Car Life
Pourquoi les années 60 sont éternelles [1966]

Il y a toutes les décennies, et il y a les années soixante. Une période unique, qui est passée à la postérité de son vivant et n’a jamais cessé d’être à la mode depuis. Une décennie qui nous a donné les voitures les plus mythiques, les sportifs les plus flamboyants, les pilotes les plus héroïques, la musique la plus rock, les acteurs les plus cools, les actrices les plus sublimes, les personnalités les plus historiques, les tendances les plus radicales…

En 2018, en 2019 ou en 2020, il ne se passe pas une journée sans les années soixante. Et ce sera la même chose en 2021, en 2022… Entendre les Rolling Stones ou les Beatles à la radio, célébrer la disparition de Fidel Castro ou de David Bowie, faire référence au Gaullisme ou à Mendes-France, découvrir une nouvelle version de la Mini ou de la Porsche 911, rappeler le grand chelem de Rod Laver (toujours pas égalé !), débattre à l’infini sur qui a réellement tué Kennedy ou Marilyn Monroe, épiloguer sur la rupture et les conséquences de mai-68, relancer les polémiques sur les guerres d’Algérie ou du Vietnam… Les années quarante ont été celles de la guerre mondiale. Les années cinquante, celles de la reconstruction. Les années soixante, celles de la vie, tout simplement. Des années durant lesquelles l’énergie, l’audace, mais aussi la classe, la mode et une certaine forme de modernisme, semblaient pouvoir bouleverser le monde à chaque instant. Pour le meilleur, mais pas seulement. Car si cette période dorée a accouché de quelques merveilles (musicales, automobiles, artistiques, sportives ou cinématographiques), d’un événement pour l’éternité (on a marché sur la lune !), elles sont aussi les années de plomb de la guerre froide et du Mur de Berlin, des vrais conflits sur le terrain en Algérie et au Vietnam, et de la généralisation des drogues dures qui vont occasionner des ravages chez les jeunes.

1966

Lamborghini Miura : la perfection stylistique

Forcément, dans un dossier consacré aux années soixante, on ne fait que dire du bien des années soixante. Pourtant, l’immense reproche qui pourrait être adressé à tous les gens qui possédait un peu d’argent à cette époque est de ne pas avoir acheté une (ou plusieurs !) Lamborghini Miura. Car si ce chef d’œuvre de l’histoire de l’automobile atteint des sommes millionnaires aujourd’hui, c’est bien parce que sa ligne est sublime et son moteur divin, mais aussi et surtout parce qu’il n’en a été produit qu’à 764 exemplaires. Non pas par volonté de créer la rareté comme le font les constructeurs de Supercars aujourd’hui, mais tout simplement par manque de clients. Rendez vous compte : 764 exemplaires dans le monde entier. Aujourd’hui, une telle merveille à ce prix trouverait au minimum 6 000 acheteurs. Bien sûr, les temps ont changé, et il y a de plus en plus de riches. Certes, une Miura coûtait près de 100 000 francs (l’équivalent de 120 000 € d’aujourd’hui), mais c’est un cadeau par rapport à sa cote actuelle, ou au prix d’une Aventador 2017.

L’héritière : Lamborghini Aventador. En francs/euros constants, une Miura coûterait aujourd’hui 120 000 €, quand le prix de base d’une Aventador s’affiche à 324 000 € (+ 10 000 € de malus chez nous). Pourtant, la différence entre la Miura et le reste de la production automobile était infiniment plus importante à l’époque. Il faut se souvenir que les voitures courantes des années soixante atteignaient péniblement les 100 km/h, quand une Miura était donnée pour 300 km/h. Aujourd’hui, n’importe quelle Clio atteint 180 km/h. Si, en 1966, il était possible d’exploiter les voitures de sport sur route sans risquer de perdre son permis (c’était juste très dangereux !) les monstres de plus de 700 chevaux comme l’Aventador existent surtout pour leur image. Dommage, car en termes d’efficacité, évidemment, il n’y a pas photo !

Sportif : Giacomo Agostini -1942-

Le premier mérite de Giacomo Agostini est d’être encore vivant. A une époque où les pilotes de grands prix, qu’ils fussent motos ou autos, vivaient rarement plus de trente ans, lui est toujours très bien portant en 2017 du haut de ses 74 ans. Bien sûr, il y son palmarès en circuit, mais le plus impressionnant vient peut-être de ses dix victoires sur le Tourist Trophy de l’Île de Man, disputée sur route au milieu des arbres, des murs de maison ou des réverbères, et qui coûta la vie à plus de 240 pilotes depuis sa création ! Totalement crazy ! A priori, ses records devraient lui survivre et peut-être même pour l’éternité, car il courrait deux catégories à la fois chaque week-end et il paraît impossible de remporter 123 grands prix dans une carrière, même si Valentino Rossi n’en est plus très loin. Ni du record… ni de la retraite.

Pilote : Bruce McLaren -1937-1970

La vie de Bruce McLaren aurait pu être un roman, mais comme souvent dans ces années noires pour la Formule 1, elle se terminera en drame. Pourtant, l’histoire était belle, magnifique même, Le pauvre Bruce McLaren doit se retourner dans sa tombe. L’écurie qui porte son nom est bien mal en point en ce moment. Malgré tout, il pourra se consoler en constatant que McLaren est devenu un authentique constructeurs de voitures de sport routières, ce que seul Ferrari a réussi à faire. Les autres constructeurs historiques de la F1 toujours présents (Williams, Sauber) n’ont jamais construit de GT. McLaren est plus que jamais une entreprise solide. Il faut néanmoins reconnaître que le mérite en revient tout autant à son créateur, qu’à Ron Dennis qui a pris les rênes de la marque en 1979, et l’a conduite au succès presque immédiatement. Pour Bruce McLaren, 1966 est l’année où il remporte les 24 Heures du Mans, épreuve plus prestigieuse que la F1 à l’époque.

