Eléna Lucas
Pubs comparatives : mieux vaut en rire

Bien qu’autorisée en France, la publicité comparative ne s’est pratiquement jamais introduite dans le monde automobile. Contrairement aux Etats-Unis où elle est érigée au rang de spectacle, le plus souvent humoristique.

  • Plaisir partagé

Comment prendre du plaisir au volant d’une Mercedes ? Très simple, en transportant des BMW ! Et cette fois, ce ne sont pas les Américains les coupables, mais bien les Allemands, qui ont imaginé cette pub un peu humiliante pour la marque à l’étoile… qui ne manquera pas de rappeler que lorsque BMW était engagé en F1 il y a une quinzaine d’années, les poids-lourds utilisés par la marque bavaroise pour se rendre sur les grands prix étaient des Mercedes. Le mardi précédant la course, lorsque le circuit n’était pas encore envahi de spectateurs et photographes, les remorques étaient déposées dans le paddock et les tracteurs à l’étoile bien vite évacués hors du site, garés le plus loin possible des regards pour que personne n’ait la photo des BMW F1 tractées par les camions du pire ennemi.

  • L’Astra ne manque pas d’air

Bien décidée à jouer la carte de l’automobile allemande haut de gamme, l’Opel Astra -Car of the year 2016- survole littéralement les grosses BMW ou Mercedes grâce à sa carrosserie moins lourde. Un peu léger comme argument quand même…

  • Premium préhistoire

Comme le démontrent ces deux clichés d’habitacles, difficile en effet de différencier une Mercedes à 9 500 $ d’une Audi à 3 900 $… Mais ça, c’était dans les années 70, quand Audi cherchait encore son positionnement, entre haut de gamme et généraliste. Depuis, les choses ont été clarifiées, c’est le moins que l’on puisse dire, et l’image de la marque a autorisé Audi à multiplier ses prix par deux ou trois.

  • French flair

Quand Peugeot voulait conquérir les Etats-Unis, il ne lésinait pas : à l’en croire, sa 604 offrait à la fois le contenu technologique d’une Mercedes, le plaisir de conduite d’une BMW et l’élégance d’une Jaguar. Et portait l’estocade grâce à son niveau de confort largement supérieur. Certes, la grande berline française était une excellente voiture, mais ces arguments un peu outranciers n’ont guère convaincu.

  • Porsche qui rit

Ambitieux, Citroën explique le plus sérieusement du monde aux américains que sa DS offre les mêmes performances qu’une Porsche (enfin, la 912 à moteur 4 cylindres…). Et la berline française assoit sa domination en offrant un confort et un niveau de sécurité bien supérieurs. Comment ? Grâce à des suspensions hydropneumatiques identiques à celles de la Rolls-Royce Silver Shadow et un système de freinage aussi puissant que celui d’une Ferrari 330 ! Comment résister ?

  • Saab qui pleure

Saab démontre, données à l’appui, en quoi sa 900 est supérieure à la BMW 320i. Et enfonce le clou en insistant sur son équipement de série : sièges avant chauffants, sièges arrière rabattables, amortisseurs à gaz et, surtout, montre à quartz ! Méthodique, donc. Bon, depuis, la marque suédoise a disparu et BMW a finalement survécu à l’oubli de la montre à quartz.

  • Bouclier ou trésor

Aux Etats-Unis, on confronte les voitures, mais aussi les campagnes de pub. Car si la citadine Volkswagen Polo et la super-sportive Nissan 350Z n’ont absolument aucun point de comparaison, le message de l’une a inspiré celui de l’autre. Ainsi, voulant démontrer la solidité de sa petite citadine, l’agence de Volkswagen a imaginé qu’elle pouvait servir de rempart à un escadron de policemen attaqués à l’arme lourde. Quelques semaines plus tard, Nissan parodiait cette pub en plaçant les forces de l’ordre, cette fois devant (et non plus derrière) la 350Z pour la protéger des assaillants.

