Paul Belmondo
Ari Vatanen, Luc Ferry, Paul Belmondo : les tontons drivers

Le premier, rallyman de légende, a goûté à la politique avec deux mandats de député européen. Le second, philosophe et ancien ministre, est aussi un passionné d’automobile et de pilotage. Car Life a organisé leur première rencontre autour de notre intervieweur, un peu spécial lui aussi, Paul Belmondo.

Paul

Ce qui est intéressant dans vos profils respectifs, c’est que toi Ari, tu as commencé dans le sport automobile pour poursuivre en politique. Alors que Luc, c’est l’inverse. Il a commencé par la philosophie, puis la politique, et il est maintenant pilote officiel Car Life magazine.

Ari

Mieux vaut tard que jamais !

Luc

On ne se connaît pas, mais j’ai regardé 50 fois la vidéo d’Ari à Pikes Peak (1). Pour faire un truc pareil, il faut être croyant. Ou pas du tout. Franchement je rêverais de monter à côté de vous, mais pas sur cette piste là, c’est complètement dément ce que vous avez fait là !

Ari

Oui, on m’en parle tous les jours de ce petit film. Aujourd’hui ça a bien changé, c’est tout goudronné, mais ça reste une épreuve mythique.

Luc

Vous feriez ça encore ? Vous en seriez techniquement capable ?

Ari

Ce n’est pas vraiment une question de technique. C’est surtout que la vie avance, et qu’on n’a pas le même but en vieillissant.

Paul

On a apporté cette image célèbre, où Ari se protège les yeux du soleil avec la main droite, au bord du précipice. Il fallait être assez décontracté.  Tu fais ça deux fois, en plus !

Ari

La deuxième fois, je faisais signe aux photographes ! (rires)

Paul

L’an dernier le film est passé au Festival Automobile International, sur grand écran, tout le monde avait le souffle coupé. Au moment où cette image apparaît, la salle applaudit à tout rompre, et là tu arrives sur scène…

Ari

Oui, je m’en souviens. Une autre fois c’est arrivé avec une dizaine de mexicains, qui tous faisaient une tête de moins que moi. Ils ont insisté pour que je sois dans la photo comme ça, avec la main devant les yeux.

Paul

On la fera tous ensemble à la fin !

Luc

Dans le même genre, cela me fait penser à Jean Ragnotti. Je l’ai vu l’année dernière à Montlhéry, où je conduisais une des voitures de course fabriquée par mon père (2) Je vois passer Jean sur l’anneau de Montlhéry, avec sa R5 turbo et sans blague, à 160/170 à l’heure il se lance dans une série de tête-à-queue, trois de suite, juste devant les tribunes de Montlhéry, pleines de spectateurs. On ne savait alors pas qui était dans la voiture, on s’attendait à voir sortir un gamin de 20 ans et c’est un monsieur de près de 70 ans qui sort !

Paul

Ari, la sécurité routière est un combat qui t’est cher, désormais.

Ari

Oui, mais la sécurité routière en tant que telle, c’est quelque chose de technique, alors que moi je me bats pour la vie. Ça, tu le comprends quand tu as failli la perdre au volant. Dans cet esprit, mardi matin on a fait cette petite manifestation pour soutenir les femmes saoudiennes qui n’ont pas le droit de conduire. On voulait leur montrer qu’elles ne sont pas seules.

Luc

Oui, je vous ai entendu à ce sujet sur France Info. C’était bien de faire ça, ils sont en train de changer, je crois. D’ailleurs, je vous ai entendu, vous êtes passé assez longtemps.

Paul

Ari, tu habites dans le sud-est, dans les Alpes. Tu n’as pas en projet de venir à Paris pour prolonger ta carrière politique, après le parlement européen ?

Ari

Non, il n’y a pas d’ouverture.

Paul

Et s’il y en avait une ?

Ari

Pourquoi pas, mais plutôt comme ambassadeur de quelque chose, d’une cause.

Luc

Sur la route vous conduisez très sagement, c’est ça ?