Musique : The Doors

Que seraient devenus les Doors si leur leader, Jim Morrison, avait survécu aux drogues dures qui sévissaient dans ces années-là ? Un grand groupe durable, mais probablement pas avec le parfum de légende qui flotte autour d’eux depuis 1971 et la mort du poète le plus sexy de l’époque. Comme pour James Dean, sa disparition prématurée a contribué à construire le mythe. Au-delà des paroles engagées de leur chansons, les Doors faisaient partie de ses rares musiciens à avoir créé un genre musique à tout seul, aux frontières du rock, du blues, de la pop, le tout dans une ambiance psychédélique approchée également par Pink Floyd à la même époque, mais avec moins de talent.

Acteur : Clint Eastwood -1930-

Il faut croire que démarrer sa carrière dans les années soixante a également des vertus d’immortalité artistique : Johnny Hallyday, Catherine Deneuve, Jean-Louis Trintignant (beaucoup de Français(es) donc), mais aussi Robert Redford, les Rolling Stones, Paul McCartney, Bob Dylan, Dustin Hoffman… En réalité, c’est absolument incroyable de constater le nombre de personnalités toujours en activité aujourd’hui après avoir commencé leur carrière il y a plus ou moins cinquante ans. Parmi elle, Clint Eastwood est probablement le plus actif puisqu’il continue à réaliser un grand film par an, et qu’il joue encore dans certains. C’est Sergio Leone qui le fera débuter au cinéma dans les western-spaghettis, autre création des années soixante, dont le genre revient à la mode ces dernières années, notamment grâce à Quentin Tarantino. Mais avec le temps, Clint va démontrer qu’il est capable de jouer bien d’autres choses qu’un cow-boy ténébreux ou L’Inspecteur Harry, mais aussi -c’est une grande surprise pour les producteurs hollywoodiens- susceptible de tout filmer et de devenir un immense réalisateur. Il croule sous les récompenses, notamment quatre Oscars.

Actrice : Elizabeth Taylor -1932-2011

Liz Taylor restera dans la légende pour son rôle de Cléopâtre et sa capacité à changer de mari plus que de raison. Pour autant, il serait injuste de limiter sa carrière à ces deux seuls faits. Considérée comme la dernière reine d’Hollywood, actrice la mieux payée du monde durant des années, elle aura la chance, ou le flair, ou le talent, ou les trois à la fois, de tourner dans de très grandes productions entrées dans l’histoire. Avec trois Oscars à la clef. Dans la deuxième partie des années soixante, Liz Taylor est en perte de vitesse et c’est en cette année 1966 qu’elle connaît son dernier grand film à succès Qui a peur de Virginie Woolf ?. Mais côté mariage, la mangeuse d’homme va en consommer encore : quatre, après en avoir déjà célébré autant, soit huit au total, dont deux fois avec Richard Burton.  

Personnalité : Mao Zedong -1893-1976

Le XXe siècle en Chine est celui de Mao. Evincé du pouvoir en 1959, après la famine provoquée par son dernier plan baptisé le Grand Bond en avant (quarante millions de morts, soit la plus grande catastrophe sanitaire de l’histoire), il revient aux affaires en cette année 1966, soutenu par les étudiants qui regretteront bientôt d’avoir contribué au retour du grand Timonier. C’est l’époque du Petit Livre rouge et de la Révolution culturelle, dont le modèle de régime tiendra jusqu’au siècle suivant. Pour les Chinois, Mao restera comme un chef d’Etat criminel, tout autant qu’un héros de l’histoire, celui qui aura permis à la Chine de se débarrasser de l’influence soviétique et installé le pays parmi les grandes puissances mondiales.

Tendance : la télévision

Généralisée aux Etats-Unis depuis les années cinquante, encore balbutiante chez nous au début des années soixante, la télévision devient réellement un phénomène de société dans tous les pays développés du monde à partir du milieu de la décennie. Les grands événements sportifs prennent une toute autre dimension (même si personne n’aura l’idée avant longtemps de faire pays les diffuseurs pour retransmettre les compétitions), la fréquentation des cinémas baisse, des inconnus deviennent des stars du jour au lendemain, les réunions nocturnes dans les villages se raréfient et les soirées deviennent individuelles. Quelque cinquante ans plus tard, la télévision reste le média qui aura le mieux résisté à la déferlante internet et à la révolution numérique.

Et pendant ce temps-là… Le dernier concert des Beatles. Pour être tout à fait exact, le dernier concert des Beatles eu lieu en 1969 sur le toit des studios de leur maison d’enregistrement. Mais il s’agissait plutôt d’un bœuf plus ou moins improvisé, avec quelques passants privilégiés qui entendaient le son depuis le trottoir. Non, les véritables adieux des Fabs four au public auront lieu à San Francisco le 29 août 1966, sans que personne n’en soit informé. Pour ceux qui pensent que ce moment est arrivé bien trop tôt dans leur carrière, il faut se souvenir que chaque apparition du groupe du siècle provoquait un déferlement de furie depuis bientôt cinq ans. Si John, Paul, Georges et Ringo apparaissaient toujours souriant et déconneurs, ils vivaient dans la crainte permanente d’un drame pour eux comme pour leur public. Jamais dans toute l’histoire de la musique, de la politique, de la religion, du sport ou de n’importe quel domaine, quatre êtres humains auront réuni autant de spectateurs et d’hystérie à chacune de leur apparition.



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