Eléna Lucas
Mike Horn : sauvage ?

Parmi les innombrables missions périlleuses tentées par l’aventurier Mike Horn, il en est une qui semblait plus impossible que les autres : donner des lettres de noblesse à des émissions de téléréalité. Objectif atteint avec The Island ou A l’Etat sauvage. Rencontre avec le héros, à la fois indomptable et civilisé, durant son tour du monde entamé depuis l’an dernier, au volant d’un inusable Mercedes Classe G.

Mike Horn n’a jamais voulu signer de décharge de responsabilité. Jamais. Un jour, lors d’une escalade dans les Rocheuses, Will Gadd, le guide canadien pour cette expédition, lui en a tendu une. « C’est quoi ce papier ? » a-t-il demandé comme s’il s’agissait d’une contravention. Evidemment, pour des questions d’assurance, l’aventurier sud-africain doit parfois s’exécuter, mais à contre-cœur. Avant d’être un aventurier, Mike Horn est un homme libre, curieux de tout.  « Si on vole au-dessus d’un pays, il nous reste inconnu. Si on le parcourt à pied ou en voiture, on découvre de nouvelles choses, notamment la beauté de la nature. On apprend également à connaître la vie et les besoins des êtres humains. En ce moment, je fais le tour du monde. Mon expédition Pole2Pole, du pôle Nord jusqu’au pôle Sud puis inversement, est très exigeante. Mes filles Jessica et Annika me soutiennent dans ce projet. Nous sommes une équipe. Je bénéficie de l’aide de Mercedes, mon partenaire de toujours, qui nous fournit des extraordinaires Classe G. Quand on passe autant de temps dans ce genre de voitures, on change d’avis sur les tout-terrain. En fait, nos deux 4X4 sont devenus de vrais compagnons de voyage car nous effectuons la majeure partie du trajet avec et grâce à eux, je fais le reste avec Pangaea, mon yacht à voile, et à ski. Au total, ça représente 38 600 km. Sans nos voitures, nous aurions beaucoup de mal à gérer certaines situations extrêmes. En cas de chaleur torride ou de froid glacial, rien de tel que la ventilation ou le chauffage du siège. Même pour moi ! La Classe G de Mercedes-Benz ne m’impose aucune limite ; elle est fiable, sûre, confortable, et c’est une aventurière, comme moi. Et puis il s’agit surtout d’un véhicule d’une robustesse à toute épreuve, une qualité essentielle quand on fait des trajets compliqués en tout-terrain. »

Pole2Pole est un tour du monde d’environ deux ans pendant lequel il se rend d’un pôle à l’autre en voilier, en kayak et en ski. Cet explorateur des temps modernes a parcouru les deux pôles à ski, a voyagé tout au long de l’équateur sans aucun transport motorisé, a navigué en solitaire autour de la Terre, a descendu l’Amazone à la nage et a accompagné des jeunes de diverses nationalités dans des expéditions afin de réaliser des projets environnementaux. Il compte parmi les proches du Prince Albert II de Monaco et, en 2001, a reçu le prix Laureus du sportif extrême de l’année. On l’engage comme entraîneur pour inculquer une attitude gagnante aux athlètes ; il a d’ailleurs contribué à la victoire de l’équipe de football allemande lors de la Coupe du monde 2014 de la FIFA, au Brésil.

Et ce n’est là qu’un aperçu de son CV. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois à Calgary, Mike Horn m’a presque broyé les métacarpes en me serrant la main. Il a commandé des côtelettes d’agneau fumées et un tartare de bison surmonté d’un jaune d’œuf. Lorsqu’il a aperçu ma salade mixte parsemée de graines de chanvre, il s’est exclamé : « C’est la nourriture de ma nourriture ! »

Mike Horn affiche une beauté digne de James Bond, à la fois brute et télégénique : regard sombre et intense, mâchoire carrée, chevelure poivre et sel soigneusement coupée et silhouette trapue donnant l’impression qu’il pourrait s’attaquer à un tigre. Ajoutez à cela un accent européen indéchiffrable et une aisance naturelle devant le public. Pas surprenant qu’il anime des émissions de téléréalité qui font autant d’audience, et dans lesquelles il enseigne à des urbains et des peoples comment survivre sur une île déserte dans The Island. En France, sa série A l’Etat sauvage a connu un immense succès et les péripéties vécues avec Adriana Karembeu, Laure Manaudou ou Christophe Dechavanne tournent maintenant en boucle sur Internet.

Le tempérament intrépide de Mike Horn est lié à ses origines. Issu d’une famille bien nantie et sportive d’Afrikaners, il est animé par une soif d’aventure que son père a su déceler très tôt, en lui permettant d’explorer la nature des environs de Johannesburg. Le jeune Mike parcourait les ruisseaux, retournait des pierres, regardait du haut des falaises et pédalait sur les chemins de terre. « Mon père ne m’a jamais demandé ce que je faisais. Tout ce qui comptait pour lui, c’est que je sois rentré à 18 h », se souvient-il.

À 20 ans, une vie aisée l’attend. Une fois son diplôme universitaire en poche, il travaille pour l’entreprise d’importation alimentaire de son oncle. Il gagne bien sa vie, possède une maison, joue au cricket et au rugby. « Un jour, je me suis réveillé en me demandant si je voulais passer le reste de mon existence à importer du chou et des fruits ».