Ari

On peut se tutoyer ? Généralement oui, je conduis calmement. Sauf en pleine nuit sur des routes de montagnes quand je suis tout seul et que je vois ce qu’il y a en face. J’aime toujours le pilotage, bien sûr. Mais j’aime aussi voir comment les voitures ont évolué. C’est le progrès qui m’intéresse, dans tous les domaines.

Luc

C’est l’innovation qui sauvera le monde, c’est évident !

Paul

Et toi, Luc, tu es au moins aussi actif qu’Ari…

Luc

Oui, beaucoup de conférences, ce qui me donne la chance d’être invité dans le monde entier, des chroniques dans la presse (Le Figaro, Radio Classique, et maintenant Car Life), des livres… Voilà, ça tourne.

Ari

Il faut être très discipliné pour écrire beaucoup comme tu le fais.

Luc

Et physiquement en forme. J’essaie de travailler tous les matins très tôt.

Ari

J’ai l’impression que, comme moi, tu n’aimes pas trop les écologistes…

Paul

C’est vrai, ça. Ils sont contre le nucléaire, le charbon, l’automobile, contre tout. Mais avec quelles solutions ?

Luc

L’écologie pose de bonnes questions, évidemment. Il y a de vrais sujets, comme par exemple la crise des matières premières qui est une préoccupation. Mais je pense qu’il y a deux solutions. La première est l’innovation. Si par exemple on changeait toutes les ampoules électriques traditionnelles contre des LED, on économiserait du jour au lendemain 600 centrales électriques. Et c’est un exemple parmi 1000 autres. La deuxième piste c’est le recyclage. Pendant les années 50/60 tout devait être jetable : stylo jetable, briquet jetable, bagnole jetable. On aurait inventé une maison jetable, tout le monde aurait trouvé ça formidable ! Il faut sortir du jetable pour passer dans le recyclage. Et là, dans ces deux directions, l’innovation technique et scientifique peut vraiment permettre un progrès extraordinaire. Ça peut aussi créer des emplois. La croissance verte n’est pas une idée absurde, loin de là. Il ne s’agit pas de rejeter ou de nier les problèmes écologiques, mais les solutions proposées qui sont absurdes.

Ari

Ce qui marche, c’est le progrès. Mais les écologistes sont les gens anti-progrès, au discours apocalyptique. Tu prends n’importe quelle technologie, ils sont contre. Contre le nucléaire, contre le système économique… Et c’est grâce à l’économie du marché que tu as des moyens d’investir pour trouver des solutions.

Luc

Pour aller dans le même sens que vous deux, j’ajouterai que les écologistes jouent sur la haine de la liberté individuelle, donc ils détestent la voiture. Quand on regarde les grands films écolo-catastrophistes, soit ceux de Nicolas Hulot, soit ceux de cet imposteur d’Al Gore, ou Yann Arthus-Bertrand, ça joue amplement sur la peur. Or, grandir, c’est vaincre les peurs. Aujourd’hui la peur est perçue comme le premier pas vers la sagesse, au nom de ce fichu principe de précaution. De fait, on a peur de tout : du sexe, de l’alcool, du tabac, de la vitesse, des côtes de bœuf, des volailles, des nanotechnologies, de la mondialisation, du réchauffement climatique, de mon ami Claude Allègre et de mille choses encore. On est dans une logique de prolifération des peurs.

Paul

On dit que la F1 pollue, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan. Et l’on oublie un peu vite ce qu’il y a autour en termes de tourisme, de création d’emplois et de développement d’une région. La note carbone du Tour de  France, avec toute la caravane et les hélicos, est colossale par rapport à celle de la F1.

Luc

Vous n’avez jamais couru ensemble ?

Paul

Si, le Dakar. Mais on ne boxait pas dans la même catégorie. Ari arrivait dans l’après-midi, et moi… un peu plus tard ! J’ai beaucoup vu l’Afrique de nuit. (rires)

Luc

Ari, tu n’as jamais fait de F1 ?

Ari

Non, mais le rallye et le circuit, c’est comme le foot et le rugby. Ça n’a pas grand-chose à voir.

