Car Life
Henri Pescarolo : « Non, l’écologie n’a pas sa place dans le sport automobile »


Le grand Pesca envoie aussi fort quand il s’exprime qu’il le faisait en piste au volant de son proto du Mans. L’homme qui appelle un chat un chat (ou plus exactement un c.. un c..) ne comprend pas que l’on applique à l’automobile de course des principes au nom du politiquement correct.

Il est de bon ton de considérer l’écologie dans le sport automobile comme une nécessité : les moteurs hybrides, la récupération de l’énergie au freinage, etc., etc. Je ne vais pas me forcer pour être bien-disant car je vais finir par dire le contraire : je ne suis absolument pas d’accord avec ça. A Indianapolis, aux Etats-Unis, les voitures roulent à 380 km/h de moyenne alors que l’épreuve se déroule dans le pays où la limitation de vitesse est la plus sévère. Est-ce que les Américains sont des idiots ? Je ne le crois pas puisque la course attire 450 000 spectateurs. Il y a deux choses bien différentes. D’une part, l’effort que font les constructeurs pour diminuer les émissions polluantes de leurs moteurs et c’est très bien. Les voitures de tous les jours consomment deux fois moins qu’avant, on ne peut que s’en féliciter. Et il y a la course automobile qui est avant tout un spectacle. Il y a quarante ans, je roulais à 385 km/h à chaque tour au Mans. Aujourd’hui, on atteint péniblement 325 km/h. Est-ce que c’est vraiment aussi important de ralentir autant les voitures pour consommer quelques litres de moins ? Et puis, on n’a pas besoin d’un règlement pour essayer d’économiser le carburant. En F1, la consommation joue un rôle important car emmener plus de carburant fait perdre en performances. En endurance, c’est capital, pour s’arrêter ravitailler moins souvent que ses adversaires. La consommation fait partie intégrante de la performance. D’autant que je ne crois pas que ces contraintes réglementaires fassent réellement progresser la technologie de la voiture électrique. Un jour, un magazine m’a demandé de faire l’essai de la Tesla, cette voiture de sport électrique. J’ai dit ok, partons du centre de Paris et rendons-nous à Folembray, circuit dont je m’occupe, situé à 130 km de Paris. Arrivé sur place, j’ai voulu faire quelques tours sur la piste. Finalement, il a fallu attendre trois heures, le temps de recharger suffisamment les batteries qui étaient à plat pour rentrer à Paris. L’électrique est une utopie complète. C’est très bien pour les flottes captives, les administrations, pour une utilisation intra-muros ou des systèmes comme Autolib à Paris, mais sinon, ça n’a rien de réaliste. En France, les gens qui réglementent l’environnement ou la sécurité routière sont ceux qui ont le métro en bas de leur porte. Moi, j’habite dans un village en Seine-et-Marne dans lequel il n’y a ni RER, ni bus, ni commerçant itinérant. Impossible d’y vivre sans voiture, comme partout en France en dehors des centres villes.
Les grandes décisions sur l’environnement et l’automobile me rappellent les débuts des limitations de vitesse. J’ai eu le privilège de faire partie d’une commission de sécurité, avec Christian Gérondeau, ministre des Transports au début des années 70. Le but était de trouver des solutions au fléau des accidents de la route. Il y a avait Jean-Pierre Beltoise et tout un tas de gens qui apportaient leur pierre à l’édifice. On était tous d’accord pour dire qu’il y avait beaucoup de choses à faire avant d’instaurer les limitations de vitesse qui n’existaient pas encore. Ces choses, on les connait tous, mais ça coutait de l’argent. Par contre, décréter des limitations de vitesse, il y avait juste à planter des panneaux au bord des routes. Pas très compliqué et très économique ! On a choisi cette solution au détriment de la formation, de la prévention, de la suppression de tous les points noirs, de l’alcool au volant… Mais à la limite, sur les limitations de vitesse, on a pris cette option, mais on n’est pas allé assez loin, parce que dans cette logique, il aurait dû ne plus y avoir de mort du tout, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.
Bien sûr, ces dernières années, dieu merci, la mortalité a fini par baisser. Progressivement, on s’est attaqué à tout ce que l’on a dit il y a quarante ans, mais on a perdu temps. Pendant longtemps, je siégeais à une commission de retrait du permis de conduire pour défendre les conducteurs. Dans mon coin, en Seine-et-Marne, entre la sortie de l’autoroute et Provins, il y a cinq endroits où on se tue en toute légalité, parce que la signalisation horizontale est criminelle. J’ai osé le dire à la commission, je leur ai dit, allez voir, il y a des endroits sans visibilité avec une ligne pointillée qui autorise les dépassements. On m’a dit, c’est parce que vous roulez trop vite, la signalisation est faite pour les gens qui roulent doucement. Je me suis tiré. Aujourd’hui, tout le monde roupille au volant. L’endormissement est devenu la première cause d’accidents sur l’autoroute. Il faut que les gens roulent à la vitesse à laquelle ils sont à l’aise. Je reconnais que les limitations de vitesse ont calmé quelques imbéciles qui roulaient trop vite, mais qu’est-ce que ça représente par rapport aux gens qui travaillent sur la route ?




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