Paul Belmondo
Hervé Poulain : « en matière d’art, le risque est bien plus grand d’acheter un tableau qu’une auto »

Il a fait de son métier, un show. De sa vie, un roman. Et de sa passion, une raison de vivre. Hervé Poulain n’est pas seulement la star mondiale des commissaires-priseurs : pilote, collectionneur, expert, écrivain, patron d’Artcurial, il est une star « tout court ». Rencontre avec l’une des personnalités les plus cultivées du monde automobile.

Hervé Poulain est un être délicieux, connu pour son idée génialissime de confier la carrosserie de BMW des 24 Heures du Mans à des artistes comme Calder, Lichtenstein ou Warhol. Les fameuses Art Cars, qui s’exposent dans les musées du monde entier. Il est aussi un puits de science et de culture automobile, une référence dans le monde de l’art et un authentique pilote des 24 Heures du Mans, épreuve qu’il a courue à onze reprises… comme moi. Nous l’avons rencontré dans le cadre majestueux des locaux d’Artcurial, la célèbre maison de ventes aux enchères, installés rond-point des Champs-Elysées, dans l’Hôtel Dassault. Une rencontre qui a eu lieu quelques jours après la vente record qu’il a animée à Rétromobile. Evidemment, son expertise du marché de la voiture de collection est précieuse en ces temps agité. Le prix de certaines autos a doublé en quelques mois. Sommes-nous entrés dans une bulle spéculative ? Comment expliquer la valeur de certaines autos ? Un objet manufacturé peut-il être vraiment considéré comme une œuvre d’art ? Vers quel type de modèles faut-il s’orienter ? Nous avons voulu aborder avec lui une dizaine de sujets, une seule question a suffi pour mettre en marche le livre parlant.

L’avantage avec toi, c’est qu’on n’a pas besoin de préparer les questions : une seule suffit pour qu’on parle toute la journée, du moment qu’il s’agit d’art et d’automobile !

Il y a bien longtemps, un jour que je passais à Apostrophes, l’émission de Bernard Pivot, j’ai expliqué la relation qu’il pouvait y avoir entre la musique et mon métier. Dans la musique, il y a des constantes, la litanie, le prêche parfois. Ce climat incantatoire, obsessionnel, c’est ce qu’un commissaire-priseur doit tenter d’organiser par le verbe et la répétition. Comme dans la musique indienne ou arabe : ça tourne, ça tourne, et tu ne sais plus où tu en es. Je suis un prêcheur et un improvisateur. Dans mes interventions amicales comme aujourd’hui, c’est la même chose : je pars sur une toute petite trame, une improvisation, parfois risquée, parce qu’on ne sait jamais où ça nous emmène.

Ca fait partie intégrante de  ton métier

Absolument, c’est comme ça que je l’entends : je suis un prêcheur

Cultiver art et automobile est assez singulier. Comment sont arrivées ces deux passions ?

Contrairement à toi, qui avais dans tes gènes une envie très jeune de devenir pilote, je n’avais aucune vocation. Il m’arrive de donner des cours dans des universités sur le marché de l’art, et je commence par une phrase absolument rituelle. Je leur dis tout simplement que je suis un exemple rassurant pour les jeunes filles et les jeunes gens qui se désespèrent de ne pas avoir de vocation. Et comme il y en a neuf sur dix qui sont dans ce cas, je capte immédiatement leur attention. Car pendant que je faisais mes études, j’habitais en Normandie et je ne savais même pas que ce métier de commissaire-priseur existait. Par ailleurs, tiens-toi bien, je n’avais jamais vu de course automobile ! Pourtant, mon père était concessionnaire. Un jour, mon frère me dis « écoute, tu conduis pas mal, je te prête ma R8 Gordini pour faire le Rallye de l’Ouest ». Et là, c’était incroyable, quand j’ai appris à quatre heures du matin qu’on était en tête du groupe alors qu’il y avait 30 Gordini, je me souviens d’un moment d’une dilatation extrême et de plénitude de bonheur. J’ai fait ma première course et c’est la première course que je voyais. A 28 ans, à un âge où on pense plutôt à arrêter…

La toute première Art Car, une BMW 3.0 CSL engagée aux 24 Heures du Mans 1975. Une idée de génie d’Hervé Poulain (que l’on reconnait derrière la voiture à gauche) et mise en œuvre par Calder. 

