Car Life
Pourquoi les années 60 sont éternelles [1964]

Il y a toutes les décennies, et il y a les années soixante. Une période unique, qui est passée à la postérité de son vivant et n’a jamais cessé d’être à la mode depuis. Une décennie qui nous a donné les voitures les plus mythiques, les sportifs les plus flamboyants, les pilotes les plus héroïques, la musique la plus rock, les acteurs les plus cools, les actrices les plus sublimes, les personnalités les plus historiques, les tendances les plus radicales…

En 2018, en 2019 ou en 2020, il ne se passe pas une journée sans les années soixante. Et ce sera la même chose en 2021, en 2022… Entendre les Rolling Stones ou les Beatles à la radio, célébrer la disparition de Fidel Castro ou de David Bowie, faire référence au Gaullisme ou à Mendes-France, découvrir une nouvelle version de la Mini ou de la Porsche 911, rappeler le grand chelem de Rod Laver (toujours pas égalé !), débattre à l’infini sur qui a réellement tué Kennedy ou Marilyn Monroe, épiloguer sur la rupture et les conséquences de mai-68, relancer les polémiques sur les guerres d’Algérie ou du Vietnam… Les années quarante ont été celles de la guerre mondiale. Les années cinquante, celles de la reconstruction. Les années soixante, celles de la vie, tout simplement. Des années durant lesquelles l’énergie, l’audace, mais aussi la classe, la mode et une certaine forme de modernisme, semblaient pouvoir bouleverser le monde à chaque instant. Pour le meilleur, mais pas seulement. Car si cette période dorée a accouché de quelques merveilles (musicales, automobiles, artistiques, sportives ou cinématographiques), d’un événement pour l’éternité (on a marché sur la lune !), elles sont aussi les années de plomb de la guerre froide et du Mur de Berlin, des vrais conflits sur le terrain en Algérie et au Vietnam, et de la généralisation des drogues dures qui vont occasionner des ravages chez les jeunes.

1964

Lamborghini 350 GT : le cheval se cabre, le taureau charge

Bien sûr, l’histoire est connue, mais toujours aussi savoureuse et on ne se lasse pas de la raconter un demi-siècle plus tard. La marque au taureau est née de la colère de Ferruccio Lamborghini, riche constructeur de tracteurs et très bon client de Ferrari, vexé d’avoir été éconduit par Enzo à qui il voulait prodiguer quelques conseils pour améliorer l’embrayage de sa 250 GT. En moins de deux ans, il décida de créer sa propre marque de GT en récupérant une grande partie des ingénieurs Ferrari licenciés quelques temps plus tôt, suite à une énième colère de l’irascible commendatore. Grâce à son mauvais caractère, Enzo a donc permis deux fois la création de la marque concurrente, dont l’emblème au taureau recèle moult significations (signe astrologique de Ferruccio notamment), dont évidemment la charge contre le cavalino. La 350 GT -puis 400 GT- dessinée par le bureau de style Touring, n’est pas la plus belle des Lamborghini, mais pour un premier modèle, elle est vraiment magnifique. Bien plus réussie en tout cas que la 125 S, première Ferrari née en 1947. D’ailleurs, sa cote actuelle en fait la deuxième Lamborghini la plus chère de l’histoire, juste derrière l’inaccessible Miura.

L’héritière : Lamborghini Huracan. Depuis que Lamborghini appartient au groupe Volkswagen, la marque ne s’est jamais aussi bien portée commercialement parlant. Elément important, même si les productions de Sant’Agatha Bolognese ont hérité de la rigueur de fabrication allemande (les Lambo étaient vraiment horribles sur ce point), elles sont restées des voitures italiennes, mais uniquement maintenant pour leurs bons côtés. Et sur l’aspect marketing, le positionnement de la marque par rapport à Ferrari, l’ennemi de toujours, est particulièrement étudié. Les Lamborghini modernes sont des voitures exubérantes en termes de style, héritières des productions de Bertone dont la plus spectaculaire aura été la Countach, là où Pininfarina a toujours essayé de conserver une once de raffinement dans la production Ferrari de l’époque et d’aujourd’hui. Enfin, les Lambo modernes sont des quatre roues motrices, là aussi pour apporter un élément différenciant fort par rapport Maranello.