Paul

Ari, quel regard portes-tu sur le rallye actuel? De l’extérieur, j’ai l’impression qu’il y avait une plus grande part d’improvisation dans ta conduite que dans celle d’un Loeb ou d’un Ogier.

Ari

Il est possible qu’ils soient plus « propres » aujourd’hui, mais le principe est resté le même : il faut repousser les limites.

Luc

Est-ce que la conduite a changé ? Par exemple, est-ce que Sébastien Loeb conduit aussi bien que toi ?

Ari

Bien sûr ! Sébastien Loeb ou Alain Prost, ont un style très professionnel. Moi c’était tout le contraire, et je ne regrette rien ! (rires). Je vais vous raconter une petite anecdote. Il y a une quinzaine d’années, j’étais à Monaco au restaurant avec Rita, ma femme. A côté de nous, il y avait Michael Schumacher, tout seul, qui répondait beaucoup au téléphone. Il a pris une tarte aux pommes en dessert. Et vous savez, la meilleure partie de la tarte aux pommes, c’est cette gelée qu’il y a entre les morceaux et au dessus. Eh bien il a raclé la gelée minutieusement, pour ne pas manger de sucre ! Quelques années plus tard, on m’a demandé ce que je pensais de lui en tant que champion, alors qu’il avait déjà trois ou quatre titres à son actif. Et j’ai répondu que si le prix à payer, pour être un si grand champion, était d’enlever la meilleure partie de la tarte aux pommes, alors très peu pour moi !

Luc

En effet tout est dit ! Question à vous deux, lorsque vous étiez grands champions, aviez-vous des amis dans le milieu ? Ou bien est-ce que la rivalité règne, un peu comme dans le milieu politique, publicitaire ou journalistique où l’on a très peu d’amis, car la concurrence fait qu’on est tous au moins un peu dans la jalousie… ? Deuxième question, est-ce qu’il y a des gens que vous avez admiré ?

Ari

De mon côté, je n’avais que des copains. Je n’avais pas d’ennemis. Dans le rallye, on a encore cette ambiance conviviale. Le soir, on dîne tous ensemble.

Paul

Il y a Bertrand Gachot, mon coéquipier, avec qui je m’entendais très bien. Pourtant, le premier pilote que l’on veut battre, c’est justement celui roule dans la même voiture que vous. Dans les pilotes que j’admire, je citerai Senna. Je pense qu’il n’y a pas un pilote aujourd’hui qui ne le citerait pas. J’aime bien Prost, aussi, pour son approche ultra-professionnelle. Plus jeune, j’aimais bien Laffite et Stewart. Et un autre pilote, qui n’a pas fait une longue carrière, c’était Carlos Pace. Mais j’aimais plus la F1 des années 70-80. Senna, j’ai eu la chance de courir à son époque. J’ai aussi vécu le Grand prix d’Imola 1994, lorsque je courais chez Pacific. Il y a d’abord eu Ratzenberger qui s’est tué aux essais le vendredi, puis Senna le dimanche. Je peux vous garantir que c’est terrible de vivre ça.

Luc

Senna, qu’avait-il de plus que les autres ?

Paul

Il avait du charisme, il avait une passion pour le pilotage… Le problème des voitures à l’époque, c’est qu’elles n’avaient que très peu d’assistance électronique, elles étaient très puissantes, très violentes, très physiques. Il y avait une vraie couleur, une émotion qui émanaient de lui. A l’époque, quand tu avais un problème avec un pilote, ça se réglait derrière les garages, tu discutais avec lui et c’était réglé, tu n’avais pas quelqu’un qui allait lui mettre, pour une raison X ou Y, un stop & go, 30 secondes de pénalité… Aujourd’hui, tu fais un dépassement un peu osé, tu franchis une ligne blanche, on te dit que tu es en dehors du circuit et que ça ne va pas. Donc avant, c’était des gens qui avaient pas cette personnalité. Ils se parlaient.

