Car Life
Pourquoi les années 60 sont éternelles [1962]

Il y a toutes les décennies, et il y a les années soixante. Une période unique, qui est passée à la postérité de son vivant et n’a jamais cessé d’être à la mode depuis. Une décennie qui nous a donné les voitures les plus mythiques, les sportifs les plus flamboyants, les pilotes les plus héroïques, la musique la plus rock, les acteurs les plus cools, les actrices les plus sublimes, les personnalités les plus historiques, les tendances les plus radicales…

En 2018, en 2019 ou en 2020, il ne se passe pas une journée sans les années soixante. Et ce sera la même chose en 2021, en 2022… Entendre les Rolling Stones ou les Beatles à la radio, célébrer la disparition de Fidel Castro ou de David Bowie, faire référence au Gaullisme ou à Mendes-France, découvrir une nouvelle version de la Mini ou de la Porsche 911, rappeler le grand chelem de Rod Laver (toujours pas égalé !), débattre à l’infini sur qui a réellement tué Kennedy ou Marilyn Monroe, épiloguer sur la rupture et les conséquences de mai-68, relancer les polémiques sur les guerres d’Algérie ou du Vietnam… Les années quarante ont été celles de la guerre mondiale. Les années cinquante, celles de la reconstruction. Les années soixante, celles de la vie, tout simplement. Des années durant lesquelles l’énergie, l’audace, mais aussi la classe, la mode et une certaine forme de modernisme, semblaient pouvoir bouleverser le monde à chaque instant. Pour le meilleur, mais pas seulement. Car si cette période dorée a accouché de quelques merveilles (musicales, automobiles, artistiques, sportives ou cinématographiques), d’un événement pour l’éternité (on a marché sur la lune !), elles sont aussi les années de plomb de la guerre froide et du Mur de Berlin, des vrais conflits sur le terrain en Algérie et au Vietnam, et de la généralisation des drogues dures qui vont occasionner des ravages chez les jeunes.

1962

Ferrari 250 GTO : la Joconde

D’une histoire alambiquée naquit une merveille et un objet de spéculation dont on ne connaît pas les limites. Si la GTO ne détient pas actuellement le titre officiel de voiture la plus chère du monde, c’est qu’aucun de ses 39 propriétaires ne se décide à en vendre une. On peut penser que ces gens-là sont à l’abri du besoin et qu’ils ne sont pas à 40, 50 ou 60 millions d’euros près. Car c’est bien de ce montant dont on parlera si d’aventure un modèle se trouvait sur le marché. Et peut-être ne le saurons-nous jamais, vendeurs et acheteurs appartenant tous au même club très fermé, et n’ayant nullement besoin de la publicité d’une vente chez Artcurial. A cette époque, les voitures de course homologuées dans la catégorie Sport doivent être issues de la série. Le commendatore, obsessionnel dans sa quête de victoires, imagine un stratagème inverse : adapter une voiture de course à un usage routier, uniquement pour les besoins de l’ « omologazione ». Et le signe du O pour bien marquer le coup, puisqu’il sera ajouté a posteriori. Née uniquement pour les besoins de la course, et loin de toute considération esthétique, la GTO héritera presque naturellement d’une ligne finalement désirable pour l’éternité.

L’héritière : Ferrari LaFerrari. Qu’il est loin le temps où une Ferrari, c’était un moteur, une ligne élégante… et c’est tout. Jamais en avance sur les techniques modernes, l’officine de Maranello est devenue l’une entreprises les plus technologiques de l’industrie mondiale, étant la seul (avec McLaren depuis peu), à faire bénéficier des enseignements de la Formule 1 ses voitures de route. Réellement, pas seulement pour faire du marketing comme Renault. La LaFerrari en est le plus brillant exemple : elle a tout, et même un peu plus. Une sorte de miracle automobile, capable de réaliser des chronos incroyables sur piste, tout en sachant rester sage (et c’est presque ça le plus étonnant) pour aller faire ses achats place Vendôme.