Comme dans beaucoup de grandes histoires, il y a une part de hasard, d’opportunités…

J’ai écrit, « nous suivons enchaîné une étoile si lointaine qu’elle nous donne l’illusion d’être libre. » Je crois au déterminisme. Entre nos gênes et notre éducation, entre l’inné et l’acquis, que reste-t-il pour le libre arbitre ? Cette formule a un avantage, c’est celle « de ne pas se la péter » comme on dit vulgairement, de ne pas s’attribuer des mérites particuliers. Et le hasard pour moi, c’est du déterminisme dont on ne connait pas les causes. Le hasard n’est pas le libre arbitre, il en est le contraire.

L’idée des Arts Cars, est née de la réunion de tes deux passions, mais c’était également un bon moyen de financer ton volant au Mans ?

Pour moi, Le Mans, c’était Olympie ! En 1975, la Formule 1 n’avait pas tout vampirisé comme aujourd’hui, et la plus grande course du monde, c’était les 24 Heures. Evidemment, je n’avais pas les moyens d’y concourir. Il me fallait donc trouver une idée. Mais tout simplement, l’idée était que j’étais fou d’art et de vitesse. Et BMW a immédiatement adhéré. Quand je dis vitesse, j’entends intelligence, cette part du cerveau qui se met en branle pour analyser des paramètres à des allures fulgurantes -c’est dur d’expliquer ça à des gens qui n’ont jamais couru. Et puis, aller vite, c’est économiser du temps, donc de la vie gagnée. Médite ça ! Et pour l’aspect artistique, il faut bien comprendre qu’à l’époque, il y avait un abîme entre le monde de l’art et l’industrie. Aujourd’hui, il n’y a pas un sac Vuitton qui ne soit pas griffé par Jeff Koons ou je ne sais qui, mais à l’époque ça n’existe pas. Ces deux mondes s’ignoraient totalement.

Il n’y a pas un club de possesseurs de Picasso, alors qu’avec ta vieille voiture, même une 2CV, tu es dans un club.

Le fait qu’il s’agisse de voitures de course compliquait beaucoup les choses.

Oui, mais pour moi, décorer une voiture de route qui n’a pas d’histoire, c’est comme décorer un frigidaire. Aucun intérêt. Donc, il me fallait la noblesse du support, c’est-à-dire une voiture de course, laquelle allait avoir une histoire à raconter. Apporter un supplément de beauté à un objet déjà parfait, c’était un sacré challenge. Parce que la voiture de course a la beauté de l’efficience. Ces grosses bagnoles, avec leurs biscottos, dessinées par le vent, il y avait une grosse gageure à imaginer qu’on ferait encore plus beau. Et en effet, pour répondre à ta question précédente, c’était pour moi l’occasion de faire une course mythique dans les conditions d’un pilote d’usine. D’ailleurs, mes coéquipiers étaient souvent des pilotes de F1.

Les artistes étaient payés ?

Rien du tout. Il n’a jamais été question d’argent. Tous ont peint par amitié. Warhol, pas un rond, Calder, pas un rond, les autres, pas un rond ! J’amenais le peintre, BMW amenait tout le reste. Hélas, mon emploi du temps ne m’a jamais permis de profiter pleinement de ce statut de pilote d’usine. L’année de la M1, je venais d’ouvrir un nouvel hôtel des ventes et je n’avais vraiment pas la tête à la course, à tel point que c’est mon assistante qui m’a alerté : « M. Poulain, vous avez les essais du Mans aujourd’hui ». Tu vois l’état d’esprit. C’est à la gloire des amateurs. Je suis arrivé au Mans, on m’a harnaché et le team-manager me dit « vous faites quelques tours, vous faites un temps et vous rentrez ». Quand tu n’as pas fait la moindre course de l’année, c’est vraiment une formation accélérée ! Et tu te dis, j’ai Andy Warhol sur les ailes, si je me fais un saucisson ou si je transforme l’auto en compression de César, tu vois l’éclat de rire général dans les tribunes !

Poulain et ses deux poulains, Novikoff et Lamoure, lors de la célèbre vente Artcurial de Rétromobile.

Malgré ces contraintes, tu arrivais à te faire plaisir au volant ?