Ari

C’est une personne qui est morte trop tôt. Il fait partie de ces gens qui ne sont pas parfaits parce qu’ils font des bêtises. Comme toi et moi, parfois dans ta vie on va te dire que tu es nul, parce que tu fais des erreurs… Comme Colin Mcrae, qui n’a gagné le championnat du monde qu’une seule fois, mais les gens l’aimaient parce qu’il faisait des bêtises, il était vivant ! C’était All Or Nothing. Make It Or Break It. Comme moi. Cette manière tragique dont il est mort en hélicoptère, devant sa maison, avec son meilleur copain, son fils et le meilleur copain de son fils. C’est terrible.

Paul

Tu as commencé sur une Ford Escort, non ?

Ari

Oui, c’était la voiture idéale pour moi. Toujours complètement de travers, à contrebraquer… La vie, sans contrebraquer, c’est nul ! (Rires)

Luc

Question bête encore une fois, la peur. Est-ce que vous avez eu peur ? J’en ai déjà parlé avec Alain Prost, qui me disait, pour être honnête, qu’il avait quand même une bonne trouille. Que vraiment, la peur était un truc très présent dans la F1.

Paul

Personnellement, je n’ai eu peur qu’une seule fois en conduisant. Je n’avais jamais peur avant de conduire, la peur venait rétrospectivement. J’avais une totale confiance en ce que je faisais. C’est en y repensant après, que je me dis « là, t’aurais pu te faire mal ». La seule fois de ma vie où j’ai eu peur, c’était aux 24h du Mans 1987, dans une Porsche 962. Cette voiture courait le championnat du monde avec des Yokohama, qui étaient des pneus à carcasse conventionnelle, mais pour Le Mans on avait eu un accord avec Michelin, qui nous avait fourni des carcasses radiales. Ce qui avait rendu la voiture inconduisible. Je me souviens de mon coéquipier qui arrive au terme de son relais, descend de la voiture avec les yeux exorbités et me dit « Paul, ne monte pas dans cette voiture, c’est un tombeau roulant ». J’y suis quand même allé, et à chaque fois que j’entamais la ligne droite des Hunaudières, je priais Dieu pour arriver au bout en un seul morceau. La voiture roulait à 350 km/h. Et à chaque fois que j’arrivais à la bosse des la ligne droite, la voiture décollait et balayait la piste deux fois en largeur. Mon autre coéquipier a pris la voiture pour son relais et l’a mise dans le mur. Je l’en aurais remercié ! Heureusement, il ne s’est rien fait. Ari n’a pas répondu sur la peur.

Ari

Une fois, ma fille est revenue d’Argentine avec un ami sportif de Buenos Aires, et il avait apporté avec lui un journal de 1985 dans lequel une photo d’amateur figurait. C’était une photo de moi juste après mon accident (2) où on me voit allongé par terre dans ma combinaison, et je me rappelle de ce moment, en pleine hémorragie, attendant l’hélicoptère de secours, entre la vie et la mort. J’étais avec deux mécaniciens que je connaissais bien, et je disais simplement en Anglais « No more rallies, no more rallies ». Aux urgences, le médecin a dit à ma femme que j’étais vivant par miracle, mais que j’allais rester dans un état végétatif, en raison du manque d’oxygène que mon cerveau avait subi.

Luc

Et la peur, dans tout ça ?

Ari

Je m’en suis sorti, mais pendant la convalescence, j’ai fait une dépression. J’avais peur du cancer, j’avais peur du sida, j’avais peur de tout.  Puis j’ai fini par me réveiller de ce cauchemar, j’ai vu la vie dans de vraies couleurs. Et cette peur, tu l’oublies. Tu es heureux d’être en vie.

Paul

Tu as repris la compétition dans des disciplines très dangereuses, comme Pikes Peak, après l’accident.