Renault 8 Gordini

Certes, la R8 Gordini a contribué aux ventes de chez Renault de l’époque. Mais ce n’est rien par rapport à ce que la voiture a apporté au sport automobile pour les décennies suivantes. En organisant la Coupe R8 Gordini un an après son lancement commercial, et en donnant la chance à de jeunes pilotes désargentés de se faire remarquer, Renault a suscité nombre de vocations. Ce vivier, plus le Volant Shell (puis Elf) a permis à la France d’aligner jusqu’à sept pilotes de Formule 1 la même saison en 1980. Et que des bons. La voiture en elle-même était une sacrée révolution, surtout à un tarif aussi abordable (30% de moins qu’une DS de base par exemple). Avec un moteur de 1 100 cm3, elle développait 95 chevaux, soit un rendement hallucinant pour l’époque de 86 chevaux/litre. Même Ferrari ne parvenait pas à de tels chiffres et il faudra attendre les années quatre-vingt-dix pour trouver mieux, notamment avec la Honda NSX et son armada technologique (quatre soupapes par cylindres et surtout distribution variable). Plus que la Golf une dizaine d’années plus tard, on peut considérer la R8 Gordini comme la première GTI, une voiture de très grande série dotée des attributs d’une véritable voiture de sport.

L’héritière : Renault Clio RS. La lignée des compactes sportives ne s’est jamais interrompue chez Renault. Installer un moteur puissant dans une carrosserie compacte de grande série, le tout planté sur un châssis renforcé est une idée vieille comme la R8 Gordini. Après elle, la R12 repris le flambeau, puis la Renault 5 et toutes les générations de Clio jusqu’à aujourd’hui. Si ce n’est que l’appellation Gordini a disparu dès les années soixante-dix. Il faut noter d’ailleurs à quel point Renault s’est fait une spécialité des abandons d’appellation prestigieuse, comme si elle craignait que ces blasons fassent de l’ombre à la grande régie. Quand les constructeurs allemands, italiens et anglais font tout pour mettre en avant leur tradition, les français s’acharnent à les faire disparaitre : Gordini donc, mais aussi Alpine ou Talbot, et même Renault Sport, transformé en RS, alors que cet acronyme est aussi bien utilisé pour désigner des versions chez Ford ou chez Porsche. Tout cela n’enlève rien à l’extraordinaire caractère de la Clio RS, une sportive qui peut en remontrer à bien des GT en termes de comportement routier. Et la Coupe Renault sur circuit existe toujours !

Sportif : Eric Tabarly -1931-1988

A sa façon, Eric Tabarly mit fin lui aussi à la domination de la marine anglaise. En course bien sûr. Avant d’être un compétiteur, Tabarly était un homme de la mer, un vrai, puisqu’il s’engagea très jeune dans la Marine nationale. Une belle histoire qui déboucha sur l’une des plus longues et plus brillantes carrières d’un sportif français. Mieux, le mutique Tabarly, pourtant pas très argenté, a fait rentrer la voile dans la haute technologie par son approche très structurée de son activité. Mort bêtement en tombant de son bateau de plaisance lors d’un convoyage qu’il effectuait seul à bord.

Pilote : John Surtees – 1934-2017

John Surtees est un cas unique dans l’histoire du sport automobile. Déjà, il est le seul à avoir été champion du monde à moto (sept fois !), puis en auto en cette année 1964. Un exploit assez invraisemblable. Imaginez aujourd’hui Marc Marquez dominer Lewis Hamilton ou Charles Leclerc en Formule 1. L’autre raison est plus anecdotique, mais témoigne bien du caractère ombrageux et volontaire du bonhomme. Champion du monde avec Ferrari, il n’hésita pas à affronter Enzo lui-même et claqua la porte de la scuderia en pleine saison 1966, agacé par le comportement de son ingénieur, favorisant systématiquement son coéquipier italien. Peu de pilotes auraient oser se comporter ainsi. Il vient de s’éteindre à l’âge de 83 ans.

