Eléna Lucas
Acheter une ancienne : 10 idées reçues, à appliquer… ou pas

La voiture ancienne ? Certainement le bon moment pour faire le grand saut. Et comme les vendeurs le savent bien, c’est donc également la bonne période pour se faire avoir. Après avoir consulté notre guide des 100 voitures qui ont fait l’histoire, voici le guide des conseils d’achat, dont la première règle est de se méfier des idées reçues.

Avant, après. Un grand classique du rêve automobile : acheter une épave et reconstruire SA voiture. Mais entre les deux, souvent un cauchemar et une fortune dépensée.

Vous le savez certainement pour l’avoir constaté au fil des numéros, Car Life fait partie des amoureux de la voiture ancienne. Et, avouons-le, pour toutes les raisons, les plus nobles bien sûr, telles la beauté des lignes, l’histoire des marques, la nostalgie liée à telle ou telle époque, la nature des matériaux utilisés, mais aussi les plus bassement mercantiles, avec en perspective l’objectif de réaliser une confortable plus-value à la revente. Un thème récurrent sur ce marché, où l’on parle plus souvent d’argent que de style ou de technique. Au-delà de la nature de l’homme, immanquablement portée sur les aspects matériels, l’une des explications tient certainement au fait que l’automobiliste -particulièrement dans notre pays-, passe également plus de temps à pester après les différentes taxes ou les nouveaux radars, qu’à prendre du plaisir derrière un volant. Alors, évidemment, s’enrichir en roulant, dans une opération vierge de toute fiscalité, constitue la revanche absolue, le rêve ! Oui, c’est bien le terme : un rêve, car la réalité n’est pas toujours si idyllique.

1. Se servir de ses erreurs passées

Une Lamborghini Espada dont personne ne voulait il y a peu de temps.

NON !

« Ah, pourquoi n’ai-je pas acheté une Dino 308 GT4 vue en annonce 25 000 € il y a peu ? C’est 70 000 € aujourd’hui ! » Ou encore : « comment ai-je pu rater cette Espada à 30 000 € en 2010. Maintenant, impossible d’en trouver une à moins de 100 000 € ». Ce que tout le monde oublie, c’est que ces voitures n’ayant jamais eu le moindre avenir en collection, il était quasiment impossible d’en trouver une en bon état. Logique, jamais les propriétaires de ces modèles n’étant assez fou pour dépenser quatre à cinq fois leur valeur pour les remettre en état concours. Les opportunités d’il y a quelques années dont nous parlons aujourd’hui avec regret n’étaient donc, le plus souvent, que des épaves roulantes et ne vaudrait que 10 ou 20% de plus aujourd’hui dans le même état. Car depuis, ces grands-mères ont été refaites à grands frais : histoire de bien habiller la mariée comme on dit.

Alors, si aujourd’hui une très belle Espada se vend 100 000 €, il y a des fortes chances que le propriétaire ait dépensé au moins cette somme, et certainement bien plus, en restauration, y compris le coût de possession (assurance, stationnement, roulage minimum, réparations, entretien…) durant cette période. Donc aucun regret à avoir, autres que ceux portant sur des voitures exceptionnelles, dont la valeur déjà élevée autrefois, n’a fait que se multiplier depuis. Mais là aussi, qui avait la moelle, il y dix ans, de mettre 100 000 € dans une Dino 246 (350 000 € aujourd’hui), non badgée Ferrari et dotée d’un modeste V6 que l’on retrouve chez Fiat et Lancia ? Idem pour la plupart des Porsche, ultra-répandues, ou des fragiles et fort coûteuses Aston Martin et Maserati des années soixante, qui atteignent aujourd’hui des sommets certainement durables. Peu de monde, assurément, et il y a donc une certaine logique à voir la fortune sourire à ces audacieux.

2. Acheter une youngtimer

Une jolie Aston DB7. Vendue trois fois rien aujourd’hui, mais sur laquelle l’entretien et les réparations restent des postes ruineux.