Ari

Mon premier vrai test a été Pikes Peak en 1987, lors des qualifications, sur un parcours de 10 km. Les trois jours précédents, on avait tout essayé et malgré ça on était moins rapide qu’Audi d’une seconde au kilomètre. Je commençais à me dire que je n’étais plus le même Ari qu’avant, à gamberger… Puis l’équipe décide de modifier la voiture une dernière fois sur un plan aérodynamique, sous l’impulsion de Jean-Claude Vaucard, ingénieur fantastique qui est d’ailleurs resté un ami depuis. Et ils travaillent toute la nuit. Arrive le matin des qualifications et là, au bout de trois virages, je réalise que la voiture est transformée. D’un coup ça relève ton niveau, la confiance revient et rien ne peut te battre. Tu es littéralement dans les nuages. La veille, j’étais 5 secondes derrière Walter (Röhrl, NDLR) sur cette portion de 10 kilomètres, et là j’étais 4 secondes devant ! J’avais enfin la certitude que l’accident d’Argentine ne m’avait laissé aucune séquelle. A l’arrivée, je suis resté seul dans la 205, je ne voulais pas sortir, au bord des larmes. Une histoire de deux ans, avec des moments noirs, si noirs, prenait fin !

Luc

Paul, ça ne t’a jamais tenté ce genre de courses ?

Paul

Le Dakar, tu peux le faire en parallèle d’une carrière sur circuit parce qu’il n’y a pas la part de pilotage que l’on trouve dans le rallye traditionnel. Alors que le rallye traditionnel, il faut un talent énorme pour en faire, j’ai une grande admiration pour ces pilotes. Idem pour la moto. Le Dakar, à un moment donné, j’avais envie de le faire à moto. En voiture, si tu as du bon matériel et que tu fais attention, il a de grandes chances pour que tu arrives au bout, alors qu’à moto, c’est une autre histoire, il y a un vrai challenge.

Ari

C’est une course très dure à moto. J’encourage les professionnels à la faire, mais c’est plus compliqué par les amateurs.

Paul

Lorsque j’ai fait le Dakar, on a rencontré un type dans le bateau qui s’est assis avec nous et avec qui on a discuté. Il était agriculteur et il nous a dit que cela faisait trois ans qu’il économisait pour faire le Dakar, qui était son rêve. S’il nous lit, il se reconnaîtra peut-être. Il avait une Honda, pas une grosse cylindrée… Il nous a demandé s’il pouvait laisser son sac de couchage dans notre voiture le temps de la course. Il nous a dit « je suis agriculteur, je suis fort, donc j’irai au bout ». Et il est arrivé au bout !

Ari

Alors pour résumer : il a économisé pour s’offrir son rêve, le rêve de sa vie. Et on lui répondrait aujourd’hui « non, tu émets trop de CO2, tu ne vas pas aller à Dakar » !

Paul

Bien  sur qu’il y a eu des erreurs, mais quand tu te traines une caravane avec 3000 personnes dedans, forcément, il va y avoir des cons. Et puis on entend souvent des gens dire « ah oui, le Paris-Dakar, le rallye qui tue des gens » Par contre, quand on traversait des villages et que les enfants des écoles nous regardaient passer, c’était un événement pour eux, ils étaient heureux de nous voir passer… Et puis le camion déposait dans chaque école des cahiers et des crayons, c’est aussi une mission humanitaire. Tout le monde faisait des actions comme ça. Il y avait vraiment quelque chose de rendu aux pays traversés.

Ari

Le Dakar est une course difficile à comprendre. C’est un choc dans l’inconnu chaque matin, une grande aventure. Le temps que j’ai passé en Afrique m’a beaucoup aidé à forger mes opinions sur la famille humaine, sur un monde sans frontières. Et ça m’a aidé par la suite, quand j’étais député européen, quand il était question de politique agricole  ou de protectionnisme. Il faut connaître les gens, par leur nom, leur histoire. La politique peut se transformer en souffrance, il faut donc connaître les individus, et veiller à ce que la chaîne de commande de la politique en engendre le moins possible.

Paul

Luc, en quoi roules-tu ?

Luc

J’ai une petite Jaguar, devant la porte (XKR cabriolet, NDLR). J’ai passé mon enfance sur les circuits, où nous accompagnions mon père. Ce qui explique pourquoi j’aime vraiment Les voitures anciennes. L’un de mes rêves est de conduire la Mercedes W125 de 1937. Presque 600 chevaux c’était un monstre !

Paul
Et, toi Ari ?

