbot c’était un peu le parent pauvre du groupe. On a été champion du monde des constructeurs et Peugeot a décidé de s’engager plus sérieusement en compétition automobile. Et ils cherchent un responsable. Je me suis dit c’est ma chance ! Si ce n’est qu’il y a eu une compétition pour avoir le job et finalement, mon projet l’a emporté et mon projet c’était la 205 Turbo 16. Le côté extraordinaire ça a été une voiture qui gagnait, mais avec la coquille d’une voiture qui allait devenir un triomphe commercial et qui allait sauver le groupe.

Piëch disait à tout le monde, une quatre-roues motrices ça ne peut marcher qu’avec le moteur à l’avant. Nous, on avait dessiné une voiture avec un moteur central. Et puis finalement, Tour de Corse 1984, fin de la première spéciale avec Vatanen, il fait le scratch. Et il allait gagner le rallye, ce qui aurait été historique. Hélas, 200 kilomètres avant l’arrivée, il a perdu le contrôle de la voiture sous la pluie, mais néanmoins on savait qu’on avait une voiture qui marchait bien sur le goudron. Après, il a fallu un temps d’adaptation pour qu’elle aille bien sur la terre. Et finalement, en 1985 et 86 on étaient champions du monde, on gagnaient tous les rallyes. C’était des voitures assez dangereuses qui sautaient beaucoup, qui prenaient feu assez facilement, et il y a eu le terrible accident de Toivonen, les voitures ont été interdites…

Comment tu prends cette décision à ce moment-là ?

Je la prends très mal. D’ailleurs on a fait un procès à la FISA. Il y avait des choses à faire pour améliorer la sécurité, mais pour moi dire, on supprime cette catégorie de voitures, ce n’était pas une bonne décision. Ca s’est arrêté net, et la seule opportunité que nous pouvions saisir très vite, c’était l’engagement dans les rallyes-raid. Donc j’ai fait en sorte qu’avec nos équipes techniques, on arrive à modifier une voiture de rallye des championnats du monde en l’élargissant, en l’allongeant de manière à mettre un réservoir d’essence beaucoup plus grand et on s’est engagé au Paris-Dakar.

Cet engagement a énormément professionnalisé le Dakar d’ailleurs. C’était mes premiers Dakar et je m’en rappelle, d’un seul coup, à tous les niveaux, que ce soient les pilotes, l’organisation, la reconnaissance avec les cartes, la solidité des voitures… d’un seul coup ça a fait un bond qui est toujours appliqué aujourd’hui. Tout ça c’est toi qui l’a apporté.

C’est nous qui l’avons apporté oui, mais en fait je n’ai rien inventé. Un de mes plus beaux souvenirs de mes aventures professionnelles a été le Tour d’Amérique du Sud en 1978 avec Mercedes : 30 000 kilomètres en trente jours. C’est d’ailleurs une des raisons de mon attachement à l’Amérique Latine. A l’époque, Mercedes, et cela lui était reproché, arrivait avec des avions, on avait fait 30 000 kilomètres de reconnaissance les mois précédents ! On le voit aujourd’hui : si on veut gagner il faut être professionnel. Donc pour le Dakar il fallait qu’on soit professionnel. On l’a été.

Et cela a été un succès…

Avec Peugeot, on l’a fait quatre ans et on a gagné quatre fois de suite, avec des histoires rocambolesques, la voiture volée de Vatanen, le pile ou face entre Vatanen et JackyIckx. D’ailleurs s’il n’y avait pas eu tout ça, on ne s’en souviendrait pas.

Après, ma carrière professionnelle progressait également. J’ai été nommé patron des activités sportives et de l’image de Peugeot-Citroën. Donc j’ai dit, on a deux marques, il faut que les deux marques fassent de la course. Et comme Citroën à l’époque avait peu de moyens pour s’engager en compétition automobile, eh bien j’ai dit que la meilleure des choses était de prendre la plateforme de la 205 ou de la 405 Turbo 16 et de mettre une coquille Citroën. C’est ce qu’on a fait et Citroën a continué l’aventure Peugeot si je puis dire, en gagnant le Paris-Dakar. Et on engageait Peugeot en Championnat du monde des voitures de sport, sur circuit.

A cette époque, Peugeot état engagé avec la 905, mais il y avait aussi une course de barquette, une course en berlines… A l’époque, les constructeurs étaient très impliqués, il y avait beaucoup de coupes de marques. Aujourd’hui c’est un peu un désert chez nous, il n’y a plus cette implication ?

Je ne sais pas trop, mais en tout cas, je trouve que la France a fait un très gros boulot dans la formation de jeunes pilotes de rallye. Tu as quand même Sébastien Loeb, Ogier, qui est arrivé à travers Citroën… Il y avait des courses en rallye. Il y a aussi le championnat F4… Il y a donc des choses.