  • Les ferrailleurs

Et voilà le meilleur exemple du pire (niveau 0 de créativité) et du meilleur (ça fait quand même bien rire) de la publicité comparative aux Etats-Unis. Chez Audi et BMW, la guerre fait rage entre les adeptes de la sécurité du système Audi Quattro et la sportivité des propulsions BMW. Dans cette parodie, la première image montre une M3 ayant fini dans le fossé, le créatif n’ayant pas oublié d’intégrer dans son casting une Audi A4 Quattro passant opportunément dans ce même virage, et continuant tranquillement sa route : « voilà ce qui arrive quand vous n’avez pas de Quattro ». Evidemment, réplique de BMW, tout aussi grossière, avec ce gros plan d’une Audi R8 accidentée : « voilà ce qui arrive quand vous avez une Quattro ». Heureusement, l’escalade s’est arrêtée là.

  • Chambrez, chambrez, il en restera toujours quelque chose

En 2005, Audi remporte le prix de la voiture de l’année… en Afrique du Sud. Très sport, BMW félicite son rival, mais en signant « de la part du vainqueur du prix mondial de la voiture de l’année ». En retour, Audi déplacera le duel sur le terrain du sport, en félicitant à son tour BMW pour ce titre « de la part du vainqueur des six éditions consécutives des 24 Heures du Mans ».

  • Hélice et gros minet

L’emblème Jaguar fait des envieux. L’animal, racé, rapide, rare et élégant est en tout cas plus évocateur que la plupart des logos type quatre anneaux ou double hélice. Pour s’en moquer, BMW a imaginé cette publicité aux USA où le jaguar ornant le capot de cette XJ fait une volte-face de peur devant une BMW Série 5.

  • Provocazione

Ce spot télé montre une rutilante Audi R8 traversant à faible allure Maranello, berceau de la maison Ferrari. Apparition qui suscite à la fois stupéfaction, colère des tifosi… et admiration. Ferrari n’a pas répondu, mais de toute façon, la marque au cheval cabré ne fait jamais de publicité, comparative ou pas.

  • Convaincant

Durant les années de vaches maigres, Porsche en était réduit à convaincre les acheteurs qu’une 911 valait mieux qu’une Nissan ou une Mitsubishi. Finalement, le message a fini par passer…

  • J’en parlerai à ma femme…

En 1962, la campagne publicitaire pour le lancement de la Peugeot 403 aux USA se permet un clin d’œil à « Think small », la géniale campagne (n’ayons pas peur des mots) qui avait contribué au lancement de la Volkswagen Coccinelle. Le texte précise par ailleurs que la revue « Road & Track » avait classé la 403 parmi les sept meilleures voitures du monde, au milieu de Rolls, Mercedes et autres Porsche… Finalement, il faudra l’intervention du Lieutenant Columbo quelques années plus tard pour que la française marque enfin les esprits outre-Atlantique.

  • Au clou !

Etonnant spot télé qui met en avant les qualités (ou plus exactement, peut-être la seule qualité !) des concurrents d’Audi. Le porte-clés de chaque marque concurrente représente un anneau : quatre marques = quatre concepts = quatre anneaux = Audi, qui évidemment, cumule les points forts de chaque constructeur.

  • Nous n’avons pas les mêmes valeurs

Désireux de mettre en avant les vertus de son moteur boxer, élu « meilleur moteur de l’année » Subaru se sert du titre de « plus belle voiture de l’année » attribué à la BMW Série 3 pour démontrer que l’important pour une auto de caractère se situe bien sous le capot. Le reste n’étant que futilité.

  • Une place pour deux

Rare pub comparative diffusée en France, ce petit film créé à l’occasion de la sortie de la nouvelle Smart résume assez bien les abus possibles en la matière, le tout étant enveloppé d’une bonne dose d’humour, faisant plus facilement avaler la pilule. La première image montre une Smart ancien modèle quittant une place de stationnement, se dirigeant certainement vers une retraite bien méritée. Puis, se succèdent les rivales de la petite allemande, évidemment plus longues, et essayant à tout prix de rentrer dans cet espace impossible pour elles. Dernière image : la nouvelle Smart arrive et se gare sans difficulté. Conclusion : seule une Smart peut prendre la place d’une Smart. L’annonceur omettant juste un détail : toutes les concurrentes ayant échoué à cette épreuve du stationnement disposent de quatre places minimum, contrairement à la Smart qui n’en offre que deux, ce qui fait quand même une petite différence.

  • Echec et mat

Au niveau local aussi, les échanges d’amabilité peuvent fuser entre les frères ennemis Audi et BMW. Second degré indispensable.