BOF, BOF…

Déjà, précisons la définition -disons l’usage, car il n’existe rien d’officiel en la matière- du terme youngtimer, qui est régulièrement associé aux voitures populaires des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Pour nous, il s’agit de toutes les autos de cette période, sans distinction de catégorie, y compris donc les hauts de gamme : des GTI, des R21 Turbo ou des 2CV, mais aussi des Aston Martin DB7, des Ferrari 328 et Mondial, des Porsche 964 et 993, des Venturi, des BMW M3 première série, etc. L’autre grande tendance est de considérer systématiquement les voitures de cette époque comme des valeurs montantes, à acheter toute affaire cessante. En clair, si une belle classique des années soixante ne valait rien il y a vingt ans, et 100 000 € aujourd’hui, il en sera de même avec un modèle des années quatre-vingt… dans dix ans. Vous suivez ?  Raisonnement un peu primaire, qui consiste à appliquer les mêmes préceptes à chaque période de l’histoire.

Déjà, parlons de la voiture en elle-même avant de philosopher sur ce qu’elle représente et ce qu’elle vaudra peut-être à l’avenir. En coût d’usage, ces autos n’ont rien à voir avec les anciennes, dont la mécanique, simple, les rend très faciles à entretenir.  Bien sûr, le prix des pièces reconstruites pour ces dernières n’est pas vraiment bon marché, mais au moins les trouve-t-on, ce qui n’est pas toujours le cas pour les youngtimers. L’autre gros problème lié aux voitures récentes, c’est le plastique, omniprésent, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui vieillit mal, jaunit, craque, se déforme, casse, et dont la seule solution pour lui redonner un aspect acceptable… est de changer la pièce. Ce qui peut rapidement atteindre des sommets financiers.

Bien entendu, l’électronique constitue une source de problème supplémentaire : injection électronique, ABS, airbag, suspensions pilotées… Là aussi, rien ne se répare, tout se change.

Ou même tout simplement la multiplication des moteurs électriques : commande des vitres, de la centralisation des portes, des sièges, du toit ouvrant… Ceci ajouté aux différents équipements ou gadgets tels les sièges chauffants, l’ordinateur de bord, la climatisation, les capteurs de pluie, les calculateurs…

Et la mécanique elle-même apporte son lot de soucis tôt ou tard inévitables : suralimentation, échangeur de refroidissement, courroie de distribution, différentiel complexe, distribution variable… Bref, dites-vous bien une chose : à un moment ou à un autre, chaque organe d’une voiture finit par poser problème et plus vous multipliez leur nombre, plus vous devrez procéder à des réparations. Ainsi, comparer les coûts d’entretien d’une Austin Healey à ceux d’une Porsche 928 S, d’une Jaguar Type-E à une Renault 5 Turbo 1, ou même d’une Dino à une Ford Sierra Cosworth, tourne systématiquement en faveur de l’ancienne dans des proportions qui peuvent aller du simple au double, au triple, et parfois même plus ! Au-delà de la durée de vie des pièces, de leur multiplicité et de leur indisponibilité, n’oubliez pas que le garagiste ou le carrossier ne paie pas moins cher ses mécaniciens, ni sur les salaires, ni sur les charges sociales, sous prétexte qu’ils travaillent sur une Citroën BX et non pas sur une Porsche Carrera RS, d’ailleurs, plus simple à réparer !

Alors, acheter une youngtimer à petit prix reste un bon placement, à condition de faire beaucoup de choses soi-même sur la voiture, d’avoir beaucoup de temps pour dénicher des pièces d’occasion, d’avoir un copain garagiste et de ne pas acheter une épave à restaurer entièrement. Pas cher, mais coûteux comme je dis souvent…

3. Acheter une auto et la mettre sous cloche

Quand une voiture roule, elle s’use. Et quand une voiture ne roule pas, elle s’abîme. Pas facile la condition de propriétaire de voiture ancienne.

SURTOUT PAS !

