Car Life
Pourquoi les années 60 sont éternelles [1963]

Il y a toutes les décennies, et il y a les années soixante. Une période unique, qui est passée à la postérité de son vivant et n’a jamais cessé d’être à la mode depuis. Une décennie qui nous a donné les voitures les plus mythiques, les sportifs les plus flamboyants, les pilotes les plus héroïques, la musique la plus rock, les acteurs les plus cools, les actrices les plus sublimes, les personnalités les plus historiques, les tendances les plus radicales…

En 2018, en 2019 ou en 2020, il ne se passe pas une journée sans les années soixante. Et ce sera la même chose en 2021, en 2022… Entendre les Rolling Stones ou les Beatles à la radio, célébrer la disparition de Fidel Castro ou de David Bowie, faire référence au Gaullisme ou à Mendes-France, découvrir une nouvelle version de la Mini ou de la Porsche 911, rappeler le grand chelem de Rod Laver (toujours pas égalé !), débattre à l’infini sur qui a réellement tué Kennedy ou Marilyn Monroe, épiloguer sur la rupture et les conséquences de mai-68, relancer les polémiques sur les guerres d’Algérie ou du Vietnam… Les années quarante ont été celles de la guerre mondiale. Les années cinquante, celles de la reconstruction. Les années soixante, celles de la vie, tout simplement. Des années durant lesquelles l’énergie, l’audace, mais aussi la classe, la mode et une certaine forme de modernisme, semblaient pouvoir bouleverser le monde à chaque instant. Pour le meilleur, mais pas seulement. Car si cette période dorée a accouché de quelques merveilles (musicales, automobiles, artistiques, sportives ou cinématographiques), d’un événement pour l’éternité (on a marché sur la lune !), elles sont aussi les années de plomb de la guerre froide et du Mur de Berlin, des vrais conflits sur le terrain en Algérie et au Vietnam, et de la généralisation des drogues dures qui vont occasionner des ravages chez les jeunes.

1963

Aston Martin DB5 : fille de marketing

Comme il est réducteur et injuste de considérer la DB5 comme la voiture de James Bond et rien d’autre. A l’époque, Aston Martin constitue une alternative plus que crédible à Ferrari et son succès commercial est équivalent à celui des productions de Maranello. C’est-à-dire assez limité tout de même, puisque la plupart des modèles de chacune des deux marques peinent à atteindre le millier d’exemplaires durant la totalité de leur carrière. Il est vrai que la DB5 est affichée à un tarif exorbitant pour l’époque (80 000 francs), à relativiser avec le prix des Supercars d’aujourd’hui puisqu’elle coûterait l’équivalent de 120 000 €. Mais c’était surtout le double d’une Jaguar Type-E, superstar de l’époque et encore 25% de plus qu’une Ferrari 250 GT Lusso. En 2017, une DB5 cote 900 000 €. Pour ce prix, n’espérez pas disposer d’une voiture de sport. La James Bond Car est une GT et son poids élevé couplé à des suspensions souples interdisent de se comporter comme au volant d’une Ferrari. D’ailleurs, la DB5 n’a aucun passé en compétition.

Il est difficile de savoir si la marque bénéficierait du même engouement sans la campagne de promotion absolument gratuite de l’agent secret, qui dure depuis plus de cinquante ans. En mesurant bien l’impact marketing potentiel en cas de succès (qui n’avait rien d’évident), les patrons de la marque de l’époque ont inventé le placement produit, fondement de base du marketing automobile depuis cette époque.

L’héritière : Aston Martin DB11. Entre 1972 et 1994, Aston Martin, toujours au bord de la faillite, s’est un peu perdu au gré de ses différents actionnaires. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si durant cette période, les appellations aussi sont parties dans tous les sens, abandonnant bêtement les initiales DB qui constituaient pourtant une garantie d’authenticité. Après ces errements, confirmation en 1994 avec la DB7 qui a renoué avec la tradition, perpétuée ensuite avec la DB9, puis la DB11 aujourd’hui. De sublimes GT au prestige équivalent à celui de Ferrari.

