Car Life
Pourquoi les années 60 sont éternelles [1960]

Il y a toutes les décennies, et il y a les années soixante. Une période unique, qui est passée à la postérité de son vivant et n’a jamais cessé d’être à la mode depuis. Une décennie qui nous a donné les voitures les plus mythiques, les sportifs les plus flamboyants, les pilotes les plus héroïques, la musique la plus rock, les acteurs les plus cools, les actrices les plus sublimes, les personnalités les plus historiques, les tendances les plus radicales…

En 2018, en 2019 ou en 2020, il ne se passe pas une journée sans les années soixante. Et ce sera la même chose en 2021, en 2022… Entendre les Rolling Stones ou les Beatles à la radio, célébrer la disparition de Fidel Castro ou de David Bowie, faire référence au Gaullisme ou à Mendes-France, découvrir une nouvelle version de la Mini ou de la Porsche 911, rappeler le grand chelem de Rod Laver (toujours pas égalé !), débattre à l’infini sur qui a réellement tué Kennedy ou Marilyn Monroe, épiloguer sur la rupture et les conséquences de mai-68, relancer les polémiques sur les guerres d’Algérie ou du Vietnam… Les années quarante ont été celles de la guerre mondiale. Les années cinquante, celles de la reconstruction. Les années soixante, celles de la vie, tout simplement. Des années durant lesquelles l’énergie, l’audace, mais aussi la classe, la mode et une certaine forme de modernisme, semblaient pouvoir bouleverser le monde à chaque instant. Pour le meilleur, mais pas seulement. Car si cette période dorée a accouché de quelques merveilles (musicales, automobiles, artistiques, sportives ou cinématographiques), d’un événement pour l’éternité (on a marché sur la lune !), elles sont aussi les années de plomb de la guerre froide et du Mur de Berlin, des vrais conflits sur le terrain en Algérie et au Vietnam, et de la généralisation des drogues dures qui vont occasionner des ravages chez les jeunes.

1960

Austin Mini : La première voiture lifestyle

Pour conquérir les années soixante, la British Motor Corporation conçoit l’une des voitures du siècle… et du suivant ! Evidemment, à ce moment-là, personne ne s’en doute, probablement même pas Alec Issigonis, son géniteur qui travaille depuis trois ans sur le projet de citadine économique. D’autant que la puce d’à peine plus de trois mètres de long rencontre un succès correct, sans plus. Comme souvent en matière de création, la contrainte stimule génie. Même, et surtout, dans les domaines techniques. Pour réussir à loger quatre personnes et leurs bagages dans un volume aussi réduit, le prolifique ingénieur a logé la boîte de vitesses sous le moteur, lui-même implanté transversalement, et s’est contenté de roues minuscules de 10 pouces de diamètre (contre 13 en général à l’époque). Ceci, associé à une transmission aux roues avant rarissime à l’époque, permet de consacrer 80% de la longueur de la voiture à l’habitable. Depuis, les monospaces ont fait mieux, mais en sacrifiant l’esthétique, point fort de la Mini, puisqu’il fait encore référence aujourd’hui. Que dis-je, un style à lui seul.

L’héritière : Mini One

Si l’aspect de la Mini traverse les époques avec une certaine fidélité, son histoire commerciale a toujours été extrêmement compliquée. Née Morris et Austin en même temps, elle sera vendue successivement sous les marques BMC, Rover, British Leyland, Riley, Wolseley, Innocenti, avant de devenir tout simplement Mini après le rachat par BMW en 2001. Depuis, le succès est tel que son prénom a été adopté en nom de famille, Mini étant devenue une marque à elle seule, avec toutes ses déclinaisons : berline deux portes, berline quatre portes, coupé, SUV, break, cabriolet, roadster… Un marketing parfaitement orchestré, et l’un des plus beaux succès du XXe siècle.

Facel Vega : Art de vivre à la française

Ah, le luxe à la française ! Hermès, Chanel, Dior, mais aussi la gastronomie, l’aviation civile, le vin, l’hôtellerie… Sans oublier l’automobile bien sûr : Bugatti, Facel Vega, Delahaye, Delage… Problème, la première est passée sous pavillon allemand au XXIe siècle et les autres ont disparu il y a plus de cinquante ans. Des marques de voitures à l’unisson de cet art de vivre propre à la culture de notre pays, dont le raffinement avait trouvé naturellement sa place dans le paysage d’avant-guerre et dans les années cinquante : les GT de prestige pour les italiennes, les roadsters sportifs pour les anglaises, les berlines sérieuses chez les allemandes, la démesure chez les américaines et les voitures de luxe chez les françaises. Evidemment, l’analyse paraît un peu fantaisiste aujourd’hui, mais elle correspond bien à la réalité de notre industrie automobile d’autrefois et qui s’est éteinte progressivement jusque dans les années soixante. Parmi elles, Facel Vega fut certainement celle qui passa le plus près d’une véritable réussite industrielle. Hélas, malgré l’élégance des lignes et la véritable personnalité de ces voitures, Facel Vega disparu en 1964, soit dix ans après sa création. Jusqu’à ce que quelqu’un fasse renaître la marque un jour ?

