Les éditos de Paul Belmondo [Porsche – Hollande – Alpine]

Depuis cent ans, les 24 H du Mans sont le plus grand événement sportif payant sur notre territoire. Une telle épreuve pourrait-elle se dérouler dans un pays autophobe ? Je ne le crois pas.

Pourquoi un constructeur comme Porsche, devenu le plus rentable du monde, donc gros pourvoyeur d’emplois en Allemagne et exportateur prolifique, ne peut -hélas, trois fois hélas !- pas exister en France ? Oui, pourquoi notre pays, leader mondial dans l’univers du luxe, avec des marques comme Chanel, Hermès ou Dior, mais aussi dans les domaines de la gastronomie, du vin ou de l’aéronautique, reste-t-il cantonné à la production de petites voitures et dont le dernier coup de génie industriel s’appelle Dacia ? La réponse tient en deux images. La première est visible en page 37 de ce numéro. Qu’y voit-on ? Nous sommes en 2002 et Porsche ne se porte pas aussi bien qu’aujourd’hui, loin s’en faut. Alors, pour donner un coup de pouce au nouveau modèle sur lequel compte la marque pour connaître le succès, Gerhard Schröder, chancelier allemand, prend la pose pour les photographes sur la ligne de montage du tout nouveau Cayenne. Un tournant crucial pour la petite firme de Stuttgart avec cette énième tentative de sortir enfin, de la monoculture 911 qui a failli couler plusieurs fois l’entreprise. Oui, le chef de l’Etat, s’affiche fièrement avec une auto qui, dans notre pays, constitue le grand Satan écologique, automobile, industriel et bien sûr politique, cible des antis de tous poils, ceux-là même qui empêchent notre pays d’avancer et de se moderniser. On connait la suite, la success-story économique de Porsche a démarré ce jour-là.

Un homme politique, une Porsche… ça ne vous rappelle rien ? Mais bien sûr, la deuxième image, c’est celle de Dominique Strauss-Khan, qui s’installe dans la Porsche Panamera d’un de ses amis en pleine pré-campagne présidentielle (heureusement, il ne s’agissait pas de la sienne, peut-être se serait-il fait lyncher). Nous ne saurons jamais si cette photo volée lui aura couté l’élection présidentielle puisqu’il ne s’y présenta pas, mais souvenez-vous du tollé qu’elle a provoquée dans la presse people et plus sérieuse : « un homme politique (de gauche !) dans une Porsche, quel scandale ! A mort ! A mort ! » Ainsi vont les choses de chaque côté du Rhin : en Allemagne, comme dans la plupart des pays civilisés, on encourage la réussite ; en France, on la répudie. Vraiment ? Pas si sûr en réalité.

Hasard du calendrier, la parution de notre numéro Spécial Porsche coïncide avec le triomphe de la marque de Stuttgart aux 24 Heures du Mans. Une épreuve qui, rappelons-le, reste la plus grande course du monde (les Américains le disent eux-mêmes) et le plus grand événement sportif payant se déroulant sur notre territoire (et de très loin avec 260 000 spectateurs). Et ça fait près de cent ans que ça dure. Une telle épreuve pourrait-elle se dérouler dans un pays autophobe ? Je ne le crois pas. Je suis même absolument convaincu que les Français, dans leur immense majorité, adorent la bagnole. Alors pourquoi, bon sang, continuer à tirer en permanence sur l’automobile en l’asphyxiant avec des malus en tous genres (notamment la dévastatrice TVS qui a fait disparaitre le segment des voitures essence) qui ont découragé tous les acheteurs de belles voitures et, de fait, nos constructeurs d’explorer ces segments générateurs de fortes marges, donc d’emplois, donc de dynamisme économique, etc., etc. ? Peut-être aurait-on pu poser la question à François Hollande, venu, contre toute attente, faire une visite au Mans juste avant la course. Sa réponse aurait été embarrassée, tout comme le protocole, en charge de donner du sens à cette cérémonie. Pour encourager la production automobile française ? La seule marque présente fabricant des voitures en France était Toyota, à qui François Hollande a d’ailleurs rendu visite. Pour encourager les constructeurs français peut-être ? Le seul présent au Mans était Alpine, mais à travers une sympathique équipe privée, à qui François Hollande a d’ailleurs rendu visite. Et la voiture est motorisée par Nissan et le dernier modèle de la marque est sorti d’usine il y vingt ans. La nouvelle arrivera l’an prochain et chez Renault, on nous a déjà annoncé que la voiture ne concurrencera pas Porsche. On l’aurait deviné.



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