Tu as réalisé une très belle campagne avec Peugeot… et on arrive à Ferrari ! Pourquoi quittes-tu Peugeot ?

Dans mon esprit je n’allais jamais quitter Peugeot ! En fait, je n’aime pas le changement. Mais en revanche j’étais ambitieux, je pensais que j’avais fait le tour, et je voulais le « next step ». Il y avait des aspects importants : penser au constructeur pour lequel j’avais travaillé, et je pensais qu’ils devaient s’engager en Formule 1. Ils n’étaient pas très chauds et j’ai étudié ce dossier. Mais je leur ai dit, la course c’est fini, je veux faire autre chose, patron du marketing, du commerce… l’étape suivante. A l’époque le président du groupe me dit « on a besoin de vous pour la course ». Cela m’a gêné, mais à ce moment-là, je me suis senti plus libre et ouvert à des propositions. Encore fallait-il que j’en aie ! Il s’est avéré que j’ai eu des propositions, aucune en France. Je ne l’ai jamais réellement dit, ce n’est pas connu, mais Porsche m’a demandé de rentrer chez eux. Il y avait aussi le patron du groupe Amaury qui était venu me voir pour me demander de prendre ASO, ça je n’en ai jamais parlé non plus. Et la troisième proposition : Ferrari pour la Formule 1. J’ai dit que je ne voulais plus faire de course, mais l’exception, c’était Ferrari ! Ferrari, c’est le rêve pour quelqu’un qui aime l’automobile ! J’en parle avec Alain Prost, qui me dit « tu ne peux pas durer deux ans ! ». Et en fait, j’ai tout le temps aimé les défis, si on me dit tu ne peux pas le faire, j’ai envie de démontrer le contraire. Et cela m’a souvent réussi.

C’était risqué car d’une certaine manière je quittais l’assurance-vie Peugeot où j’étais bien, et l’idée de tout quitter ce n’est pas facile, surtout quand tu es attaché à tes racines, tes habitudes, mon côté un peu vieux garçon dans l’âme. Durant ces seize ans chez Ferrari, j’ai été patron de l’équipe de Formule 1, après j’ai été patron du sport… et finalement, fin 2004, j’ai dit, c’est fini, je dois partir. Montezemolo m’a alors convaincu de rester, et c’est là que je suis nommé patron de l’entreprise, c’était difficile de refuser ! J’accepte pour quatre ans. En avril 2009, je suis parti. Depuis un certain nombre d’années je pensais déjà à la possibilité de me présenter à la tête de la FIA.

Une fois de plus tu avais un métro d’avance dans tes ambitions ?

En fait l’idée ne m’était pas venue, mais en 2003-2004, Mosley m’avait dit « c’est toi qui devrais être mon successeur ». A cette époque, j’avais commencé à m’intéresser à d’autres choses : en 2001 avec Gérard Saillant on a lancé le projet de l’ICM, car je pense que quand on a eu une certaine réussite dans sa vie, on doit donner quelque chose en retour. C’est aussi une des raisons pour lesquelles l’ICM est né.

L’histoire de la FIA m’a intéressée et notamment le domaine de la sécurité routière.

Quand tu arrives à la FIA, quel est ton but ?

Tout m’intéresse. Les rallyes, créer la Formule 2, recréer un Championnat du monde de Sport… Continuer à développer la Formule 1 bien sûr, mais surtout pas que la Formule 1, car il n’y a pas que cela : le karting… c’était l’ensemble, mais également une partie plus globale. Je considère que la plus grande organisation d’utilisateurs des routes dans le monde, la FIA, a le devoir de faire progresser la sécurité routière. Donc j’ai commencé à discuter aussi avec les Nations-Unies qui m’ont nommé envoyé spécial en avril dernier.

Sur la sécurité routière justement, tu reviens d’un voyage en Ethiopie où tu as déclaré que les progrès en termes de sécurité dans le sport doivent bénéficier aussi aux routes ?

On a vu tous les progrès déjà autour de la ceinture, du casque, des équipements électroniques sur les voitures, les structures… Tout ça doit avoir une retombée sur les voitures de série, ce qui est le cas d’ailleurs. En fait c’est très rigide, et la compétition professionnelle est très rigide. Il était indispensable que cette expérience se reporte dans la vie de tous les jours.

Sur le continent africain, les problèmes ne se posent pas de la même façon.