Porsche 911 : cas d’école

Au moins, chez Porsche, les histoires de famille sont simples puisque le modèle-phare de la marque entame sa sixième décennie de production : née en 1963 et commercialisée l’année suivante, elle n’a connu depuis aucune interruption.

En réalité, la carrière de la 911 n’a rien eu d’un long fleuve tranquille et ce n’est que depuis la fin du XXe siècle qu’elle peut être considérée comme une bonne affaire pour son constructeur. Car dans les années soixante-dix et quatre-vingt, Porsche aura tout tenté pour la faire disparaître et moderniser l’image de la marque : 928, 928 S, 944, 944 Turbo, 964… Rien n’y fit. Le client est toujours roi et décida qu’une Porsche devait être une 911, de la même façon qu’une Austin devait être une Mini, point. A l’inverse, Jaguar avait remplacé sa Type-E par la XJ-S (quelle erreur !), Ferrari sa Dino 246 par la 308 GT4 (autre erreur !) et dans des catégories plus populaires, Fiat sa 500 par la 126 (idem !), Citroën sa DS par la CX (re-idem !)… Evidemment, la règle a son exception : avec la Golf, Volkswagen a réussi un deuxième succès historique, même supérieur à celui de la Coccinelle qu’elle remplaçait, pourtant considérée en son temps comme la voiture du siècle.

Avec le recul, on se rend compte finalement que cette stratégie subie aura propulsé aujourd’hui Porsche à la première place mondiale, que ce soit en termes de ventes de voitures de sport, mais surtout de constructeur automobile le plus rentable de l’histoire.

L’héritière : Porsche 911. La photo est saisissante et peut résumer à elle seule l’évolution de l’espèce automobile des dernières décennies. Et elle marche aussi très bien avec les Fiat 500 ou Austin Mini des années soixante comparées à leurs contemporaines. Nos voitures modernes sont devenues des monstres. Plus longues, mais surtout, beaucoup, beaucoup plus larges. Et donc plus lourdes : près de 40% de plus pour a 911 moderne ! Un casse-tête pour les ingénieurs, car tout a dû évoluer dans la conception des autos pour obtenir, malgré ce colossal handicap, les gains attendus en performances pures, en sécurité (freinage, tenue de route) et en consommations à chaque nouvelle génération. De quoi justifier qu’une 911 coûtait 43 000 francs à l’époque (soit l’équivalent de 58 000 €) et qu’une Carrera de base d’aujourd’hui s’affiche à plus de 100 000 €. Mais l’esprit est toujours là.

Sportif : Jacques Anquetil -1934-1987

A l’époque, Jacques Anquetil pouvait être considéré comme le meilleur sportif français de tous les temps, au même niveau qu’un Marcel Cerdan ou un René Lacoste. Maître Jacques était un gagneur, prêt à tout pour écraser ses adversaires. Parmi ceux-ci, le pauvre Raymond Poulidor, qui dû se coltiner toute sa carrière les deux plus grands cyclistes de tous les temps : Anquetil, puis Merckx. Pour bien comprendre le tempérament de l’un et de l’autre, probablement dotés d’un talent équivalent, il faut se souvenir de ce commentaire du quintuple vainqueur du Tour, à propos de son éternel second. Ce jour-là, à l’occasion du Championnat du monde, une fois de plus, Poulidor accepta de se mettre au service de son leader qui déclara « il est encore plus con que je le pensais ». Mais Poupou est resté l’idole des Français encore aujourd’hui, bien plus que son arrogant bourreau.

Pilote : Jim Clark -1936-1968

Pour tous les observateurs qui ont connu cette époque, il était le plus grand. Et sa mort, survenue bien jeune -et bêtement alors qu’il courrait le cachet dans une course de Formule 2 en Allemagne-, l’aura empêché d’obtenir un palmarès à la hauteur de son talent. Surtout, gentleman Jim était un styliste, qui savait enrouler les courbes avec une infinie douceur, à la manière d’un Fangio, d’un Stewart ou d’un Prost. Ayrton Senna pouvait également se prétendre comme l’un de ses héritiers, à la fois parce qu’ils remportèrent tous les deux leur première victoire sur une Lotus (l’Ecossais ne connaîtra d’ailleurs que cette seule écurie durant toute sa carrière) et qu’ils sont morts avant d’avoir pu battre tous les records de le Formule 1. Ici au volant d’une magnifique tracteur poussé par son rival et ami Graham Hill.