Voici la principale erreur commise par les spéculateurs. Ceux qui investissent dans des valeurs sûres en se contentant de mettre la voiture dans un garage, parce qu’ils n’y connaissent rien et ne veulent pas abîmer leur placement, d’attendre trois ou quatre ans et de la revendre ensuite après avoir constaté une plus-value de 40% à 80%. Bien sûr, le calcul n’est pas le bon, car une auto n’est ni un meuble, ni un tableau, mais un objet vivant. S’il est clair qu’une auto qui roule coûte de l’argent et perd de sa valeur, une auto qui ne roule pas conserve sa valeur… mais coûte encore plus cher ! Eh oui. Une belle oubliée restée stockée dans un garage se dégrade dans de terribles souffrances. Quelques exemples ? Tous les flexibles durcissent, car ils sont faits pour fonctionner à hautes températures ; de la condensation se forme dans le réservoir d’essence qui rouille de l’intérieur ; il faut donc conserver au moins une moitié de plein, mais le carburant lui-même perd de ses propriété après six mois et doit être vidangé (ou mélangé avec du nouveau à condition de le consommer à un moment ou à un autre !) ; les différentes courroies se déforment et risquent de casser au démarrage (ceci entrainant le bris du haut moteur minimum dans le cas de la courroie de distribution) ; les pneus deviennent plats à l’endroit resté en contact avec le sol ; la batterie meurt ; à très long terme, le moteur peut rester bloqué, tout comme les freins ; l’habitacle moisi en cas d’absence de ventilation. Etc. Alors, les seuls à connaître réellement le bilan financier d’une voiture ancienne ne sont, ni les commissaires-priseurs, ni les marchands professionnels, mais les propriétaires, qui eux paient tous les ans leurs charges fixes. Ainsi, un collectionneur ayant plusieurs voitures doit tenir un tableau de marche de ses véhicules pour les sortir régulièrement, de l’ordre d’une fois tous les deux mois, afin qu’ils ne s’abîment pas trop.

4. Acheter une ancienne pour ses performances

Une Ferrari 250 GT tourne moins vite sur circuit qu’une Seat Ibiza Cupra.

COMPLETEMENT IDIOT

Ca paraît évident, pourtant, nombreux sont ceux qui se font piéger aux débuts de leur carrière de collectionneur. Ausculter la fiche technique d’une voiture ancienne et l’acheter pour ses performances est d’une absurdité sans nom. Attention, nous ne disons pas qu’une ancienne ne doit pas être musclée, simplement, il ne s’agit absolument plus de son point fort. C’est même ce qui a le plus vieilli sur les voitures, et ce qui fait son charme. Déjà, une grand-mère, du fait de son âge, n’est évidemment plus capable de réaliser les mêmes prouesses que cinquante ans auparavant. C’est même criminel d’imposer des crissements de pneus ou une conduite brutale à une Jaguar XK120 ou une Alfa Montreal. Quant à la comparer à ce qui se fait aujourd’hui, ceux qui possède une vieille Ferrari ou une Porsche 911 des premières générations savent très bien que la moindre Seat Ibiza de 2018 passera beaucoup plus vite dans un virage et accélèrera même plus fort s’il s’agit de la sportive de la gamme. Pire, une R8 Gordini se fera manger au feu vert par n’importe quel SUV diesel. Ce qui ne doit pas gâcher le plaisir : le point fort d’une voiture de collection est précisément de procurer des sensations dès 80 km/h, là où il faudrait rouler à 200 km/h avec une Audi TT pour obtenir la même chose.

Et attention à l’aspect sécurité. Un accident avec une ancienne produit des conséquences catastrophiques.

Pour ceux qui veulent absolument se faire plaisir au volant d’une ancienne, il existe des courses spécialisées dans cette activité (Le Mans Classic et autres séries), mais au volant de voitures préparées pour l’occasion, ou carrément de véritables modèles de compétition. Le plaisir est bien là, unique même par rapport aux caractère aseptisé d’une voiture moderne, mais à condition de ne pas comparer les chronos avec ceux des autos de compétition actuelles. Attention là aussi, ces bolides ne présentent pas les mêmes garanties de sécurité que les voitures de compétition modernes, loin s’en faut.

