Eléna Lucas
Comment Peugeot a écrit sa légende au Dakar

Nous sommes dans les années quatre-vingt. Le Paris-Dakar connaît un succès phénoménal. C’est même pratiquement le seul événement sportif du mois de janvier. Peugeot va y construire sa propre légende, mais aussi celle du Dakar.

  • 1986 : L’engagement

Non, l’engagement de Peugeot en rallye-raid ne doit à aucune stratégie marketing élaborée cinq ans auparavant. Pas plus qu’à une volonté de mettre en avant un modèle dans la gamme,q 205 commençant à être en fin de carrière. Souvenez-vous, en 1986, les Groupe B, sont à leur apogée dans le championnat du monde des rallyes. Il s’agit de monstrueuses voitures de course, dont les performances en font de véritables Formule 1 de la route : quatre roues motrices, 890 kg et près de 600 chevaux ! Du spectacle, des succès d’audience, jusqu’à une série de drames, avec en point d’orgue, la mort d’Henri Toivonen et de son coéquipier Sergio Cresto au mois de mai, sur les routes du Tour de Corse. La Fédération agit à chaud et décide de supprimer purement et simplement les voitures du Groupe B ! Avec une incroyable réactivité, Peugeot Sport, sous la direction de Jean Todt, décide de reconditionner ses 205 et de les aligner sur le Paris-Dakar qui s’élance à la fin de la même année. Un défi technique, sportif, humain et surtout technocratique dans une entreprise de la taille de PSA. Inimaginable aujourd’hui d’imaginer un grand constructeur se lancer dans un programme d’une telle envergure sans aucun recul.

  • 1987 : Ari est vivant
Bernard Giroux, le copilote, Jean Todt, le patron, et Ari Vatanen… le miraculé.

Le retour à la vie d’Ari Vatanen est déjà miracle. Celui de le voir reconduire en est un deuxième et il n’y a pas de mot pour décrire ce que représentent toutes les victoires qui ont suivies son terrible accident de 1985 en Argentine. Qui plus est, obtenues dans les disciplines parmi les plus dangereuses, telles Pikes Peak et le Dakar. Ainsi, après dix-sept mois de rééducation, le grand blond s’aligne comme débutant dans l’édition de 1987. Les vieux grognards de l’épreuve sont admiratifs, mais aucun ne donne la moindre chance à un attaquant sur ce type de terrain, qui plus est sans expérience de l’Afrique. Le grand Ari donnera raison aux sceptiques dès le premier jour… avec un accident sur le prologue, qui le relèguera à la 274ème position, avant d’effectuer une remontée épique qui le conduira à la victoire. La première d’une série de xx avec Peugeot, puis Citroën.

  • 1988 : Vol de voiture à Bamako
La voiture d’Ari Vatanen tente de se cacher sur cette photo, saurez-vous la retrouver ?

Très certainement l’histoire la plus rocambolesque du Dakar, qui en aura pourtant connu. Au matin de janvier 1988, dans le paddock improvisé de Bamako, la 405 T16 du leader, Ari Vatanen, a disparu, avant d’être retrouvée sur un parking, mais trop tard pour éviter le mise hors course ! Aucune des questions posées à cette époque n’aura trouvé de réponse : il est impensable que quiconque, extérieur à l’équipe Peugeot, ait pu démarrer tranquillement la voiture, ou pire la charger sur un plateau, sans que personne ne s’en aperçoive. Mais si tout le monde suspecte une manœuvre interne, personne n’est capable d’avancer le moindre mobile : à qui profite le crime ? A personne, surtout pas à Peugeot, qui se prive d’une victoire de la nouvelle voiture, ni à la concurrence, reléguée très loin derrière les autres voitures du Lion.

  • 1988 : La voiture d’assistance l’emporte
Kankkunen, à gauche, était venu pour faire de la mécanique. Il va gagner l’épreuve.

Si la 205 l’emporte cette année-là avec Juha Kankkunen (à gauche sur la photo) à son volant, tout le monde a oublié qu’elle n’était engagée sur l’épreuve que pour servir d’assistance rapide aux deux nouvelles 405 T16. Las, celle de Ickx sera retardée et celle de tête, pilotée par Vatanen, sera volée au bivouac de Bamako ! Retrouvée au milieu de la matinée, mais trop tard pour éviter la mise hors course, elle laissera la victoire à la grand-mère 205. Une de plus, mais la dernière cette fois.

  • 1989 : Pile ou face
Jacky Ickx, en route vers la défaite.

La pièce de 10 francs la plus célèbre de l’histoire du sport automobile. Rappel : depuis le début de l’épreuve, Vatanen et Ickx, les deux pilotes de pointe de l’équipe Peugeot, se tirent une bourre phénoménale, mais pas au même rythme. Considérant Vatanen imbattable en vitesse pure, Ickx, fait parler son expérience et roule vite et « sûr », quand le Finlandais roule très vite avec un minimum de précautions. Ainsi, à x jours de l’arrivée, le Belge est toujours en tête, mais Vatanen remonte inexorablement, réalisant au passage quelques tonneaux qui ne l’ont pas beaucoup calmé. Inquiet de voir les deux voitures abandonner, Jean Todt décide de figer les positions à partir de Gao. Mais plutôt que donner la victoire au leader du moment, comme le voudrait la logique, il décide de procéder à un tirage au sort de la façon la plus simple qui soit : pile ou face. De quoi écrire à moindre frais (les 10 francs n’ont même pas été dépensés) une page de l’histoire de Peugeot et du Dakar dont on reparlera encore dans 100 ans.



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