Ah oui, je me faisais quand même plaisir. Mais j’étais sage. Autant en rallye j’ai pris des risques vraiment insensés, autant là, c’était ma course. Mon seul impératif était de ne pas abîmer la voiture. Tu vois, un pro, il a une course 15 jours après, il s’en fout. Et quand il sort de la piste, c’est un héros. L’amateur, lui, il ne roulera peut-être plus pendant un an, peut-être plus jamais, et s’il casse la voiture, c’est un minable. Le Mans, je voulais me goinfrer au maximum et rouler le plus longtemps possible.

Les artistes n’étaient pas des passionnés ?

Warhol pas du tout. Sur la première version de la M1, il avait même peint les vitres ! En fait, il n’y en a eu qu’un, Franck Stella, qui avait fait la BMW 3.0 CSL. Il aimait beaucoup ça. Très peu d’artiste étaient passionnés par l’auto. Il y a eu Armand, ou César qui sont d’ailleurs venus au Mans. Calder aussi a assisté à la course, mais par pure amitié. Avant le départ, il m’a dit de son accent rocailleux : « Gagne ! ». Avant d’ajouter tendrement : « mais va doucement… ». Ce sont des grands grands souvenirs.

Et tu as eu de beaux résultats.

En 1979, on termine 6e au scratch avec la M1 Warhol ! J’ai une belle anecdote sur cette édition. Dans le stand d’à côté, il y a un pilote amateur qui me dit qu’il est très heureux d’être là. Et je le vois partir à quatre heures du matin sous la flotte. Je me dis, tout de même, c’est pas son boulot, il faut le faire, surtout à son âge. Moi j’étais dans la force de l’âge, j’avais 39 ans, il en avait 51. C’était Paul Newman. Crois-moi, il en avait, il ne sautait jamais son tour, même sous la pluie. Et moi, j’étais loin de me douter que je le ferai encore à 58 ans !

Warhol n’était pas du tout passionné de voitures et n’y connaissait rien. Sur la première version de la M1, il avait même peint les vitres !

Des regrets d’avoir manqué un artiste ?

Le regret absolu, qui ne cicatrisera jamais, c’est d’en avoir manqué plein ! Parce que moi, je me disais qu’on allait faire ça toute la vie avec BMW. J’avais tous les plus grands artistes du monde qui voulaient peindre ces voitures. Mais en 1980, les patrons de BMW m’annoncent qu’ils arrêtent : « tu comprends, on en fera pas mieux avec la M1 et le programme Formule 1 qui démarre prend toutes nos ressources ». En plus, je me souviens que Porsche avait sorti une pub avec le classement du Mans 1979 : 1er Porsche, 2ème Porsche, 3ème Porsche, 4ème Porsche, 5ème Porsche, 6ème BMW. Ca n’a pas dû arranger les choses.

Aujourd’hui, les autos appartiennent à BMW ?

Non, elles sont indivisibles. Charge à eux de les prêter, de les entretenir, de les exposer. Elles se baladent tout le temps dans le monde entier. Ils ne peuvent pas les vendre et moi non plus. Je trouve dommage qu’elles soient réduites à une carrière de musée, alors que je les voudrais vivantes, qu’on les voit rouler. Il suffirait d’enlever l’aile qui est signée et en route. Je me bats avec eux pour ça.

Tu en as une préférée ?

Elles ont chacune une lecture artistique particulière. Il est clair que la première, celle de Calder, restera à jamais comme une innovation absolue, une idée qui m’a donné une telle plénitude…

Hervé, c’est toujours un plaisir de t’entendre parler de ces aventures extraordinaires, mais nous devons commenter l’actualité et le marché de la voiture ancienne qui semble être devenu fou.