Alfa Romeo Giulia

Qui a dit que les voitures italiennes n’étaient pas fiables ? A cette époque, les Alfa régnaient en souveraines absolues dans la catégorie des berlines sportives. Mieux, elles en étaient les pionnières, avant d’être supplantées par les BMW dans les décennies suivantes. La Giulia n’était pas qu’une boule de nerf. Techniquement, elle introduira nombre de solutions techniques inconnues aux berlines de l’époque, parmi lesquelles quatre freins à disques et boîte cinq vitesses. Pour bien mesurer le positionnement de la sportive italienne, il faut se souvenir que ses rivales françaises de l’époque, la Citroën Ami 6 et la Renault Dauphine développaient 22 et 30 chevaux pour une vitesse maxi à peine supérieure à 100 km/h. La Giulia, dans ses premières versions, développait 92 chevaux et prenait près de « 200 compteur » comme on disait à l’époque, soit quand un même un petit 180 réel. Et du côté de l’Allemagne, BMW vendait encore les minuscules Isetta, Mercedes ne faisait pas de berline compacte et Audi n’existait même pas. En Italie, la Guilia est restée une légende, à tel point que la nouvelle berline de la marque a repris son prestigieux patronyme.

L’héritière : Alfa Romeo Giulia. Il aura fallu du temps pour qu’Alfa ressuscite le nom qui définit à lui seul la dolce vita italienne des années soixante. Que de regrets pour les patrons actuels de la marque, lorsqu’ils pensent à ce qu’aurait pu être Alfa Romeo si cet héritage avait été entretenu comme Porsche l’a fait avec la 911 ou les anglais, puis les allemands, avec la Mini. Probablement également, que BMW ne serait pas devenue l’une des marques les plus puissantes du monde, Alfa n’aurait peut-être pas été rachetée par Fiat… et serait aujourd’hui l’équivalent de BMW ! Car c’est bien la marque milanaise qui, la première, a inventé le concept de familiale sportive, pérennisé, magnifié, bonifié par la rigueur allemande à travers les premières 2002 dans les années soixante-dix, puis la dynastie Série 3 de 1975 à aujourd’hui. En 2017, Alfa relance donc le concept Giulia, mais maintenant dans le rôle du challenger. Heureusement, l’esprit est bien là, dans une ligne absolument sublime.

Sportif : Garrincha -1933-1983

Pelé aurait-il fait la même carrière sans son complice de l’aile droite de l’équipe du Brésil ? Probablement oui, mais le Brésil n’aurait pas le même palmarès, avec une Coupe du monde de moins. Dans celle de 1962 disputée au Chili, Pelé se blesse dès le deuxième match. Les auriverde ont besoin d’un nouveau héros, ce sera Garrincha, élu homme du tournoi. L’insaisissable ailier droit réalise presque systématiquement le même drible depuis quatre ans, mais qui fonctionne à tous les coups. Ses jambes tordues et dissymétriques (la gauche était 6 cm plus courte que la droite !) laissaient à penser aux défenseurs adverses qu’il allait tomber à chaque crochet. Songez qu’il ne perdit qu’un seul match dans toute sa carrière avec le Brésil : le dernier, lors de la Coupe du monde 1966. Il mourra rongé par l’alcoolisme et la solitude, après une longue descente aux enfers, à moins de 50 ans. Seul, après avoir été adulé par tout un pays.

Pilote : Graham Hill -1929-1975

A cette époque, inutile d’édicter des règles pour inciter les pilotes à se respecter entre eux : la moindre manœuvre antisportive se soldait par deux morts minimum. Ainsi, le jeune Max Verstappen, animateur agité des pelotons depuis 2015, et son honteux comportement défensif dans les zones de freinage, aurait eu une espérance de vie d’un ou deux grands prix tout au plus. Parmi les pilotes de grande classe (ils l’étaient tous), Graham Hill incarnait l’esprit british dans toute sa splendeur. Deux fois champion du monde, il souffrit en fin de carrière de la comparaison avec Jim Clark et Jackie Stewart, ses quasi-compatriotes (ils étaient Ecossais). Après avoir survécu au Nürburgring et autres cimetières de pilotes, il se tua bêtement dans le typique brouillard anglais, aux commandes de son avion au retour d’une séance d’essais au Castellet. Ici, avec sa petite Lotus Elan de fonction.

