Fin décembre dernier, le fonds d’investissement CVC-Capital Partners, propriétaire de la Formule 1, a décidé de renouveler sa confiance à Ecclestone. A 84 ans, l’ineffable Bernie va continuer à régner sans partage sur un business où la plus petite unité de compte est le million de dollars.
On me demande souvent de comparer la Formule 1 d’aujourd’hui à celle d’hier ou même d’avant-hier. Je pense que c’est certainement parce que j’ai connu toutes ces époques et que j’ai contribué à faire évoluer moi-même la discipline. Egalement parce que probablement, aucun autre sport n’a autant évolué que la F1 ces dernières décennies. Pour autant, je ne suis pas nostalgique. Les choses ont changé, voilà tout. Les pilotes de la première ère prenaient de bien plus gros risques et ils avaient une attitude tout autre que ceux d’aujourd’hui. Il est difficile de faire des comparaisons. Mais les pilotes s’adaptent aux besoins de leur temps. Il y a de bons et de mauvais points dans chaque phase de l’histoire du sport.
Lorsque je suis arrivé en Formule 1 dans les années 60/70, c’était un spectacle très amateur. Parmi les propriétaires d’écuries, personne ne portait d’intérêt à l’organisation du sport, et personne ne voulait en prendre la responsabilité. Ils voulaient juste courir et essayer de gagner. Ce n’était pas la meilleure solution pour les pilotes, les écuries ou encore les passionnés. Or, il faut une gestion digne de ce nom si l’on veut avancer.
Initialement, ma démarche était extrêmement simple : mon but était de chercher les choses qui n’allaient pas et de les améliorer. Lorsque je dirigeais l’écurie Brabham, je n’avais aucune stratégie pour développer la F1, mais je savais ce qui devait changer pour l’amour du sport et le transformer en un meilleur produit. Cet esprit a dû m’aider lorsque je me suis retrouvé aux commandes du championnat. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte qu’il fallait se développer jusqu’en Asie, au Moyen-Orient, à Singapour, par exemple. De toute façon, je ne me sens jamais intimidé par qui que ce soit et j’ai toujours été prêt à faire le nécessaire pour défendre mes intérêts.
C’est comme être chanteur ou artiste. On naît avec certains dons et on s’en sert le mieux possible dans la vie. Je n’ai aucun talent d’artiste, mais par contre, j’ai une connaissance des affaires et de ce que je dois leur apporter. Cela aide à savoir en quoi on est bon. Peu à peu, je suis devenu meilleur dans ce domaine et chaque nouveau contrat est une nouvelle opportunité. Ceux avec qui j’ai fait du business peuvent en témoigner je pense, mais j’ai toujours essayé de faire ce que je jugeais bon pour le sport. Même quand certaines décisions ont été difficiles à prendre. Par exemple, j’ai toujours pensé qu’une épreuve devait commencer à l’heure, et je n’ai jamais dévié de cette position. Cela m’a été reproché lors du fameux Grand Prix du Japon de 1976, disputé sous le déluge et qui s’est terminé par le titre de James Hunt au détriment de Niki Lauda. Bien entendu, il allait y avoir un gros audimat, mais ma décision n’avait rien à voir avec cela. Je pense que, lorsqu’on dit qu’une course commencera à 14 h, on doit s’y tenir et donner le départ à 14 h. Il n’y a pas de « peut-être, devrait-on, devrions-nous », on commence à l’heure. Rien de plus simple.
A ce propos, un nouveau James Hunt ne ferait pas de mal à la F1. J’étais très proche de James, et j’ai gardé plein de bons souvenirs de lui. Je n’ai jamais fait la fête en sa compagnie car je ne suis pas un fêtard, mais il était parfait pour ce sport. Ce type de personnalité est très rare. C’était un homme unique. Aujourd’hui, ce que font les pilotes m’importe peu : les équipes et les sponsors leur font porter plus de responsabilités et donc, peut-être sont-ils plus prudents. Lorsqu’il y a plus d’argent à la clé, cela joue sur l’atmosphère et les choses tournent davantage autour du business. J’aime le business, mais le sport plus encore !