L’héritière : DS E-Tense

Oui, je sais c’est tiré par les cheveux, car la DS E-Tense n’est qu’un concept car, loin d’être commercialisé. Mais la mission de présenter une héritière aux belles françaises disparues est impossible puisqu’elles n’ont jamais été remplacées. La méthode pour trouver une héritière moderne à Facel Vega est simple : prendre les catalogues des marques constituant actuellement le marché français et en faire ressortir les plus prestigieuses. Rien chez Renault (dernière tentative avec l’Avantime il y a plus de dix ans), rien chez Peugeot, hormis quelques versions sportives type RCZ, rien chez Citroën, si ce n’est une déclinaison de la marque avec la lignée des DS. Une intention louable, mais qui se limite la plupart du temps à du marketing, les DS n’étant que des Citroën en tenue du dimanche, équipées des mêmes mécaniques. Mais l’avenir pourrait nous réserver quelques belles surprises, comme la commercialisation d’un coupé de prestige qui s’inspirerait de la DS E-Tense, concept car électrique, mais bien roulant, présenté en 2016 et qui deviendrait une sorte de BMW i8 française.

Sportif : Cassius Clay – 1942-2016

Aux Jeux Olympiques de Rome de 1960, un jeune boxeur de 18 ans remporte la médaille d’or des poids mi-lourds. Le début d’une carrière qui dépassera largement les frontières du sport, pour celui qui restera comme l’une des personnalités les plus marquantes du XXe siècle. Sa mort, l’an dernier, sera célébrée dans le monde entier avec plus de résonance que pour un grand chef d’état.

Pilote : Jack Brabham – 1926-2014

En cette année 1960, Jack Brabham, remporte son deuxième titre de champion du monde de Formule 1 consécutif. Le solide Australien, fort de sa formation d’ingénieur, passe le pas et devient constructeur de voitures de course, non sans arrêter lui-même la compétition. Bien lui en prendra. En 1966, il devient le premier, et le seul de toute l’histoire de la Formule 1, à devenir champion du monde au volant d’une monoplace de sa propre marque. Ce que Bruce McLaren ne parvint pas à réaliser après lui. Presque aussi rare pour un pilote de cette époque, Jack Brabham est mort paisiblement dans son lit à 88 ans.

Musique : Elvis Presley – 1935-1977

Le mythe Elvis est né dans les années cinquante, créant un phénomène unique dans l’histoire de la musique, alors même que le futur king n’était âgé que de 18 ans. Eclipsé par les nouveaux groupes des sixties, et pas des moindres (Beatles et Rolling Stones par exemple), Elvis va connaître une décennie soixante difficile en tant que chanteur et consacrera finalement pratiquement toutes ces années au cinéma. Pas toujours très bien dirigé, il effectuera un come-back mémorable sur scène et dans les studios, de 1968 jusqu’à sa mort prématurée en 1977 à l’âge de 42 ans.

Acteur : Cary Grant – 1904-1986

« Tout le monde veut être Cary Grant. Même moi ». Non, Cary Grant n’était pas présomptueux, il avait simplement plus d’humour que de premier degré. Qui mieux que ce géant de 1,87 m incarnait à ce point la classe à l’état pur ? Pour cet Anglais Américain d’adoption, les années soixante sont celles de la maturité. Né en 1904, il a ses plus grands rôles derrière lui, mais il vient de terminer de tourner son chef d’œuvre, La Mort aux trousses en 1959, et formera dans Charade quelques années plus tard le couple le plus élégant de toute l’histoire du cinéma avec la délicieuse, l’éternelle, l’unique, Audrey Hepburn.

Actrice : Sophia Loren – 1934-

Rare actrice non anglophile à avoir réussi une carrière à Hollywood, Sophia Loren a éclaboussé de sa beauté la deuxième moitié du XXe siècle. Bankable, comme on ne le disait pas à l’époque, la belle napolitaine tournera plus de vingt films rien que dans les années soixante, dont cinq pour la seule année 1960 ! Malgré un physique qui lui permettait de jouer dans des films faciles, elle prit soin de choisir des rôles souvent très exigeants. De fait, elle croule sous les récompenses, dont un Oscar en 1962 pour La Ciociara.

Personnalité : Che Guevara – 1928-1967

Héros, tortionnaire, génie, criminel, pacifiste, dictateur, idéaliste, bienfaiteur… A l’évidence, que ce soit pour la bonne cause ou pas, Che Guevara a sauvé autant de gens qu’il en a fait exécuter, parfois sommairement. Par centaines. Controversé par les historiens, encensé par tous les adolescents qui affichaient dans leur chambre le portrait le plus célèbre de la fin du XXe siècle -sans vraiment connaître son action-, le Che restera en tous cas comme le communiste le plus populaire de l’histoire dans le monde capitaliste. En fait, le simple statut de révolutionnaire moderne, quelques discours sur la défense des pauvres, l’image de guerrier de la jungle et une mort prématurée suffiront à construire son mythe toujours très vivace aujourd’hui.

Tendance : La nouvelle vague

Jamais dans l’histoire du septième art, quiconque aurait pu imaginer un tel déferlement de violence verbale entre les adeptes de deux façons d’appréhender ce métier. Avec le recul, la nouvelle vague restera comme un phénomène ayant produit, globalement, beaucoup de films n’ayant ni queue ni tête, quelques chefs-d’œuvre (ici A Bout de souffle, de Godard), mais dans tous les cas, ayant eu le mérite éternel d’avoir montré qu’il n’existait pas qu’une seule façon -académique- de faire du cinéma, ceci étant finalement valable pour tous les arts. Et pour les années soixante en général durant lesquelles « l’interdiction d’interdire » s’est finalement appliquée à tous les domaines.

Et pendant ce temps-là… le nouveau franc Après sept dévaluations du franc depuis la Libération, le Général de Gaulle décide en 1958 la création du nouveau franc (ici représenté par le bon roi Henri IV). Contrairement à ce qui se passera avec l’euro en 2001, la conversion est enfantine puisqu’il suffit de diviser l’ancien franc par 100. Paradoxalement, c’est cette facilité de calcul qui incitera les Français à continuer à parler en ancien francs, pour certains jusqu’à l’arrivée de l’euro !



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