Thibaut Mortier
Auto et rock : l’accord parfait

Considéré comme l’un des tout premiers morceaux de rock’n roll, Rocket 88 est aussi l’un des premiers hommages rendus par des musiciens à l’automobile. Ce titre attribué à Ike Turner marque le début d’une passion durable entre deux univers qui ont au moins en commun deux aspirations : la quête de la performance et le goût de l’adrénaline.

Le king, sa Cad, un cop, une prune ! Fou de voitures, Elvis aimait dire qu’en cas de ruine, il pourrait se reconvertir en garagiste.

Sans belles voitures, pas de rock’n’roll qui tienne. Vous imaginez Elvis et ses Blue Moon Boys partant en tournée dans un pick-up miteux, usé jusqu’aux pistons, chargé de foin et d’outils agricoles pour aller chanter Bouse Hotel ? Trop pas, comme diraient les “djeuns”. Le rock’n roll et l’automobile, c’est plus qu’une love affair, c’est une passion. Le premier aura aimé la seconde autant que la seconde aura aimé le premier. Durant les années 50, un vent de liberté souffle sur la jeunesse américaine. Quoi de mieux pour l’incarner que le rock’n’roll et les bagnoles ? Cette atmosphère, Eddie Cochran en rend parfaitement compte dans Somethin’ Else : “Worked hard and saved my daugh/I’ll buy that car that I’ve been wanting so/Get me that girl and we’ll go riding around/We’ll look real sharp with the flight top down”. (J’ai travaillé dur et j’ai mis du blé de côté/Je vais m’acheter cette voiture que j’ai tant désirée/Attrape-moi cette fille et nous irons nous balader/On aura l’air classe avec la capote baissée).

AMERICAN DREAM

Le King lui-même affirmait qu’en cas de ruine, il pourrait toujours se reconvertir en garagiste. Chez Cadillac s’entend. S’agissant du rapport qu’Elvis entretenait avec les voitures de la marque, on peut parler d’obsession. Sa première Cadillac, la “pink & white” achetée en 1955, qui fait office de bus de tournée avec son rack d’instruments sur le toit, finira carbonisée sur une route de l’Arkansas. Suivront une Cad’ Fleetwood Series 60, bleue à toit noir, repeinte en “rose Elvis”, qu’il offrira à sa mère, une Fleetwood Series 75 Limousine, une Eldorado… Au point que le parking de sa propriété, Graceland, prendra des airs de concession Cadillac. Puis viendra le temps des infidélités, entre Mercedes 600, Rolls Phantom V et l’une de ses préférées durant les années 70, la Stutz Blackhawk.

Quoique davantage tourné vers Chevrolet, Bruce Springsteen adresse, trois décennies plus tard, un clin d’œil au King avec Pink Cadillac : “Well honey it ain’t your money/Cause baby I got plenty of that/I love you for your pink Cadillac” (Eh bien chérie c’est pas pour l’argent/Je suis pété de thune/Je t’aime pour ta Cadillac rose). D’ailleurs, le “Boss” n’est pas le moins barje parmi les dingues de voitures. En témoigne sa discographie. Il y a Racing in the Street : “Tonight, tonight, the strip’s just right/I wanna blow ‘em off in my first heat. (Ce soir, ce soir, la piste est idéale/Je veux les mettre dans le vent dès le départ). Mais aussi Stolen Car, Chevrolet Deluxe, Used Cars

De Janis Joplin, avec sa Porsche psychédélique, à ZZ Top (“The Eliminator”), en passant par Keith Richards, John Lennon et tant d’autres, la relation fusionnelle qui caractérise l’histoire du rock et de l’automobile n’a jamais connu que des hauts. D’ailleurs, les rappeurs ont efficacement emboîté le pas aux rock-stars. Prenez Snoop Dogg, chagriné il y a quelques années de n’être pas encore propiétaire de la nouvelle Chrysler 300C ; 50 Cent, prêt à tout pour acquérir la nouvelle Dodge Charger ; ou encore The Game, trop heureux de posséder le dernier Range Rover V8 Supercharged. Sans parler de NTM et du cultissime “Ça se passe à l’arrière d’une Merco Benz Benz Benz

UN V12, WHAT ELSE ?