Le problème de l’Afrique, c’est que la sécurité routière est complètement ignorée, contrairement à la France. On a l’ordonnance : éducation, application des lois, structure routière, des véhicules et assistance médicale après accident. On sait ce qu’il faut faire, malheureusement, il n’y a pas d’application des lois, il y a de la corruption, les réseaux routiers sont en mauvais état, les voitures ont entre trente et soixante ans d’âge. En Ethiopie, il n’y a pas d’argent, donc je considère que nous avons ce devoir, que tous les pays s’engagent dans le domaine de la sécurité routière. Cela fait partir des objectifs du développement durable, ce qui n’était pas le cas. Cela ne veut pas dire que la compétition automobile ne m’intéresse pas, mais je pense qu’il y a la place pour s’occuper des deux.

Et en France, en termes de sécurité routière, on est sur la bonne voie ?

Ce n’est pas seulement la bonne voie, c’est remarquable ce qui a été fait ! On doit faire mieux, c’est sûr. Mais il faut regarder : en 1970, il y avait 18 000 morts sur les routes, en 2015 il y a trois fois plus de véhicules et cinq fois moins de victimes. C’est quoi l’étape suivante ? Il y a des actions à faire, et je suis sûr que la France va le faire.

Donc aujourd’hui le lien entre la FIA et la sécurité routière est très direct ?

Absolument. D’ailleurs, tous nos clubs sont engagés dans la sécurité routière. Et dans le sport automobile, l’implication aussi est plus forte.

En 2014, au moment du Mondial de l’auto, tu avais dit que les stars étaient les nouvelles énergies. Où en est-on aujourd’hui ?

Je pense la même chose, autour de l’électrique, l’hydrogène. J’y crois beaucoup d’ailleurs, on a innové avec la Formule E dans les villes. Pourquoi dans les villes ? Parce que la voiture électrique, son plus gros problème, c’est l’autonomie. L’autonomie et le temps de recharge. C’est pourquoi je ne crois pas aujourd’hui à l’électrique sur des longs parcours. Aujourd’hui c’est 1% des ventes dans le monde, mais c’est une vitrine, c’est fascinant comme nouvelle technologie.

Quant à la voiture connectée, les pays en voie de développement en entendront parler peut-être dans cinquante ans, aujourd’hui ils n’ont pas encore vraiment entendu parler de la ceinture de sécurité.

Et demain ?

Aujourd’hui ce qui m’occupe le plus, c’est la FIA, de loin, les Nations-Unies, mon engagement dans l’ICM. Je suis président de la Fondation Aung San Suu Kyi, je suis dans des Conseils… Je touche du bois, je suis toujours passionné, travailleur, mais tout ce que je fais aujourd’hui est volontaire, je n’ai plus de revenus. C’est la raison pour laquelle mes dernières années chez Ferrari ont été importantes car cela me permet aujourd’hui de faire ce que je fais. C’est sûr que mon rendez-vous avec la vie se rétrécit, mais je peux encore faire un mandat, je devrais décider ça au cours de l’année prochaine…

Et la retraite ?

Aujourd’hui je ne suis pas capable de ne rien faire ! Mais c’est aussi une maladie ! Une des raisons pour lesquelles j’ai décidé d’arrêter Ferrari est que je n’avais plus envie de vivre cette angoisse et ce stress du résultat. Et finalement, j’ai toujours le même stress et la même angoisse du résultat ! Si ce n’est que le résultat, on le mesure différemment. A l’époque tu étais premier, deuxième ou tu abandonnais, alors que là, c’est quand même plus difficile de pouvoir étalonner le résultat. Donc, ça c’est l’histoire qui le dira. Mais au fond de moi j’ai l’impression qu’on avance.

Nous sommes sur le concours d’élégance de Chantilly où sont réunies toutes tes voitures de course depuis tes débuts. Tu dois bien avoir une anecdote à nous raconter sur l’une d’entre elles ?

J’avais 24-25 ans, j’étais fauché, mais mon rêve c’était d’avoir un appartement à Paris. Jean Guichet, grand pilote de l’époque, m’a présenté la princesse d’Afghanistan qui habitait avenue Henri Martin. Elle avait dans un garage une Ferrari California Spider châssis long avec le moteur cassé ! Je l’ai achetée 5 000 francs et je l’ai faite retaper… Mon père se donne disponible pour le crédit de mon appartement, mais il n’avait pas le comptant, il me manquait 20 000 francs. Je l’ai vendu, avec du mal. Je l’avais proposée à Bardinon qui n’avait pas voulu, à Guichet, qui n’avait pas voulu, et je l’ai proposé à Beltoise, qui me l’a achetée 20 000 francs. Et puis, cette voiture a eu une vie assez compliquée, elle s’est retrouvée pendant plusieurs années sur un terrain vague du circuit du Castellet. Finalement, elle a été vendue à quatre-cinq personnes et aujourd’hui, c’est un anglais, Sean Lynnn dont le fils court en GP2 qui a cette voiture. Elle est rutilante et vaut plus de 10 millions… d’euros !



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