Thierry Soave
Christophe Dechavanne : « je voulais être cascadeur ! »

Pendant longtemps, Christophe Dechavanne a mené très sérieusement deux carrières de front, l’une la semaine, devant la caméra, l’autre le week-end, derrière un volant. Conséquence, il est l’une des rares personnalités du show-biz à être devenu un authentique pilote de course. Rencontre avec l’homme qui a toujours quelque chose à dire.

Christophe, on ne vous voit plus sur les circuits. Vous êtes rangé des voitures ?

Problème de dos, pas le temps de m’en occuper, ni de chercher les budgets. Mais sinon, je suis toujours aussi accro. D’ailleurs, s’il y a un sponsor parmi vos lecteurs, je suis disponible !

C’est assez étonnant de mener deux vies parallèles aussi différentes qu’animateur télé et pilote de course.

Avant toute chose, la voiture, ça a toujours été ma came. A 18 ans, j’apprenais à conduire à mes potes. Quand il neigeait, je piquais la Daf Variomatic de ma grand-mère qui était un engin extraordinaire sur cette surface. On allait sur les routes du bois de Boulogne, près de Paris. Le problème, c’est qu’avec les coups de trottoir, je lui ramenais souvent les roues un peu carrées. Plus tard avec mon Autobianchi Abarth, je m’entrainais à prendre les virages au frein à main. Parce que ma vraie passion, c’était le rallye. Je dévorais Echappement tous les mois. Les grands noms de l’époque, c’était Andruet, Nicolas, Röhrl… Andruet, je suis monté avec lui bien plus tard, c’était un barge complet, mais je ne suis pas très bon en passager.

A 18 ans, je piquais la Daf Variomatic de ma grand-mère pour aller m’entrainer sur la neige. Au retour, elle avait les roues un peu carrées.

Et vous rêviez de devenir pilote.

Pas du tout. Je n’avais aucune connexion, aucun copain dans le milieu, mon père n’était pas garagiste… Même pas en rêve. C’est comme quand ma grand-mère me disait « tu devrais faire de la télé ». Je lui disais oui oui, mais j’ai fait de l’immobilier. Je ne connaissais personne. En réalité, quand j’étais petit, je voulais être cascadeur.

Comment est-ce arrivé alors ?

Comme souvent, par hasard. Un jour, en 1992, José Rosinski, ancien pilote et rédacteur en chef de Sport Auto, m’appelle et me dit : « il paraît que vous aimez les voitures. Nous lançons en France un championnat avec des Caterham, c’est une petite auto très marrante à conduire. Vous voulez faire une course ? » J’ai répondu non bien sûr, je ne sais pas piloter. Ma seule expérience, c’était quelques tours à Montlhéry avec une monoplace, j’étais en basket et une combinaison de l’an II, en coton, le genre qui prenait feu à la première allumette. Rosinski a insisté et je me suis laissé convaincre. Je m’en souviens parfaitement, c’était sur le circuit Bugatti du Mans. J’avais fait le 21e temps aux essais et je m’étais classé 15e, ce qui était plutôt encourageant pour quelqu’un qui n’avait jamais pris le départ d’une course. A partir de ce moment-là, le virus était inoculé, il ne m’a jamais quitté.

Mais le pilotage, ça s’apprend quand même ?

Peut-être, mais moi je n’ai pas eu trop l’occasion. Je n’ai jamais fait de karting ou d’école de pilotage. Le karting, je l’ai découvert à plus de quarante ans, quand j’ai fait le Master de Bercy. Comme je ne voulais pas être ridicule face aux pilotes de F1 qui étaient là, je m’étais entrainé comme un malade les semaines précédentes sur la piste de Soissons. Résultat, j’ai fini à l’hosto le jour des qualifs à Bercy. Je pleurais de douleur sous mon casque : j’avais tellement attaqué les jours précédents que je m’étais fait une poche de sang dans l’abdomen. Mais à Soissons, j’étais à 4 dixièmes de Prost. C’est lui-même qui me l’a dit.

Vous avez appris avec votre première voiture ?

Même pas, c’était une Peugeot 204 ! Mon père s’était fâché très fort parce que je m’étais fait arnaquer, le plancher de la voiture était pourri, on voyait la route au travers. Ensuite, j’ai eu deux Coccinelle, dont une avec laquelle j’ai fait 5 tonneaux. On est resté sur les portes au milieu de la route avec les portes bloquées, mais on n’avait rien. Ma première sportive, c’était l’Autobianchi Abarth.

On pilote comme on est dans la vie. Mes voitures de course, mon hélico, je les pilotais avec générosité, en fixant des limites pas très raisonnables.