Musique : Bob Dylan -1941-

Poète ou musicien, Bob Dylan a choisi : il sera les deux. Sa voix rocailleuse en fera en plus un chanteur reconnaissable entre tous. On le vit même au cinéma, notamment chez Scorsese, mais de façon plus étonnante dans un (excellent) western, Pat Garrett and Billy the Kid dont il a également signé la bande originale. Musicalement, il est impossible de classer Dylan dans un genre, car il les a pratiquement tous abordés, toujours avec talent : rock, folk, country, blues, gospel et même rockabilly. Le couronnement, c’est son prix Nobel de littérature décerné en 2016. Mais c’est surtout par ses engagements politiques que Dylan a construit sa légende. Résolument, mais pas naïvement, anti-guerre, engagé dans tous les combats du monde moderne, il est cité en référence par les plus grands groupes et musiciens des cinquante dernières années. En témoigne la première rencontre avec les Beatles en cette 1964, où chacun déclarera l’admiration des uns envers les autres.

Acteur : Sean Connery -1930-

Sean Connery a réussi deux exploits majeurs dans sa vie d’acteur. D’abord, d’avoir été choisi pour incarner James Bond, le premier, le seul, le vrai. Rescapé d’un casting de plus de six-cents candidats dont certaines vedettes de l’époque, il portera les habits de 007, avec finesse, classe et flegme, entre 1962 et 1971. Sa deuxième performance, plus remarquable encore, aura été de savoir se débarrasser de cet encombrant costume pour mener une carrière d’une grande qualité et d’une exceptionnelle longévité. 

Actrice : Brigitte Bardot -1934-

Madame années soixante. Du moins en France. Notre Marylin Monroe à nous. Symbole vivant de la libéralisation de la femme, Brigitte Bardot n’a jamais vraiment milité pour cette cause, mais son mode de vie, résolument indépendant et médiatisé à outrance, y a grandement contribué. De Gaulle, lui-même, ne s’y était pas trompé. Il était l’un de admirateurs et l’avait invitée à dîner à l’Elysée. Consécration, elle servira de modèle aux bustes de Marianne installés dans toutes les marie de France. Retraitée volontaire à l’âge de 39 ans, elle consacre sa vie depuis à la défense des animaux.

Personnalité : Martin Luther King – 1929-1968

Le racisme, la ségrégation, l’apartheid, n’ont pas disparu avec les années soixante. Mais ce qui était un drame silencieux aux oreilles du monde devint enfin une cause médiatique à cette époque. Aux Etats-Unis, et particulièrement dans le sud, il aura fallu donc attendre près de deux-cents ans pour que les Noirs disposent des mêmes droits (en théorie) que les Blancs. Grâce à cet homme. Martin Luther King, en cette année 1964, devient le plus jeune lauréat du prix Nobel de la paix. Une distinction qui le touchera peu à titre personnel, mais une consécration pour la cause qu’il défendait. Assassiné lâchement en 1968. Son combat reste, hélas, encore trop souvent d’actualité au XXIe siècle.

Tendance : le nucléaire

Dans les années soixante, le nucléaire était une fierté. Il y avait de quoi et la France pouvait s’enorgueillir d’être l’un des rares pays dans le monde à disposer de cette source d’énergie propre, mais anxiogène. Si cette époque était celle de l’insouciance pour les sujets légers, elle l’était également sur les questions de santé publique. Cinquante ans plus tard, l’état français doit rendre des comptes aux populations exposées en Polynésie aux nombreux essais réalisés là-bas à cette époque. Aujourd’hui, la question du nucléaire divise toujours autant.

Et pendant ce temps-là… La Voiture de l’année. Ou « Car of the year » comme on dit aujourd’hui. A la vérité, si les Oscars, les Césars, le Ballon d’Or France Football, le Goncourt, Man of the Year ou les Molière ont réussi à s’imposer comme des distinctions incontestables, les membres du jury de la Voiture de l’année (composé exclusivement de journalistes automobile spécialisés) ont réussi à rater à peu près toutes les voitures-phénomènes. Et ce, sans exception depuis 1964 : de la Renault 5, aux SUV (oui, tous jusqu’à cette année !), en passant par la Volkswagen Golf, la Renault Espace ou la Mini, soigneusement oubliées par le jury. En revanche, les membres bien inspirés ont élu quelques engins mémorables, tombés rapidement aux oubliettes, telles cette Rover P6, première lauréate en 1964, l’Audi 80 de 1972, effroyable brouillon de la future excellente lignée jamais citée ensuite, la Simca 1307, qui a réussi faire couler la marque, l’inutile Renault 9, ou l’atroce Ford Scorpio. Ces dernières années, les nouveaux membres du jury font preuve de plus de discernement et ont plébiscité par exemple en 2017, la très réussie Peugeot 3008. Il n’est jamais trop tard…



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