Car Life
McLaren, la belle histoire [2/4] : Ron Dennis, le perfectionniste

Quelle belle histoire que celle de McLaren. Jusqu’au milieu du siècle dernier, les plus grandes marques automobiles du monde -et pas seulement sportives- étaient celles qui avaient débuté en compétition. Remplacé depuis par le marketing-roi, ce principe est ressuscité de la plus brillante des façons par la petite entreprise britannique, née du génie et de la persévérance de son créateur néo-zélandais, Bruce McLaren, il y a un peu plus de cinquante ans.

John Barnard, Teddy Mayer et Ron Dennis.

Après la mort de Bruce McLaren, c’est Teddy Mayer, son associé qui amènera l’écurie aux titres de champion du monde dans les années soixante-dix (Fittipaldi puis Hunt) et surtout Ron Dennis, le véritable architecte du succès qui fait de McLaren aujourd’hui une marque suffisamment forte et crédible pour que quelques milliers de connaisseurs dans le monde, signent des chèques de plusieurs centaines de milliers d’euros sans sourcilier, pour accéder au summum de l’excellence automobile.

Même si la période actuelle en Formule 1 est assez désastreuse, McLaren reste un exemple de réussite technologique et commerciale pour l’ensemble des marques du monde entier, privilège qu’elle partage avec une seule d’entre elle : Ferrari.

Car en dehors de la firme de Maranello, les rivales de McLaren dans l’univers de l’«ultracar» ont pour nom Lamborghini, Porsche, Bugatti, Aston Martin, ou les artisans type Pagani, mais la plupart de ces marques n’ont jamais osé s’aligner en Formule 1 et aucune n’a gagné le moindre grand prix. Si, pardon, une victoire en 1962 pour Porsche en tant que constructeur… contre 182 pour McLaren ! Une troisième marque a réussi à s’imposer dans les deux mondes. Il s’agit de Lotus, mais son histoire est tellement mouvementée que son existence ne s’écrit plus qu’en pointillés depuis longtemps, aussi bien sur la piste, où elle a disparu, que pour la gamme de GT avec d’incessants changements de propriétaires.

Si les débuts de McLaren en production ont marqué les esprits au niveau technologique et performances, on n’en dira pas de même en termes de succès commerciale. La F1 était une œuvre destinée à flatter l’ego de Ron Dennis et un exercice de style pour Gordon Murray, son concepteur, plus qu’une réalité économique. Les nouveaux actionnaires ont réussi à conserver l’image clinique de la marque, tout en augmentant la production. Sur la route aussi, McLaren s’apprête à battre quelques records.

1974 : Champion du monde

C’est Teddy Mayer, le fidèle associé, qui continue l’aventure. Avec succès : en 1974, Emerson Fittipaldi offre le premier titre de champion du monde à McLaren.

1976 : La légende Hunt

La saison 1976 de Formule 1 restera dans l’histoire car le duel entre Hunt et Lauda, déjà authentiquement dramatique, va connaître une exposition universelle avec la sortie du film Rush, quelque quarante ans plus tard. Accessoirement, l’écurie McLaren remporte son deuxième titre pilote.

1979 : Le putsch

De gauche à droite, Ron Dennis, ancien mécano ayant monté son écurie de course (baptisée Rondel, pas terrible en français !), John Barnard, ingénieur, et John Watson, prennent le contrôle de l’écurie et la fond basculer dans une autre dimension avec le soutien financier sans limite de Philip Morris.

1980 : Un débutant nommé Alain Prost

Ron Dennis est devenu le patron tout-puissant de la marque. Maladivement maniaque, très soucieux de l’image de la marque (et de la sienne : il déteste cordialement tous les gens qui l’ont côtoyé comme mécanicien), mais doté d’un professionnalisme sans faille, Dennis va faire passer McLaren du statut d’excellente écurie de course à un empire dans l’automobile de course et de prestige. En cette année1980, Alain Prost fait ses premiers pas en grands prix avec John Watson comme coéquipier (à gauche) qu’il va dominer toute la saison.

1983 : La machine se met en place

Coque carbone, moteur TAG-Porsche, budget illimité, pilote idéal en la personne de Niki Lauda, sorti de sa retraite… En 1983, chez McLaren, tout est prêt pour dominer le monde. A noter sur cette image que le déplacement des voitures dans le paddock se faisait encore à la bonne franquette.