Et puis il y a le bruit. Le son d’un douze-cylindres Ferrari ne vaut-il pas un concert de hard-rock ?”, interrogeait l’auteur et journaliste Alain Dister* dans un entretien chez Gallimard. “En tant que musicien, j’ai un faible pour le son du douze-cylindres, c’est ce qu’il y a de plus magique au monde”, assurait Eric Clapton, alors en visite à Maranello, à Stefano Lai, directeur de la communication chez Ferrari. “Quand je compose […], j’ai du mal à prendre du recul […]. Je suis hanté par le souci de la perfection. Et je pense que c’est la même chose pour Ferrari.” Le destin parallèle du rock’n roll et de l’automobile ne serait donc qu’une histoire de quête. Quête de la perfection, quête de la mélodie, quête de la performance, quête de l’adrénaline, sur circuit comme sur scène. Il en est ainsi quelques-uns qui, entre deux tournées, vont chercher des sensations sur des tracés plus ou moins légaux. Côté outlaws, c’est le cas de Jay Kay (Jamiroquai), apôtre de la marque au cheval cabré et de la Gumball 3 000, rallye sauvage à travers l’Europe. Côté “dans les clous”, on citera, Brian Johnson, le chanteur d’AC/DC (lire encadré ci-contre). Larry Ligas, qui court dans la même écurie que lui, livre ce commentaire : “Il pilote des voitures de course comme il fait de la scène : avec Brian, c’est tout ou rien !”**

Aujourd’hui encore, rock’n’roll et voitures roulent de front. Mais cette fois, il est question de survie ! Les majors du disque comme l’industrie automobile sont secouées par de profondes mutations. La première s’est laissée déborder par l’essor des nouvelles technologies tandis que la seconde doit faire face à la hausse des cours du pétrole et à la pression des écologistes. Pour autant, les rock-stars semblent peu s’en soucier. A l’abri du besoin pour le restant de leurs jours, elles s’adressent à des marques de luxe qui, visiblement, ignorent la crise. Il est donc peu probable que l’une d’entre elles en vienne, comme Janis en son temps (mais sur un ton ironique), à implorer le seigneur pour se voir offrir une Mercedes Benz…

* Alain Dister est l’auteur de Vivre vite. Chroniques de la course automobile (Gallimard). (**) Extrait d’une interview à CNN.

MICK JAGGER

Avant, après. Le leader des Rolling Stones pose fièrement devant son Aston DB5, avant de l’érafler méchamment dans la circulation londonienne. Un peu rock’n’ roll comme conduite Monsieur Jagger.

JANIS JOPLIN

Paix et amour garantis avec cette Porsche 356C. C’est en 1968, deux avant sa mort, que la chanteuse de blues-rock acquiert ce modèle. La fête psychédélique bat alors son plein. Après son décès, la voiture reviendra à son producteur, Albert Grossman, puis à la famille de Janis, qui la restaurera.

NICK MASON

Le batteur de Pink Floyd figure parmi les plus férus de voitures. L’aérodrome qui lui sert de parking renferme des perles rares : McLaren F1 GTR, Porsche 962, Ferrari 250 GTO, etc. Pilote reconnu, notamment pour ses participations aux 24 Heures du Mans, et auteur de Passion for Speed, il vient de s’associer avec IGA Automobile, fonds d’investissement spécialisé dans les modèles d’exception. Passion, quand tu nous tiens.

VAN HALEN

Ci-contre, la Ford Phaeton 1932 vue dans le clip Hot For Teacher (1985).  Une fois le chanteur David Lee Roth parti mener carrière en solo, on verra également son cabriolet Mercury 1951 faire une apparition dans la vidéo California Girls. Pour l’anecdote, c’est grâce à son garagiste que le guitariste Eddie Van Halen trouvera son nouveau chanteur, Sammy Hagar. Ça ne s’invente pas !

CHRIS REA

Comme certains de ses pairs,
l’auteur de The Road To Hell est
aussi pilote de course. C’est au volant de cette Ferrari 308 GT4 qu’on l’a vu participer au championnat Ferrari Formula Classic. On lui doit par ailleurs un long-métrage La Passione, dans lequel un adolescent des sixties découvre l’univers de la compétition automobile.