Mon gout de l’art fait qu’en 1974, j’écris un livre intitulé L’Art et l’Automobile. Jamais il n’y avait eu une ligne d’écrit sur ce sujet. Dans l’art, il y a vingt livres par an sur Picasso, mais pas une ligne sur l’automobile. Moi, j’ai choisi l’automobile parce que c’est l’objet symbolique du siècle et comme fil d’Ariane, pour voir ce qu’avait été l’art au XXème siècle. C’est-à-dire comment, de Toulouse-Lautrec à Andy Warhol, les peintres témoins de leur temps avait vu l’automobile et nous expliquaient notre histoire. La même année, je fais la première vente de voiture. Alors en effet, tout le monde regrette de ne pas avoir acheté telle auto il y a dix ans, tel modèle il y a vingt ans. Moi, j’ai aussi l’autre genre d’anecdote, dont on ne parle jamais, et qui concerne ce que nous n’avons pas vendu ! En 1977, Robert Lamplough, pilote de F2 que ton père a certainement connu, était responsable des ventes chez Christie’s. Et il me dit : « je te donne à vendre ma Ferrari GTO ». Je lui demande « combien en veux-tu ? ». «  200 000 francs ». Je lui dis qu’il faut être raisonnable. « Bob, la GTO, c’est quand même très pointu comme voiture ». Depuis, il m’envoie une boîte de chocolats tous les ans en me disant « Hervé, tu es vraiment le plus grand commissaire-priseur du monde, tu n’as pas vendu ma voiture ». Il peut me remercier, en effet, il l’a toujours !

Aller vite, c’est économiser du temps, donc de la vie gagnée.

C’est plus que des chocolats qu’il doit t’envoyer ! Elle vaut 40 millions aujourd’hui.

Tu te rends compte, je n’ai pas été fichu de vendre cette voiture 30 000 €. Incroyable.

Sincèrement, tu ne trouves pas exagéré le prix atteint par certains modèles aujourd’hui ?

Permets-moi d’émettre un bémol. En effet, nous venons de réaliser à Rétromobile la troisième plus fort enchère de l’histoire avec la Ferrari California (16,2 millions d’euros). Dans le même temps, le Qatar achète un Gauguin 300 millions de dollars (277 millions d’euros). On est encore loin du compte !

D’accord, mais pour l’automobile, on parle d’objets qui n’ont pas été conçus comme des œuvres d’art à la base et qui sont multiples.

Alors, je suis très à l’aise avec ça. Nous avons été élevés dans l’idée de l’Art avec un grand A, mais tous les codes ont été bouleversé depuis le 20e siècle. Quand Marcel Duchamp présente un urinoir et dit « c’est une œuvre d’art », esthétiquement, ça n’a aucun sens. Le mot de beau ne veut plus rien dire. La beauté s’est déplacée. Il y a énormément de gens qui sont sensibles à la beauté et qui ne se reconnaissent pas dans l’art conceptuel, l’art du kitsch, l’art de la provocation. Alors, ils vont vers quoi ? La BD, souvent. Et l’automobile bien sûr, où ils retrouvent dans un objet familier, la beauté du dessin, les aménagements intérieurs, les détails. Et surtout, c’est une œuvre vivante, habitée. C’est bien plus qu’une œuvre d’art. Un jour, j’avais dit à Dali, avec qui je passais à la télévision, encore chez Pivot, qu’une automobile, quand elle accomplissait son but esthétique, était plus importante artistiquement que la majorité des Renoir. C’était parfaitement iconoclaste, et j’ajoutais qu’aucune autre œuvre, aucun tableau, n’apportait en plus l’odeur, le bruit, le mouvement, les sensations physiques. Une beauté qui appelle absolument tous les sens. Après, sur l’aspect duplication, on pourrait effectivement trouver une fragilité à ce marché. Un Picasso, c’est ton Picasso, même le plus modeste, et il n’y en pas deux.  Tu vois, des Daytona, il y en a 1 000. On peut se dire qu’un jour peut-être, tu as 900 propriétaires qui vont se dire tous en même temps, « je craque, je vends ». Et le marché s’effondre. Mais ça n’arrivera pas.

Décorer une voiture de route qui n’a pas d’histoire, c’est comme décorer un frigidaire. Aucun intérêt.

Pourquoi ?

Parce que quand tu achètes ce genre d’auto, tu rentres dans un club, dans une fratrie. Tu n’es pas là pour l’argent. Ton tableau le plus précieux, à part peut-être les gens qui viennent manger chez toi, tu es le seul à la voir, tu ne le partages pas vraiment. Il n’y a pas un club de possesseurs de Picasso, alors qu’avec ta vieille voiture, même une 2CV, tu es dans un club. La deuxième chose qui rend ces objets de duplications individuels, c’est leur histoire. Les voitures ont toutes une histoire différente : leur provenance, leur palmarès dans le cas d’une auto de course, leur âge, leur couleur, leurs accessoires, leur intérieur, leurs propriétaires précédents…

Il y également le côté générationnel. Tout le monde n’aime pas les mêmes modèles. Moi, j’aime beaucoup la Ferrari BB, qui me faisait rêver dans les années 70, mais pas du tout la Testarossa qui est sortie quand j’étais adulte.