1984 : Invincibles

Alain Prost, parti chez Renault pour faire gagner la F1 à la française entre 1981 et 1983, revient chez McLaren en 1984 pour faire équipe avec Niki Lauda. Ce sera ce dernier qui sera titré en fin de saison (le fameux demi-point d’écart) au volant d’une auto absolument invincible.

1988 : Senna-Prost acte 1

En 1988 débute l’association de pilotes la plus explosive de l’histoire de la Formule 1. Senna domine Prost, mais les deux rivaux s’entendent encore à peu près, au moins devant la presse. Pour McLaren, l’important est que la voiture est redevenue imbattable grâce à son moteur Honda et sa paire de pilotes venue d’une autre planète : 15 victoires en 16 grands prix, le seul abandon étant dû à un accrochage entre Senna et Schlesser à Monza. Course finalement remportée par une Ferrari, quelques jours après le décès d’Enzo. Un hommage divin.

1989 : Senna-Prost acte 2

Dernière saison entre les deux meilleurs ennemis, qui se soldera par les fameux épisodes du pacte rompu de San Marin et de l’accrochage au Japon. Prost termine champion du monde devant Senna, ce qui reste tout de même une sacrée prouesse, trop souvent oubliée, le grand public ne se souvenant que de leurs clashs sur et en dehors de la piste.

1991 : Fin de la période dorée

Williams-Renault s’apprête à dominer le championnat comme jamais et Senna remporte son dernier titre.

1993 : Petite traversée du désert

Durant six saisons, McLaren ne pourra lutter contre Williams et même quelques autres écuries devenues très performantes, telles Benetton ou même Ferrari par intermittence. Ici, Senna teste sa voiture avec un moteur Lamborghini, une des nombreuses marques (Peugeot, Ford…) à avoir équipé McLaren à cette époque.

1993 : Première voiture de route

Evénement à Woking, McLaren présente sa première voiture de route. La marque veut entrer dans une nouvelle ère. La voiture est une merveille, probablement la meilleure de tous les temps à cette époque-là, mais le succès n’est pas du tout au rendez-vous : à un million de dollars, la clientèle est rare. Un projet finalement sans suite, qui ne donnera pas naissance à une vraie gamme. Du moins à court terme.

1995 : Victoire au Mans… par hasard

Non, l’engagement des McLaren F1 aux 24 Heures du Mans ne doit rien à une quelconque stratégie de la marque. Simplement, les hasards de l’évolution du règlement et la désaffection des protos en cette année 1995, a favorisé l’engagement de grosses GT dans la classique mancelle. Avec une base aussi exceptionnelle, rien d’étonnant à ce la F1 se soit montrée la plus performante. Du coup, McLaren devient la seule marque dans toute l’histoire du sport automobile à avoir remporté le Championnat du monde de Formule 1, les 24 Heures du Mans et les 500 Miles d’Indianapolis.

1998 : Retour du succès

Très belles saisons à la fin des années quatre-vingt-dix, où l’on voit le brillant Mika Hakkinen et sa McLaren-Mercedes, battre l’immense Michael Schumacher au volant d’une Ferrari encore perfectible.

2003 : Commande de Mercedes

Les qualités exceptionnelles de la McLaren F1 de route n’ayant échappé à personne, Mercedes, motoriste du moment de l’écurie de F1, commande à Ron Dennis une Supercar qui sera conçue en collaboration entre les deux marques. Une auto assez aboutie, mais peu élégante et pas vraiment excitante pour ceux qui ont connu la F1. Il ne s’en vendra d’ailleurs que 1 800 exemplaires, soit la moitié de l’objectif.

2004 : Nouveau siège

Ron Dennis est mégalo et il veut que ça se sache. Le nouveau siège de McLaren qui abrite à la fois les activités compétition et les futures gammes de voitures de route peut être considéré comme le Louvre de l’automobile. Un monument dédié à la performance, l’excellence, la technologie. Tous les sols y sont d’un blanc immaculé, permettant de déceler et de détruire la moindre parcelle de poussière.

2007 : 100 millions de dollars !