Pour trouver des sponsors, être une star de la télé, ça aide.

Pas du tout. Les premières années, j’ai tout payé de ma poche. D’ailleurs, les gens disaient « Dechavanne, il a bien assez d’argent comme ça ». Ensuite, des gens m’ont fait confiance parce que les résultats sont arrivés.

Il paraît que votre style est généreux en piste.

Je suis généreux dans la vie aussi. Je crois qu’on pilote comme on est dans la vie. Mon hélico, je le pilotais avec générosité aussi, comme je pilotais les voitures. Autant je ne suis pas bagarreur dans la vie, autant en piste je suis plus teigneux. J’ai eu des échauffourées de carrosseries, même à de très grosses vitesses. Si un type veut me mettre un coup de poing dans la gueule, je m’en vais, mais en piste, un mec qui me tapait, qui me touchait, ça je l’acceptais mal. Quand j’ai fait les 24 Heures de Chamonix, j’étais appelé 5 fois à la direction de course. Avec l’âge, ça passe, mais c’est vrai que j’ai eu pas mal d’accidents. Comme toi.

Heu, moins que toi quand même… Comment le public percevait-il votre double vie ?

Sur les circuits français, ce n’était pas facile. Quand les gens venaient me demander des autographes et que je les faisais attendre parce que je devais travailler avec mon ingénieur sur les acquisitions de données et les réglages de la voiture, ils n’étaient pas contents. Ils disaient « pour qui il se prend celui-là »… Déjà que je n’étais pas un  gros travailleur sur la technique, en plus, je me faisais plus ou moins engueuler par le public. C’est pour ça que je suis parti disputer le championnat belge de Supertourisme pendant deux ans. Quand j’ai gagné à Spa, je voyais des tribunes de 15 000 mecs se lever et je les entendais crier mon nom dans l’habitacle. J’avais vraiment une réputation sympa là-bas, comme pilote et comme personne. Je trouvais qu’il y avait une ambiance beaucoup plus cool qu’en France. En France, je me faisais souvent mettre dehors par ceux qui ne supportaient pas d’être derrière le mec de la télé, alors qu’en Belgique, les journaux écrivaient « le pilote français Christophe Dechavanne… » et non pas « l’animateur français… ». C’était un kif terrible. J’étais plus fier de ça que de n’importe quelle couverture de Télé 7 Jours.

Vous avez installé une barrière absolument hermétique entre vos activités de pilote et la télé.

Vous savez, je ne suis pas dupe : quand j’ai commencé à venir sur un circuit en combinaison, tout le monde se foutait de ma gueule. Devant moi, un peu, et dans mon dos, tout le temps. J’étais le couillon de la télé qui venait frimer dans les voitures de course. La deuxième chose, c’est que j’avais tellement de demandes des pilotes et de gens qui voulaient placer leur marque à la télé que je ne voulais pas mettre un doigt là dedans. C’est vrai que j’aurais pu frimer un peu le lundi à l’antenne après avoir fait un podium la veille, mais je ne l’ai jamais fait. Cela dit, quand Patrick Le Lay, patron de TF1 de l’époque, a compris que c’était du sérieux, il m’a demandé de prendre une assurance qui m’a couté une fortune. Aujourd’hui, il m’arrive de parler un peu de course automobile quand je rencontre des Belges dans des jeux, mais c’est tout.

En Belgique, quand on parle de moi, on ne dit pas « l’animateur français », mais « le pilote français ». Ça, c’est un kif terrible.

Avec les gendarmes, comment ça se passe monsieur Dechavanne ?

Très bien. Déjà je n’ai pas souvent affaire à eux. Et quand ça m’est arrivé, parce que je roulais un peu trop vite la nuit, j’admets volontiers avoir fait une bêtise. J’ai d’excellents rapports avec eux aussi parce que je suis un garçon très poli et que je ne me la pète pas.

Combien de points reste-t-il sur votre permis ?

Douze ! Je fais super attention sur la route. Si je prends un radar certains vont titrer « Dechavanne assassin ! ».

Vous suivez la F1 ? Vous avez un pilote préféré ?

Je regarde tous les Grands Prix, que je sois en France, comme à l’étranger. Côté pilotes, c’est incroyable de voir comme les choses ont changé : ce sont des gamins. J’aime beaucoup Alonso qui a un pilotage incroyable, et comme personnage, Räikkönen, qui a une vie de fêtard en dehors de la F1. Et il marche super fort.

Steve McQueen a dit un jour « je préfère passer une soirée avec Stirling Moss plutôt qu’une nuit avec Marylin Monroe ». Et vous ?

Moi, une soirée avec Steve McQueen, ça aurait été top.



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