Bien sûr, on aime la voiture de son enfance, c’est très générationnel. Tout cela est très sentimental. A propos de sentiments, si tu permets, je voudrais adresser un petit clin d’œil aux gens du musée automobile de Compiègne qui m’ont pris une voiture à Rétromobile, alors qu’ils n’ont pas de moyens. Ils se sont saignés pour l’avoir et je voulais les saluer à nouveau.

Est-ce que la mondialisation a redessiné le marché ?

Complètement. C’est même le principal facteur de l’augmentation des prix. Pour nous, la mondialisation a plusieurs vertus. 1 : la communication en temps réel. On met sur notre site une auto et le monde entier la voit à l’instant même. 2 : une assiette chez les pays émergents qui s’est considérablement développée.

Dans l’art, il y a vingt livres par an sur Picasso, mais pas une ligne sur l’automobile.

C’est aussi ce qui peut créer la bulle.

Non, car la mondialisation est également prescriptrice. Ce qui est à la mode aux Etats-Unis va le devenir instantanément chez nous et inversement. Pendant deux mois, de décembre à début février, je t’assure, le monde entier a parlé de la vente de la collection Baillon de Rétromobile. Il y a un Indien qui nous a pris une voiture parce qu’il avait vu l’info sur CNN. Ce n’est pas une bulle, tout le monde veut des voitures, pourquoi voulez-vous que ça baisse ?

Tout de même, quand on voit le prix de certaines Ferrari. En 1991, tout s’était effondré d’un coup.

Actuellement le marché est sain, parce qu’il est logique, il n’a rien d’artificiel. Regarde la California que nous venons de vendre. Elle n’a que des atouts : le modèle déjà, qui est certainement le plus beau cabriolet de l’après-guerre, c’est la version châssis court, elle a les phares carénés, elle avait fait le Salon de Paris et effectivement, le fait  qu’il y ait eu Alain Delon dans sa vie a contribué à sa notoriété. Mais pas tellement à son prix, car celui qui l’a achetée ne sait pas qui est Alain Delon ! Il y a dix ans, il fallait tout acheter. Les Ferrari des années 60 et 70 sont tellement hors de prix, que les gens qui ont un budget de 100 000 €, il ne leur reste que les récentes. La Testarossa, les 308… On a vendu une BB 320 000 €, mais c’est mérité. Aujourd’hui, la situation n’a rien à voir avec 1991. A cette époque, les gens faisaient des emprunts pour acheter des voitures. Ils ne connaissaient rien à l’automobile. Ce n’est pas du tout le cas. Les acheteurs qui viennent nous voir maintenant savent ce qu’ils veulent, ils se sont renseignés avant. Et tu sais, les voitures en état moyen, ça reste encore difficile à vendre. Il y a deux écoles maintenant : ou les voitures totalement d’origine, ou les voitures totalement restaurées.

Il y a quand même encore des gens qui font ça uniquement pour l’argent ?

Non, sincèrement. Un vrai spéculateur ne va pas s’embêter avec une voiture. Tu te rends compte, l’entretien, la faire rouler, les démarches, etc. Le frimeur, à la première panne, il va tout laisser tomber. L’auto, c’est une culture et c’est un marché, beaucoup plus sain que celui de l’art contemporain en général. On prend beaucoup plus de risques à acheter un tableau d’art contemporain, plutôt qu’une auto, crois-moi !

Les voitures d’avenir ?

Les youngtimers bien sûr. Une 205 GTI, c’est l’histoire. Nous venons de vendre une Golf GTI série 1 à 35 000 €, mais elle était dans un état d’origine parfait. Sinon, achète une Renault Avantime : échec commercial, très peu d’exemplaires, voiture fiable, design intéressant… ça ne vaut rien aujourd’hui et ça va monter. Mais d’une façon générale, le conseil d’Artcurial, c’est que les gens achètent ce dont ils ont envie. C’est la seule règle.



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