Musique : The Beatles

S’il est un domaine dans lequel les années soixante ont marqué définitivement l’histoire, c’est bien la musique. Les deux plus grands groupes de tous les temps sont nés à quelques mois d’intervalle et se sont partagés la vedette pendant seulement huit ans, durée de vie des Beatles. Le mérite des Fab Four est d’autant plus grand, d’avoir produit tant de chefs-d’œuvre musicaux et d’émotions dans le monde entier en si peu de temps. Leur place dans l’histoire sera certainement au niveau de celle de Mozart.

Acteur : Jean-Louis Trintignant -1930-

Lui aussi aurait voulu devenir pilote. Sans lui faire offense, il n’en a jamais eu le niveau, malgré quelques apparitions dans des courses d’envergure comme les 24 Heures du Mans. Ironie du sort, l’un de ses plus grands rôles le voit mourir d’un accident de voiture à la fin du film : dans Le Fanfaron, sorti en cette année 1962, la Lancia Aurelia conduite par l’immense Vittorio Gassman, termine dans les rochers. Trois ans plus tard, lorsque Claude Lelouch lui propose le rôle pour Un Homme et une femme, le personnage principal est un avocat. « J’aimerais bien jouer un pilote de course plutôt » lui répond Trintignant. Et Lelouch d’enchaîner, « alors, c’est l’histoire d’un pilote de course… ».

Actrice : Marylin Monroe -1926-1962

La femme du siècle devenue la maîtresse de l’homme le plus puissant de son temps. Les années soixante sont aussi celles des morts mystérieuses du couple illégitime le plus célèbre de l’histoire : qui a vraiment tué John-Fitzgerald Kennedy et comment est morte Marylin Monroe ? Après plusieurs décennies de spéculations et d’enquêtes, de rumeurs, de vrais ou faux rapports, d’expertises officielles ou non, on ne saura jamais avec certitude.

Personnalité : Nelson Mandela -1918-2013

Une génération entière a vécu dans l’attente de la libération de Madiba. Le 5 août 1962, Nelson Mandela, leader et symbole de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, est arrêté et condamné à la prison à vie. Il faudra attendre 27 longues années avant que Mandela déclare à sa sortie de prison : « Je suis là devant vous, non pas comme un prophète, mais comme un humble serviteur du peuple. Jetez dans la mer vos fusils, vos couteaux et vos machettes ». C’est avec cet esprit pacifiste qu’il deviendra président de la République d’Afrique du Sud en 1994 à l’occasion des premières élections multiraciales. Ou quand le monde change pour le meilleur.

Tendance : Le pop art

Incarné par Andy Warhol et Roy Lichenstein, le pop art servira de tremplin à l’art moderne en général. Si les œuvres des grands pionniers des années soixante sont incontestables, un certain nombre d’imposteurs ou de d’opportunistes hommes de marketing, ont rendu l’art moderne extrêmement contestable depuis. Mais il faudra en reparler dans quelques siècles pour savoir…

Et pendant ce temps-là… Fin de la guerre d’Algérie. Les années soixante marque la fin des empires coloniaux dont l’indépendance a commencé après la seconde Guerre mondiale. Les Anglais connaissent la période la plus importante de leur histoire en abandonnant la plupart de leurs nombreuses et immenses colonies. Et la France accepte l’indépendance de l’Algérie, à l’issue d’un long et violent conflit : le 18 mars 1962, les accords d’Evian mettant fin à plus de sept ans de guerre.



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