Car Life
Chantal Thomass : « Automobile et mode, même combat ! »


Créatrice de mode spécialisée dans la lingerie, Chantal Thomass est vice-présidente du jury du Festival automobile international. En 2004, elle a aussi« rhabillé » une Jaguar Type E qui a couru Le Mans Classic. Celle-ci était pilotée notamment par maître Hervé Poulain, qui prolongeait ainsi le principe des « Art cars » initié avec BMW.

Il y a plus de quinze ans que je fais partie du jury de « la plus belle voiture de l’année », à l’invitation de Rémi Depoix. J’y suis longtemps restée la seule femme, alors même que les voitures sont aussi choisies par des femmes. Il y a des aspects pour lesquels je m’implique moins, comme par exemple le « grand prix du design », où le jury est assez influencé par Anne Asensio, qui a longtemps travaillé au style des Renault et qui dispose de réelles compétences dans le domaine. En revanche, je me sens plus capable de juger du meilleur spot publicitaire, de la meilleure photo, du meilleur livre…
Il n’en demeure pas moins que l’automobile est vraiment une question d’esthétique. Ainsi, après une dizaine d’années où l’on sentait que le style des voitures était dicté par des considérations étroitement liées au marketing, avec pour conséquence des modèles qui finissaient par tous se ressembler, les choses évoluent dans le bon sens avec le retour à une certaine audace. On lâche davantage la bride aux designers, et c’est une très bonne chose. J’ai ressenti le même problème dans la mode durant cette période, où l’on ne laissait pas assez le champ libre aux créateurs, à qui l’on donnait trop de directives marketing. Or, quand on essaie de plaire à tout le monde, on tombe dans la facilité. D’où, parfois, une certaine uniformité dans la mode, ce qui est un comble.
A l’origine de tout ça, il y a souvent ce qu’on appelle des « bureaux de tendance » qui vont décréter que, « aujourd’hui, la mode c’est le jaune ». A la suite de quoi tout le monde va faire du jaune. J’estime au contraire qu’il faut pouvoir choisir des vêtements par rapport à son style personnel, car l’on n’a pas besoin d’être comme tout le monde. Idem pour les voitures. Il est tout de même dommage que l’on en arrive à les confondre ! Je pense que c’est une erreur de ratisser trop large. Mieux vaut avoir une cible, et s’y tenir. Si on plaît à tout le monde, on ne plaît réellement à personne, ça devient banal. Il y a eu une époque où Citroën faisait des modèles comme la DS, une voiture atypique en tout point et qui est devenue mythique. Idem pour la Mini par BMW, une voiture qu’on reconnaît vraiment. La Fiat 500 aussi est une réussite, une voiture très mignonne. Je précise que j’adore les voitures anciennes. J’ai eu pendant plusieurs années une PT Cruiser, que j’adorais et que je trouvais vraiment jolie, mais visiblement elle n’a pas marché…
Nous avons un vrai parallèle entre l’automobile et la mode : les automobiles au design très marqué peuvent être pour certains un repoussoir… Et, pour d’autres, elles vont être quelque chose d’extrêmement séduisant parce qu’elles se démarquent. Au-delà de la ligne de carrosserie, le design d’une voiture me touchera par son équilibre général, les détails intérieurs, le côté fonctionnel ou bien encore l’esthétique des sièges, sur lesquels on trouve souvent des imprimés pas forcément très jolis, même si j’ai pu noter des progrès sur ce point.
Dans la mode, je regarde beaucoup de ce qui a été fait dans le passé. Pas dans l’intention de recopier, bien sûr, mais parce qu’il s’agit d’une formidable source d’inspiration. J’adore les voitures des années 30. Et j’adore les américaines des années 50-60, avec leurs couleurs démentes, notamment des roses incroyables… J’aime beaucoup le travail réalisé sur les couleurs. J’ai ainsi visité un musée automobile à Los Angeles, avec des choses extraordinaires, des teintes impensables aujourd’hui alors même qu’elles sont sublimes. Pourtant, je n’aime pas les voitures modernes colorées. Je trouve qu’elles ne sont pas très réussies. Je pense qu’il y avait un « truc » dans la peinture à l’époque qui fait que c’était différent. Dans les pièces de musée, que ce soit dans l’automobile ou la mode, le vrai parallèle se trouve dans les détails de finition. J’assiste à de nombreuses ventes aux enchères, ne serait-ce que pour ausculter les détails des modèles exposés. Ces modèles anciens témoignent d’un véritable élan créatif et méritent tout notre intérêt.



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