5. Acheter une auto à refaire revient moins cher

L’avantage d’acheter une auto à mettre « body off », c’est que vous savez ce qu’il y a dedans. Question coût en revanche, mieux avoir un copain carrossier.

Non, mais si vous pouvez, c’est mieux

C’est souvent la première grande question que se pose le futur collectionneur. Tout dépend des compétences et des relations de chacun dans le monde de la réparation, mais généralement, il est plus économique d’acheter une auto entièrement refaite, plutôt que de s’en charger ensuite. L’homme le mieux placé pour acheter une ancienne est le carrossier, car il s’agit du premier poste de dépenses en cas de restauration complète.

L’avantage d’opter pour une auto entièrement à refaire est que vous saurez exactement ce qu’il y a dedans : corrosion ou pas, accident mal réparé ou pas, état du moteur, des parties cachées sous les moquettes, etc. Un beau dossier photos et vidéos réalisé tout au long de l’opération permet d’authentifier les travaux et il y a un grand plaisir à voir son auto reprendre vie, mois après mois, entre des mains expertes et passionnées. Evidemment, le choix du restaurateur est déterminant, en qualité comme en coût. Sur ce dernier point, c’est un peu le grand n’importe quoi en ce moment, les réparateurs étant convaincus que vous allez gagner des millions grâce à leur travail et vous le font payer au prix fort. Soyez patient avant de découvrir la perle rare, car une auto mal refaite, et c’est la double peine : vous aurez payé très cher un objet invendable. Même après un travail soigné, il faudra ensuite la conserver un minimum de temps pour voir sa cote augmenter et réduire un peu le montant de l’opération. Contrairement à l’immobilier, où acheter une ruine et la transformer en villa flambant neuve permet souvent de faire une belle plus-value, revendre la voiture tout de suite après sa restauration ne permet pas de rentrer dans ses frais, à moins d’être soi-même de la partie.

6. Les allemandes ne rouillent pas

Eh oui, même les Porsche rouillent. Et pas qu’un peu.

Faux

Les anglaises et plus encore les italiennes, ont la fâcheuse réputation (justifiée) de rouiller de partout. Mais les allemandes des années soixante ou même des décennies suivantes ne font pas mieux. Une BMW 3.0 CSI rouille (surtout les bas de caisse). Une Mercedes « Pagode » rouille (sous les sièges arrière et dans le coffre). Une Mercedes SL R107 rouille (de partout). Et même une Porsche 993 des années quatre-vingt-dix, en deux endroits bien précis (bas de pare-brise côté conducteur et bas de lunette arrière à droite), du fait d’un problème d’étanchéité des joints. Donc, un seul mot d’ordre, quel que soit le modèle, quelle que soit sa réputation, quel que soit son âge, auscultez toutes les parties cachées et, idéalement, faites-vous accompagner d’un professionnel équipé du matériel idoine. Non pas pour passer votre chemin en cas d’imperfection (auquel cas, vous n’achèterez jamais rien, car aucun des modèles de ces époques n’est passé au travers de la corrosion), mais pour connaître exactement le travail à réaliser sur la voiture et la payer à son juste prix. Il faut se méfier de tout, des autos en mauvais état, comme des flambants neuves, une belle peinture pouvant cacher une misère totale.

Un bémol toutefois, les spécimens en provenance de contrées très sèches comme la Californie, peuvent avoir échappé aux ravages de la corrosion. Enfin, gardez bien à l’esprit que le monde de la voiture ancienne est composé dans son immense majorité d’authentiques passionnés, mais qu’il recèle peut-être plus qu’ailleurs (il y a beaucoup d’argent facile à gagner) de son lot d’escrocs et baratineurs en tous genres. Sous couvert d’appartenir à la grande confrérie des amateurs de voitures authentiques, ils sont capables de faire croire n’importe quoi.