Ari
J’aime bien les grandes berlines, confortables et efficaces. Même en diesel. Les voitures dans lesquelles tes fesses touchent le sol, ça m’intéresse moins. Chez Ferrari, j’apprécie surtout la façon dont ils valorisent leur marque. Ils génèrent des bénéfices colossaux en produisant seulement 6000 voitures par an. C’est de la valeur ajoutée, c’est assez admirable. C’est comme pour les jolies montres. Mais une Ferrari, c’est pour le dimanche pas pour tous les jours. Alors qu’avec Porsche tu peux rouler tous les jours.

Luc
La FF, tu peux la conduire tous les jours.

Ari

On n’a même pas parlé de mobilité, on n’a pas parlé de transport public. J’ai vu qu’il y aura une ligne TGV de Paris à Barcelone. Or, c’est bien plus important d’avoir une ligne rapide directe entre Roissy et Paris-centre qu’entre Paris et Barcelone.

Luc

La circulation à Paris est parfois un non-sens. Je prends l’exemple des aménagements pratiqués dans Paris, comme au niveau du quai d’Orsay et des Invalides. Delanoë que je connais bien m’a dit que c’est fait exprès pour emmerder les gens, pour qu’ils renoncent à utiliser leurs voitures. Pourtant, tu pollues beaucoup plus puisque dans les embouteillages tu consommes beaucoup plus.

Ari

Tous les modes de transports sont moteurs de la société, et ils pourraient les mettre sur un même pied d’égalité, et optimiser la mobilité. Si la mobilité de marche pas, c’est qu’il y a beaucoup de gaspillage. Si tu essayes de mettre des bâtons dans les roues de l’autre, tu vas simplement empêcher la mobilité. Les lois anti-voitures, c’est destructif pour la société. Et pendant ce temps, la Chine avance. Il y a un vrai paradoxe. La Chine est en plein développement et arrive a se débarrasser peu à peu de ses milliard de vélos. Et nous, on croit qu’on peut revenir au vélo !

Luc

Juste deux chiffres sur le capitalisme moderne qu’on déteste aujourd’hui. Entre 1800 et aujourd’hui, la longévité humaine a été multiplié par 3. On vit 3 fois plus vieux qu’a l’époque de Victor Hugo enfant. Le deuxième point, c’est que le niveau de vie des français a été multiplié par 20, depuis 1800 et par 3 depuis 1950. Le capitalisme ne nous a pas plongés dans la misère, il nous en a sortis. Si on avait dit a Victor Hugo, quand il écrivait « les Misérables » en 1863, qu’un enfant qui naît aujourd’hui en Finlande en France, à Genève, Madrid ou Berlin, a une espérance de vie non plus de 20 ans mais de 80ans, qu’il a la santé gratuite, l’éducation gratuite, le droit de voyager dans le monde entier pour trois francs si sous, qu’il a le doit d’insulter le président de la République quotidiennement dans les établissements scolaires sans être envoyé à Guernesey, Victor Hugo serait tombé de sa chaise. Même les utopistes les plus fous du 19eme siècle n’auraient pas imaginé dans leur rêves les plus délirants, le centième de ce qu’est un enfant qui naît dans l’Europe aujourd’hui. C’est ca l’amélioration. Donc le problème n’est pas de flinguer cette civilisation là. C’est la seule civilisation de l’autonomie, la seule ou les femmes ne sont pas traités comme des enfants, les hommes ne sont pas non plus traités comme des enfants. On est sorti des théocraties. Le problème est donc de comment la défendre chez nous, et comment la répandre dans le monde entier. Et là arrivent les écologistes, qui veulent punir en permanence, au lieu d’imaginer des éléments de croissance qui vont dans le sens de l’écologie. Intégrer l’économie à l’écologie, c’est ça la solution.

(1) Chercher sur Youtube le court-métrage « Climb dance ». Réalisé lors de la course de Pikes Peak 1988, il met en scène la victoire d’Ari Vatanen au volant d’une Peugeot 405 T16, au volant de laquelle il battra le record de l’épreuve.

(2) Suite à un terrible crash au rallye d’Argentine 1985, Ari Vatanen passera 18 mois à l’hôpital puis en rééducation, période durant laquelle il connaîtra une dépression)



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