Les essais de Luc Ferry : Ford Mustang

          Vraaoouummm ! Et même un énorme vraaoouummm ! C’est du moins ce qu’elle me dit quand j’enfonce le bouton du démarreur et que j’appuie sur l’accélérateur. Elle ? Ma Mustang préférée, le dernier modèle, la GT 5 litres en version cabriolet…

… avec boîte mécanique, évidemment, – je n’ai pas essayé la version boîte auto, mais l’homme de l’art qui me donne gentiment les clefs, m’assure qu’elle est un peu lente et que pour s’amuser vraiment, Les six vitesses de la boîte mécanique font merveille. Soit ! J’enclenche la première et je sors doucement, non sans précaution, du parking fort étroit du boulevard Berthier dans le 17ème arrondissement de Paris où la bête est garée. Seconde, troisième… En effet, la boîte est un régal, douce et précise à la fois. On sent tout de suite que c’est du sérieux et je suis surpris par la facilité de la prise en main. Malgré ses 421 ch et ses l 700 kg, la voiture est aussi facile à conduire qu’une Clio. D’ailleurs, ne vous en faites pas pour le bruit. D’abord, c’est en soi un régal, mais si vous voulez avoir la paix, écouter tranquillement la radio ou parler avec votre voisine, sachez qu’ en vitesse linéaire, stabilisée, la Mustang est silencieuse comme une bonne Mercédès. La finition intérieure est  plus que correcte, agréable, le GPS efficace, la climatisation aussi, la radio excellente, bref, on est très loin de la qualité plutôt médiocre des premières versions. Quant au confort, il est royal. Les sièges vous maintiennent  bien et les suspensions absorbent sans rechigner les aspérités de la route.

Je suis donc plutôt bluffé par les progrès accomplis depuis la dernière fois que j’ai piloté une de ses sœurs. Il faut dire que c’était en l985, aux Etats-Unis, entre San Francisco et San Diego. Un modèle, tout neuf à l’époque, une Shelby 350 décapotable qu’une copine m’avait prêtée pour visiter les vignobles de la Nappa Valley. La voiture était sympa, mais la tenue de route, le freinage et la finition laissaient singulièrement à désirer. Dès qu’on dépassait les 100 km/h, on avait irrésistiblement l’impression d’être à bord d’un bateau plus que d’une voiture de sport tant tout paraissait flotter, de la direction à la suspension en passant par l’amortissement. C’est l’occasion de rappeler qu’il y aura au total six générations de Mustang. La première voit le jour en l964 et son histoire est à un seul tout un programme. Son concepteur, Lee Laccoca, a l’intuition qu’après l’effroyable deuxième guerre mondiale, la jeunesse va avoir besoin de distractions. L’équation est simple : l946 + 18 ans = l964. En d’autres termes, la voiture est conçue pour ceux qui naissent au lendemain du conflit et qui passeront leur permis avant leurs 20 ans ! Il leur faudra une voiture sportive, amusante, au look moderne, relativement puissante et surtout accessible financièrement. C’est donc en l964 que la belle voit le jour avec un prix de vente record de 2 368 dollars, soit dix dollars de moins qu’une coccinelle VW ! Qui dit mieux ?  Le succès est d’entrée de jeu colossal et il ne se démentira jamais au fil des générations suivantes : l974, l979, l994, 2003 et, finalement, 2014/2015.

Les chiffres sont époustouflants : neuf millions d’exemplaires vendus en cinquante ans, cinq millions de fan sur Facebook, plus de deux cents clubs dans le monde. Il faut dire que la Mustang a fait son cinéma, avec James Bond, dans Goldfinger et les Diamants sont éternels, puis avec Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée dans le film culte de Lelouch, Un homme et une femme, en l966, et encore, last but not least, en l968, dans Bullit, avec cet excellent pilote amateur que fut Steve McQueen.

D’ailleurs, c’est justement vers un metteur en scène, lui aussi lié à l’histoire de ma voiture, que je prends la route vers Trouville. C’est en effet mon vieil ami Elie Chouraqui que je vais rejoindre dans sa maison de campagne où il passe ses week-ends avec sa ravissante femme, Isabelle, et son adorable petit garçon, Solal. Quand le film de Lelouch sort, Elie n’a que dix sept. Il voit le film et tombe éperdument amoureux de l’héroïne. Dans le monde réel, habituellement, on en reste là, à l’imaginaire. Mais là, coup de chance, il rencontre par hasard Anouk cinq ans plus tard et c’est le coup de foudre de part et d’autres. Elie réalise son premier film avec l’héroïne de ses dix-sept ans, un film intitulé justement « Mon premier amour ». Il emmène alors sa bien-aimée aux Etats Unis et là, les deux amoureux louent une voiture. Devinez le modèle ? Une Mustang rouge sang, avec laquelle ils traversent la côte Est de New-York à Montréal. Quand je demande à Elie ce que représente pour lui la Mustang, voici sa réponse : « Le plus pur fantasme de liberté et d’amour ».

Je pense à tout ça en reprenant le volant le lendemain. La veille, il pleuvait et sur le mouillé, la Mustang n’est pas vraiment à l’aide. Aujourd’hui, le sol est sec et je peux envoyer sans trop de retenue la cavalerie du V8. Quel monstre ! Elle monte de 0 à 100 km/h en 4,8 secondes et si elle n’était limitée électroniquement à 250 km/h, je sens qu’elle n’aurait guère de mal à aller encore plus loin. Avec ses 530 nm, la voiture grimpe à toute vitesse dans les tours. La tenue de cap est surprenante, excellente pour une voiture de ce poids, et la tenue de route est plus que convenable.

Décapotée, on est assez bien protégé et il n’est nul besoin de jouer de la boîte de vitesses pour allier conduite souple et conduite rapide. Certes, ce n’est pas une voiture de course, mais dès qu’on la conduit plus tranquillement, elle délivre un plaisir incomparable pour un prix qu’aucune européenne ne peut concurrencer. Pour avoir une puissance et des performances du même ordre, il faut aller chercher une Porsche Carrera S ou, chez BMW, une M4 coupé qui vous coûtera… plus de 82 000 euros, soit presque deux fois plus que la Mustang ! En fait, la voiture n’a guère à mes yeux qu’un seul défaut – il faut bien en parler sinon les éloges que je viens de lui faire seraient moins crédibles. C’est une pure 2+2, les places arrière ne convenant qu’à des enfants en bas âge. Impossible d’y loger deux adultes plus de quelques kilomètres. Sinon, vous pouvez y aller les yeux fermés !

Ford Mustang

  • CO2                                           306 g/km
  • MOTEUR                                   Essence, V8
  • CYLINDREE                               4 951cm3
  • PUISSANCE                               421 ch à 6 500 tr/mn
  • COUPLE                                    530 Nm à 4 250 tr/mn
  • TRANSMISSION                        Aux roues arrière
  • BOITE                                       Manuelle à 6 rapports
  • PNEUMATIQUES                       AV 255/40 WR 19
  •                                                  AR 275/40 WR 19
  • DIMENSIONS                            4,78 x 1,96 x 1,39 m
  • VOLUME DE COFFRE               333 dm3
  • POIDS                                       1 786 kg
  • RESERVOIR                               61 l
  • VITESSE MAXI                          250 km/h
  • 0 A 100 KM/H                             4,8 s
  • CONSOMMATION MIXTE          13,6 l/100 km



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