7. S’enrichir en conduisant

La BB512 a vu sa cote progresser très vigoureusement durant de nombreuses années. Mais son coût d’entretien, notamment le changement régulier de sa courroie de distribution, est absolument délirant. Donc, l’un dans l’autre…

PRESQUE

Si la question est de savoir si vous allez gagner de l’argent en achetant et en revendant une auto dite de collection à intervalles régulières, la réponse est « parfois », voire « rarement ».  Il est donc temps de tordre le coup à certaines légendes qui font passer le marché de la voiture ancienne pour une sorte d’eldorado ou chacun gagne des fortunes à tous les coups. Commençons par ce qui est vrai, et comme dans toute opération financière, un peu de comptabilité s’impose. Oui, une ancienne revient moins cher qu’une grosse GT moderne, particulièrement si vous avez acheté neuf. La dépréciation de la voiture récente est tellement importante qu’elle ne peut être compensée par les régulières opérations de rénovation de la classique. Oui, la quasi-totalité des voitures de collection ont vu leur cote augmenter sans discontinuer depuis de nombreuses années. Oui, certaines ont même vu leur valeur être multipliée par deux, trois, dix, parfois en très peu de temps, mais ces success story ne concernent que quelques exceptions. Pour toutes les autres, il faut se contenter d’une (très belle) évolution comprise entre 10 et 20% par an, ou d’une progression par paliers, dans tous les cas bien supérieure à n’importe quel placement. Ce qui permet, en effet, de revendre toujours plus que ce que l’on a acheté.

Mais pour que le calcul soit juste, il faut retrancher tous les frais d’entretien et de réparation (voir chapitre 3), de restauration, d’assurance et de parking. Par exemple, les Ferrari imposent un changement de la courroie de distribution tous les trois ou quatre ans (le constructeur préconise carrément tous les deux ans !), facturé dans le réseau, entre 4 000 et 6 000 €, voire le double pour une BB512 ! Au final, se contenter de rouler à grand frais dans une auto qui prend de la valeur, avec comme objectif d’atteindre l’équilibre financier après la revente est déjà une très belle opération, impossible à obtenir avec un lave-vaisselle ou une cafetière.

8. Les pièces sont introuvables

Les constructeurs français, comme les italiens, sont relativement nuls dans la gestion de leur patrimoine. Trouver une pièce pour une bête BX (qui comme chacun sait était réputée pour sa qualité de fabrication !) s’apparente à un parcours du combattant.

CA DEPEND

Eh, oui évidemment, ça dépend. De la marque, de l’époque, du type de pièces. Si l’on doit faire quelques généralités, disons que les Allemands et les Anglais sont les plus sérieux dans ce domaine, soit par le biais du constructeur lui-même (Mercedes en est le meilleur exemple), soit par des fabricants spécialisés qui reproduisent absolument tous les organes de la voiture. Bien entendu, plus le modèle est rare, plus la pièce est difficile à trouver et chère, mais les petits constructeurs se servaient déjà beaucoup chez les gros ou chez les équipementiers : optiques, instruments de bord, commodos, essuie-glace, jantes sont souvent en commun à plusieurs modèles de grande diffusion.

Pour les anglaises les plus classiques (toute la gamme Jaguar, Austin Healey, Triumph…), aucun problème de disponibilité, et à des tarifs disons acceptables. Sauf exception : par exemple, un kit de transformation des optiques de Jaguar Série 2 en Série 1 coûte une véritable fortune. Idem pour les carburateurs Stromberg montés sur les peu puissantes versions américaines, à remplacer par les SU européens, ce que font tous les acquéreurs de voitures rapatriées des Etats-Unis ; et ils sont nombreux, car ces spécimens sont souvent épargnés par la rouille. En clair, les fabricants se basent plus sur la demande, que sur le prix de revient de la pièce, ce qui n’est pas très charitable, mais business is business.