Assurément, l’histoire la plus invraisemblable de l’histoire de la Formule 1, qui n’en manque pourtant pas. Nigel Stepney (photo), ingénieur chez Ferrari, transmet les plans de la future monoplace italienne à Mike Coughlan, un de ses amis ingénieur chez McLaren. Ce dernier ne trouve rien de mieux que de demander à sa femme de faire photocopier les documents (sur lesquels il est écrit en gros « secret » !) dans la boutique du coin de la rue. Cette équipe de Pieds Nickelés va se faire prendre la main dans le sac avec, pour conséquence, une amende record de 100 millions de dollars pour McLaren, accusée d’espionnage industriel. Ron Dennis en sort affaibli.

2008 : Un nouveau prodige

En 2007, McLaren installe dans sa Formule 1 l’un des plus grands espoirs du sport automobile. Ron Dennis le suit depuis toujours (témoin cette photo datant de l’époque du karting) et il ne s’est pas trompé. Dès sa première saison, Hamilton domine son coéquipier Fernando Alonso, rate le titre d’un cheveu, mais le remporte finalement en cette année 2008.

2009 : Changement d’actionnaires

Progressivement, entre 2009 et 2016, Ron Dennis est forcé de passer la main à ses actionnaires, car devenus progressivement majoritaires. La suite sera finalement assez conforme à la logique de l’histoire : les voitures de course (vrai métier de Ron Dennis) vont progressivement décliner dans la hiérarchie de la Formule 1, quand les voitures de route vont bientôt constituer une vraie gamme et s’installer durablement sur le marché de l’automobile de sport.

2011 : Une nouvelle marque de Supercars

La McLaren F1 n’aura été qu’un one shot. Dès les années 2000, décision est prise de créer une véritable marque de voitures de sport. En 2011 sort la MP4-12C, dont le nom prête à confusion (encore un point commun avec Ferrari !) : MP pour McLaren Project (l’origine de cet acronyme remonte aux années 80 et signifiait Marlboro Project, du nom de principal commanditaire de la marque), 4 car il s’agit du 4ème projet de Ron Dennis (quels étaient les trois autres ?) et 12C, non pas pour 12 cylindres (elle a un V8 turbo), mais parce que la voiture doit répondre à 12 critères que McLaren a établis. Performance notable, la McLaren est équipée d’un moteur-maison, ce qu’aucun petit constructeur n’est capable de réaliser et toutes les voitures de la marque devront être conçue autour d’une coque carbone, ce qui reste une exclusivité mondiale.

2015 : L’amour ne dure qu’une fois

Ce devaient être les plus belles retrouvailles de la Formule 1, les noces ont tourné au cauchemar. L’association McLaren-Honda qui a écrasé la discipline avec Prost et Senna a tourné au fiasco dans son revival années 2010.

2018 : Grande première avec Renault

En 2018, McLaren troque son Honda contre un Renault. Ce sera la deuxième fois que la marque de Woking s’associera avec un constructeur français. La première expérience avec Peugeot dans les années quatre-vingt-dix n’a laissé aucun bon souvenir. Celle avec Renault, à peine plus.

Non, les premières McLaren n’étaient pas orange

Tout le monde l’écrit et tout le monde se trompe. La couleur d’origine de McLaren n’était pas ce orange papaye (du fruit exotique que l’on trouve en Nouvelle-Zélande), mais blanche et verte, couleurs officielles de ce pays en sport automobile. C’est Teddy Mayer, premier associé de Bruce McLaren qui décida que leurs voitures porteraient la couleur orange au milieu des années soixante pour des raisons de visibilité : les premières photos couleurs faisaient leur apparition et cet homme de communication voulait que ses voitures se distinguent des autres.

Quand McLaren dominait Ferrari dans les stats F1

En 1998, juste avant la domination de Ferrari époque Schumacher, McLaren a réussi à dépasser la scuderia dans les statistiques de la Formule 1 : dix titres de champion du monde des pilotes pour Woking, neuf pour Maranello et autant de titres constructeurs chacun (neuf). Une sacrée performance pour l’écurie anglaise, car réalisée en 23 saisons d’existence contre 39 à Ferrari. Depuis, Ferrari a repris le large : quinze et seize titres contre douze et huit à McLaren.



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