Les éditos de Paul Belmondo [de la compétition à la série, de la série à la compétition]

La techno de ces F1 hybrides va servir à coup sûr la recherche pour les voitures électriques de route

Une fois de plus, la Formule 1 nous aura surpris. Tandis que les plus pessimistes envisageaient un record d’abandons sur le premier grand prix de la nouvelle ère, seules sept voitures n’ont pas rallié l’arrivée, dont deux pour cause d’accidents. Tout le monde l’a bien compris, la discipline reine du sport automobile a été techniquement bouleversée durant l’intersaison, et les changements qui ont été imposés aux concepteurs relèvent  pour moi de la même importance que le passage du moteur avant au moteur arrière à la fin des années 50.  S’il faut donc louer la performance des ingénieurs, l’important n’est pas (seulement) là. Depuis toujours, je suis régulièrement confronté dans ma vie de sportif à deux mondes qui s’opposent. A tort. Depuis que je suis en âge de me déplacer, j’ai dû parcourir à peu près autant de kilomètres à vélo que dans une voiture de course. En tant qu’usager, je peux me qualifier d’écolo modéré, par opposition aux intégristes de tous poils, qui font plus de mal que de bien à la cause qu’ils sont censés défendre. Si la réduction des émissions polluantes dans le monde se joue sur les comportements, l’aspect technique reste primordial. Et le travail que viennent d’accomplir les trois motoristes de la Formule 1, ainsi que l’ensemble des aérodynamiciens des onze équipes, a permis de réduit d’un tiers (oui, un tiers !) la consommation des monoplaces de grands prix. La prouesse est telle que les monoplaces parviennent maintenant à alimenter un moteur électrique de 160 chevaux. Incontestablement, ces recherches  vont servir la cause des voitures de série les plus propres. Des recherches fort coûteuses, financées par Mercedes, Ferrari et Renault, mais surtout par les pourvoyeurs de fonds du monde de la F1 : sponsors, télévisions (et donc leurs abonnés), spectateurs, organisateurs… Les écolos, en mode ayatollah peuvent toujours hurler, c’est ainsi, et c’est très bien.

Si les enseignements de la compétition servent souvent la voiture de série, il en va de même dans l’autre sens. Echange de bons procédés entre les deux grandes familles de techniciens de l’automobile, la Formule 1 ayant bénéficié de quelques grandes inventions, tels le pneus radial, les aides à la conduite électroniques, les freins à disques ou le moteur arrière. Mais en termes d’efficacité sur piste, il a toujours existé un abîme entre les deux, qui, à ma grande surprise, est en passe de se réduire considérablement. Ainsi, les autos essayées ce mois-ci dans Car Life m’ont encore bluffé. Il n’y a pas si longtemps, rouler sur un circuit avec un modèle de série constituait un exercice peu fatigant pour le pilote, la fin de la récré étant signifiée après deux petits tours : freins en feu, pneus à la toile, suspensions à l’agonie et température d’eau dans le rouge. Depuis quelques temps, certains modèles très sportifs peuvent être utilisés intensivement sur piste sans problème. Les nouvelles boîtes de vitesses à commande séquentielle, les pneus à taille ultra-basse ou les freins en carbone-céramique, rapprochent les aptitudes d’une GT de route de celles d’une GT de course. Ce qui est nouveau pour moi, c’est de constater que même des berlines, lourdes et volumineuses, parviennent à se comporter de façon très convaincante sur piste en termes de performances, et même honorablement sur l’endurance. Les constructeurs l’ont bien compris, la route n’étant plus depuis longtemps un terrain de jeu pour voiture de sport, il leur faut adapter la voiture de sport à son nouvel environnement, le circuit. Désormais, le mode de consommation pour les amateurs de belles autos est : la route pour se déplacer, la piste pour se faire plaisir.

Pollution, suite, mais pas fin (hélas). Petite anecdote, riche de sens, racontée par notre éditeur, Thierry Soave, qui partage son temps entre Paris et à Val d’Isère : « Déjà, quand je prends les bus à Paris, ou que je les suis à vélo, je ne comprends pas pourquoi ils ne fonctionnent pas à l’électricité. Mais quand je vais à la montagne, c’est pire ! Là-bas, comme tout le monde, j’emprunte la navette qui  ramène les skieurs ou les piétons d’un bout à l’autre de la station. Et évidemment, ici aussi, il s’agit d’un bon gros diesel du siècle dernier. Sympa l’air pur à la montagne. Bref, à la fin de chaque rotation, le bus reste arrêté une dizaine de minutes. Et là, de façon assez incroyable, les chauffeurs laissent tourner leur gros moteur bien puant durant tout ce temps ! Mais ce n’est pas le pire. Lorsque j’ai demandé à l’un d’eux pourquoi il ne coupait pas le contact, il m’a répondu, plutôt aimablement d’ailleurs, mais assez étonné : « pour quoi faire ? ».  Et il y en a une dizaine comme ça, dans toute la station, en service 18 heures par jour ».  L’environnement, une affaire de technique ET de comportement disais-je plus haut.



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