Bonnet d’âne pour les marques françaises et italiennes (même Ferrari, ce qui est quand même inouï vu que tous les modèles de la marque sont des icônes), qui s’occupent peu ou pas de leur patrimoine, à l’exception notable de Lamborghini, longtemps réputée pour son absence totale de SAV, et qui reconstruit scrupuleusement les pièces depuis que la marque a été rachetée par… Audi. Pour les française, la difficulté concerne aussi les pièces pour des modèles de grande diffusion.

9. Ce qui est rare est cher

Les Alpine A110 étaient très répandues et ne valaient pas grand chose. Ce n’est plus vrai aujourd’hui.

ET CE QUI EST COURANT EST CHER AUSSI

Le précepte valait depuis toujours : seules les voitures rares vaudront de l’argent. Il s’agissait même du premier critère et souvent du seul pour expliquer la différence de valeur entre une Ferrari 250 GTO et une California par exemple. En réalité, les choses n’ont pas changé : ce qui est rare est de plus en plus cher. Inaccessible même. Ce qui est nouveau, c’est de voir des modèles produits à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, tels Jaguar Type-E, Porsche 911, Alpine A110 ou Mercedes SL, atteindre 100 000 € dans leurs versions les plus répandues et dépasser les 200 000€ dans leurs déclinaisons les plus désirables ou les mieux restaurées. Pour certaines, c’est même un peu stupide. On pense aux restaurations de Mercedes 280 SL « Pagode » de chez Brabus, qui atteignent pour certaines 300 000 €. Evidemment, les voitures sortent plus neuves que neuves de l’atelier, mais, du coup, elles n’ont plus aucun charme, ni odeur, ni âme. Mais, connaissant la maison Brabus qui ne travaille pas pour la gloire, il doit bien exister des clients que cela intéresse. Inimaginable il y a quelques années, ce phénomène témoigne bien de l’élargissement du marché qui a dépassé depuis bien longtemps le cadre des riches brocanteurs avisés. Le marché de la voiture de collection ne fait pas exception et obéit tout simplement à la règle de l’offre et de la demande. Le fait de pouvoir sortir cette catégorie de biens de sa déclaration d’ISF a bien porté les ventes pendant longtemps. Et lorsque la Chine s’éveillera…

10. Ne pas laisser parler ses sentiments

Que ne ferait-on pas pour un garage à jouets comme celui-ci ?..

SI !

Sur ce point au moins, pas de mauvaise surprise, c’est vous qui décidez. Ou vous laissez aller. La voiture ancienne est une histoire d’amour que l’on ne peut réellement mesurer qu’une fois la belle dans son garage. Voire une drogue dure, et il faut rester attentif à ses dépenses, car la passion peut rapidement faire basculer dans le déraisonnable, puisque toutes les pièces devront à un moment ou à un autre de la vie de la voiture, être changées ou rénovées. Sans parler de la tentation d’en acheter une deuxième, une troisième ou plus, avec à chaque fois la bonne conscience de se dire que tout ceci est également un investissement.

La métaphore est évidente, mais tellement vraie : il s’agit de jouet pour adultes. Ce qui s’explique finalement aisément. Souvent, on veut acquérir l’objet qui nous faisait rêver étant enfant, raison pour laquelle les youngtimers ont la cote auprès des quadra. Nés dans les années soixante-dix, il voit comme des icônes des modèles qui étaient invendables sur le marché de l’occasion il y a peu. La magie opère le jour où une auto dépasse ce statut d’occasion et entre au Panthéon de la voiture classique.

Plus étonnant, ces dernières années, il semble que même les plus jeunes trouvent les anciennes plus désirables que les modernes alors qu’il s’agissait depuis toujours d’une passion de sénior (pour parler poliment). Un peu le même phénomène que dans la musique. Voilà pourquoi nous terminons toujours, encore et encore, par le même conseil : n’achetez que ce que vous aimez et vous ne serez jamais déçu, que la voiture prenne de la valeur ou pas. Et laissez les spéculateurs parfois gagner un peu d’argent, souvent en perdre, mais toujours sans avoir connu l’amour.



>