JAY KAY

Le leader de Jamiroquai a dans son garage tout ce qu’il faut pour ouvrir un musée Ferrari : Enzo, 550 Maranello, 250 GT Lusso, 275 GTB, F430 Scuderia, ainsi qu’une F40 et une 330 GT Vignale parmi ses dernières acquisitions. Pour rappel, il était aussi propriétaire d’une Lamborghini Diablo qui, après avoir fait une apparition dans le clip Cosmic Girl, allait finir à la casse. Durant le tournage, Jay Kay l’avait en effet prêtée à l’un des cascadeurs…

JOHN LENNON

Non moins baroque que la Porsche de Janis Joplin, la Rolls Phantom V de John Lennon. Acquise en juin 1965, elle accusait 3 tonnes sur la balance pour 5,70 m. Un monstre tel qu’il fit office de bus de tournée pour les “quatre garçons dans le vent” de 1966 à 1969. Ce avec tout le confort nécessaire ; télé, téléphone, sono, frigo. Le premier mobile-home signé Rolls-Royce.

ZZ TOP

Roulez, éliminez… Ne l’appelez pas Ford Coupé 1933, mais “The Eliminator”. Au même titre que les barbus de ZZ Top, cet engin est une star puisqu’il apparaît sur la pochette de l’album éponyme (1983), mais aussi dans plusieurs de leurs clips dont le désormais classique Gimme All Your Lovin’. La voiture connaîtra un tel succès que Billy Gibbons demandera à la firme California Street Rods de la dupliquer pour satisfaire les fans.

BEACH BOYS

Si elle avait des ailes, mec, je sais qu’elle pourrait voler…” Connu sous le nom “Little Deuce Coupe”, cette Ford de 1932 figure sur l’abum éponyme des Beach Boys paru en 1963. Acheté 75 dollars par un certain Clarence Catallo, ce modèle fit l’objet d’un long travail de customisation, notamment chez les Alexander Brothers du côté de Detroit, Michigan, et accueillit sous son capot un V8 emprunté à une Oldsmobile de 1956.

BRUCE SPRINGSTEEN

Fort du succès en 1975 de l’album “Born to Run”, The Boss s’offre cette Chevrolet Corvette 1960  que l’on retrouvera à plusieurs reprises sur ses pochettes d’albums ou de singles. Springsteen est un peu à Chevrolet ce qu’Elvis fut à Cadillac : un concessionnaire en puissance ! “J’ai une Chevy 69 avec un 396/Têtes de cylindre huilées et levier Hurst au plancher”, chantait-il…

KEITH RICHARDS

Si vous aviez conduit cette Bentley Continental Flying Spur S3, comme le guitariste des Stones avait coutume de le faire, vous seriez en train de suivre un stage de récupération de points tout en vous demandant comment payer les dizaines de milliers d’euros pour les dégâts causés. Peut-être même au poste puisque “Blue Lena” (ainsi nommée en hommage à la chanteuse de jazz Lena Horne) était dotée d’un compartiment secret
pour la came…

ERIC CLAPTON

V12 3 l, 240 ch : le portrait tout craché de la chouchoute du guitariste anglais, j’ai nommé la Ferrari 250 GT Lusso, variante élégante de la 250 GT. Bien sûr, ils sont quelques-uns sur la planète à pouvoir se targuer de posséder les plus beaux modèles Ferrari, mais “God” est sans doute l’un des meilleurs clients de la marque. Dernier “caprice” en date : une 458 Italia.

Le Top 15 de Car Life

Brand New Cadillac, Vince Taylor (1959)

No Particular Place To Go, Chuck Berry (1964)

Drive My Car, Beatles (1965)

Mustang Sally, Wilson Pickett (1966)

Jaguar, The Who (1967)

Rockin’ Down The Highway, Doobie Brothers (1972)

Ol’ 55, Tom Waits (1973)

I’m In Love With My Car, Queen (1975)

Little Red Corvette, Prince (1983)

Look At That Cadillac, Stray Cats (1983)

Drive, The Cars (1984)

Go Lil’ Camaro Go, The Ramones (1987)

Stupid Car, Radiohead (1993)

The Distance, Cake (1996)

Camaro, Kings Of Leon (2007)



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