Après cette révélation, il téléphone à son oncle un vendredi pour lui annoncer qu’il ne rentrerait pas au bureau le lundi. Ni le suivant. Il se départit de la majorité de ses biens et achète un billet d’avion pour la Suisse. À cette époque, peu de pays délivraient des visas aux Sud-Africains à cause de l’apartheid. « Je n’avais pas de plan, mais je savais que je voulais voir le monde », poursuit l’aventurier.

L’histoire de sa vie, après qu’il a quitté l’Afrique du Sud à 28 ans, est aussi improbable qu’un scénario de Mission impossible. De sombres perspectives d’avenir l’attendaient en Suisse : un citoyen originaire d’un pays aussi critiqué que l’Afrique du Sud avait peu de chances de décrocher un emploi bien rémunéré. N’ayant rien devant lui, il décide de se rendre jusqu’en Israël, où il compte s’enrôler comme mercenaire, et c’est ainsi qu’il se retrouve à faire du stop dans les Alpes suisses en plein hiver. Par bonheur, un généreux automobiliste s’arrête en le voyant frissonner sur une route montagneuse. Lorsque le jeune Afrikaner lui raconte qu’il compte se rendre au Moyen-Orient en auto­stop, le conducteur se montre d’abord incrédule, puis il lui offre un lit à l’auberge qu’il dirige. En échange de son hospitalité, Mike pourrait y travailler comme plongeur. Et comme son bon samaritain l’aime bien, à un moment donné, il lui propose même de gérer l’auberge. Le jeune intrépide s’empresse d’accepter. C’était à Château-d’Œx, la commune suisse où Mike Horn habite toujours… lorsqu’il n’est pas en expédition.

Les Alpes suisses ont changé sa vie. Il y est devenu une célébrité locale parce qu’il nageait en eaux vives et sautait du haut des chutes. C’est ainsi qu’il a capté l’attention du fabricant de montres italien Sector, au moment où les marques découvraient tout le potentiel marketing des sports extrêmes. Mike a dès lors intégré l’équipe d’athlètes No Limits de Sector et, à partir de ce moment-là, a commencé à organiser des expéditions de plus en plus ambitieuses. Mercedes-Benz s’est joint à la partie, commanditant à la fois ses périples en SUV de Classe G et en voilier.

Si ses exploits l’ont mené vers la gloire, Mike Horn a aussi subi de nombreuses pertes. Son père, l’homme qui a eu le plus d’influence sur sa vie, a été emporté par un cancer avant d’avoir 60 ans. Sa sœur aînée a aussi succombé à cette maladie. Mais la disparition la plus éprouvante a sans doute été celle de Cathy, son épouse pendant 25 ans, qui s’est éteinte en 2015 après un combat de plusieurs années contre le cancer du sein. Au moment de leur rencontre, il était un jeune Afrikaner qui faisait des folies dans les rivières et les montagnes des Alpes ; elle, une Néo-Zélandaise travaillant dans une station de ski. Cathy est vite devenue le pilier de ses aventures, celle qui, en coulisses, gérait la logistique et les relations avec les médias, accompagnait leurs deux filles à l’école et les aidait dans leurs devoirs, tandis qu’il bravait vents polaires et mers agitées. « Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une personne comme elle. Pole2Pole, c’est notre expédition. Nous l’avons planifiée ensemble, je ne fais que l’exécuter. Ce sera sans doute la dernière. Parce qu’il n’y a plus personne pour m’appuyer », confie-t-il.

Difficile d’imaginer ce qui l’attend s’il décide de rester à la maison pour de bon. Siéger confortablement à quelques conseils d’administration ? Prendre une semi-retraite en donnant des conférences ? Devenir le porte-parole à temps plein d’une marque ? C’est peu probable. Car à quoi songe notre homme durant ses treks polaires et ses traversées océaniques en solitaire. « À ma prochaine aventure », répond-il sans hésiter. À l’évidence, certaines espèces sauvages ne s’apprivoisent pas.

Repères

1997 Il descend l’Amazone sans aucune aide, de sa source à la mer, et vit pendant six mois de cueillette et de chasse dans la forêt tropicale.

1999 En commençant par une traversée de l’Atlantique à partir du Gabon jusqu’au Brésil à bord d’un trimaran de neuf mètres (ce défi lui a valu le prix Laureus 2001), il fait le tour de la planète en longeant l’équateur.

2004 Il termine une expédition d’une durée de 27 mois autour du cercle polaire.

2005 Avec son épouse et ses filles Annika et Jessica, alors âgées de 12 et de 11 ans, il traverse en ski l’île Bylot, de l’archipel arctique canadien.

2015 Dans un audacieux périple de 12 jours, il conduit de la Suisse au Pakistan, franchissant les terres sauvages d’Asie centrale, puis tente de gravir le K2, deuxième plus haut sommet du monde.

2016 Il fait le tour du monde en passant par les pôles Nord et Sud. Suivez son expédition Pole2Pole sur son site : mikehorn.com

2017 diffusion sur M6 de A l’Etat sauvage, programme de téléréalité dans lequel il fait subir des épreuves extrêmes à des personnalités



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