  • A conduire ou à manger…

Une façon soft d’utiliser la publicité comparative : comparer ce qui ne l’est pas, mais permet de mettre en perspective le prix assez raisonnable d’une l’automobile.

  • Evolution de l’espèce

Juste drôle : un BMW X5 grimé en panthère poursuit dans la jungle un Mercedes ML peint en zèbre !

  • Deux places aussi

Honda ne dispose pas d’une concurrente de la Smart dans sa gamme automobile. Mais pour la ville, rien n’est plus intelligent qu’un deux-roues et là, Honda, est le champion.

  • Volvo Countach

Non, Volvo ne produit pas que des voitures pour papys obsédés par leur sécurité. Enfin, à l’époque, c’était quand même le cas. Ainsi, pour lutter contre cette image, la marque suédoise n’a pas hésité à comparer la 740 Turbo (un char d’assaut équipé d’une moteur vitaminé) à une Lamborghini Countach, voiture de sport emblématique des années 70/80, en précisant, image à l’appui, que le monstre italien devait faire l’usage d’une remorque pour obtenir la même capacité de chargement.

En 2001, le monde publicitaire retient son souffle. Qui, le premier, ouvrira la boîte à gifles ? Après plus de cinquante ans d’attente, la publicité comparative, jusque-là strictement interdite, et réclamée à cor et à cri par les professionnels, devient enfin autorisée en France. Et on s’attend à tout, y compris au pire. Comparaisons fallacieuses ou tronquées, surenchères dans les batailles de chiffres et engorgement des tribunaux pour traitement des plaintes des sociétés dénigrées ou ridiculisées à travers les messages de leurs concurrents.

Finalement, entre surprise et déception pour les amateurs de joutes verbales, personne n’osera dégainer le premier message mettant en valeur son produit en le comparant directement aux concurrents. Ni même dégainer tout court d’ailleurs. Car depuis, seuls quelques rares secteurs s’y sont risqués, comme la grande distribution ou la banque -en mettant en avant uniquement l’aspect prix-, mais jamais vraiment l’automobile, à quelques rares exceptions près. Pour quelle raison ?

La vérité est que la publicité comparative ouvre la porte de tous les excès et finit par délivrer des messages caricaturaux, ou ennuyeux lorsqu’il s’agit d’égrener une longue liste d’équipements ou de caractéristiques techniques, supposées plus avantageuses que celles de la concurrence. Et dans le cas de l’automobile haut de gamme, l’important n’est plus là, mais réside dans l’image, l’agrément général et la vie qui va avec la voiture, plutôt que dans les critères objectifs, qui sont de toute façon de très haut niveau par définition dans ces catégories. Et dénigrer son concurrent n’est pas perçu comme très fair-play, cette stratégie finissant par desservir son auteur. Enfin, pour une marque établie comme Audi, BMW ou Mercedes, il n’est pas concevable de s’abaisser à comparer un de ses modèles à celui d’un challenger ou un nouvel entrant qui veut venir se frotter à l’univers du premium. Ce serait lui donner une importance démesurée.

Autant d’arguments parfaitement recevables, mais qui volent en éclats si l’on intègre une dimension qui semble avoir plus ou moins disparu sous nos latitudes : l’humour. C’est avec cette arme, souvent absolue, que les Américains réussissent à passionner le public pour des publicités qui se regardent comme des petits matchs de dérision entre des grandes marques, pour qui le business n’est pourtant pas un jeu. Il convient toutefois de préciser que seulement 7% des publicités sont dites « comparatives » aux USA, ce qui relativise le phénomène, mais il s’agit souvent de celles dont on se souvient. La preuve avec ce petit florilège, bien plus amusant qu’informatif et qui ne semble pas imaginable en Europe, même si Smart s’y est essayé l’an dernier avec son nouveau modèle. Cette dérision atteint des sommets lorsque les marques se répondent du tac au tac à travers leurs différents messagers, transformant leurs campagnes en feuilletons improvisés, dans lesquels les créatifs doivent se transformer en « roi de la casse » façon Brice de Nice, délaissant un peu leur métier de publicitaires. Nul doute qu’ils doivent y prendre au moins autant de plaisir que nous en avons eu à découvrir ces créations.



>