Musique : The Rolling Stones

Et voilà la question qui divise le monde depuis 1963 : êtes-vous Beatles ou Rolling Stones ? Dans les années soixante, plutôt Beatles, le phénomène dépassant bien évidemment le cadre de la musique, et même du monde normal, ces quatre garçons ayant été élevés au rang d’extra-terrestres, de par leur talent, mais surtout pour le mode de vie qui leur est tombé dessus. Les Stones, eux, vont faire bien plus exceptionnel dans un autre domaine : la longévité, puisqu’ils se produisent toujours ensemble aujourd’hui ! Il ne s’agit pas d’un come-back, ils n’ont jamais arrêté d’être les Rolling Stones. Pour ceux qui regrettent de ne pas avoir connu Mozart, ils peuvent se consoler en se disant que dans quelques millions d’années, ils pourront se prévaloir d’avoir été contemporains de Mike Jagger, Keith Richards et Charlie Watts.

Acteur : Alain Delon -1935-

L’année 1963 restera certainement comme la plus riche dans la carrière d’Alain Delon. Certes, il a déjà tourné dans des films notables, comme Plein Soleil et surtout Rocco et ses frères de Visconti. Justement, c’est le grand maître italien qui lui donnera le rôle de sa vie dans Le Guépard. Et cette même année, il tourne avec Verneuil et la rencontre avec Jean Gabin, son idole, dans Mélodie en Sous-sol, avant de retrouver « le patron » comme il l’appelait, quelques années plus tard dans Le Clan des Siciliens.

Actrice : Claudia Cardinale -1938-

Les actrices américaines sont toujours aussi belles, mais la mode tourne à l’avantage des italiennes à cette époque : Sophia Loren, puis Claudia Cardinale, ainsi que Brigitte Bardot chez nous, démontrent que l’on peut être une star mondiale sans être née à Hollywood. La Claudia sera celle qui tournera le plus dans cette période, et dans des genres diamétralement opposés : de Rocco et ses frères à La Panthère rose, du Guépard à Il était une fois dans l’ouest ou encore de Huit et demi à Comment réussir en amour sans se fatiguer, elle enchaînera pratiquement autant de films dans cette décennie (régulièrement plus de quatre par an) que durant toute sa carrière.

Personnalité : Nikita Khrouchtchev

L’histoire est probablement injuste envers Khrouchtchev car elle retiendra les tensions liées à la guerre froide qui atteindra son paroxysme sous son règne. S’il incarne les années de plomb, il est également celui qui a mis fin au régime sanguinaire de Staline, son prédécesseur. En succédant au plus grand criminel du XXe siècle, et vu le poids des institutions d’un pays de la taille de l’URSS, il était difficile de passer directement à une économie de marché ! Aujourd’hui plus ou moins réhabilité par certains historiens qui le voient comme un Gorbatchev de son époque.

Tendance : La mini-jupe

Non, la mini-jupe n’est pas seulement un style vestimentaire. Loin s’en faut. Elle témoigne d’une époque de libéralisation de la femme et pourrait être son emblème le plus visible. Inventée par la styliste anglaise Mary Quant (photo) et popularisée par les plus grandes stars des sixties, elle rendra hystérique quelques associations catholiques de l’époque.

Et pendant ce temps-là… L’assassinat de Kennedy. La généralisation des images télévisées a donné aux événements des années soixante un retentissement inconnu jusqu’alors. En France, il fallait aller au cinéma pour accéder aux informations par l’image. Aux Etats-Unis, en 1963, la télévision est déjà très largement répandue dans tous les foyers. L’assassinat de Kennedy à Dallas le 22 novembre est filmé et diffusé sur toutes les chaines du monde. Depuis, la même question a été posé 1 000 fois : qui a réellement tué Kennedy. Un mystère pour l’éternité, assurément.

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