Thierry Soave
Les tricheurs

A la lecture de cet article, quelques un vont forcément rougir de honte. Mais ils seront bien plus nombreux à rigoler. Qui ? Tous ceux qui, depuis que le sport automobile existe, passent entre les mailles du filet. Voici quand même un petit florilège bien garni, dans lequel le mauvais génie est mis au service de la technologie, de l’espionnage ou du coup de volant malencontreux.

And the winner is… Falvio Briatore, maître es-entourloupes en tous genres, parfaitement assumées.

Il y a quelques temps, à l’occasion d’une discussion informelle de fin de repas sur un grand prix, Peter Sauber s’épanche sur sa carrière de patron d’écurie. L’ambiance est détendue, et l’assemblée éclate de rire lorsqu’on lui demande de commenter le récent titre de Champion du monde de F1 de l’écurie Brawn Grand Prix : « aux 24 Heures du Mans 1991, Ross Brawn faisait rouler les Jaguar victorieuses engagées par TWR. Et moi mes Sauber-Mercedes. C’est bien simple, sur ses Jaguar, entre la pointe du museau avant et l’extrémité de l’aileron arrière, absolument rien n’était conforme au règlement technique. » Fermez le ban ! Pourtant le très sympathique Ross Brawn n’apparaît à aucun moment nommément dans notre sélection, mais à y regarder de plus près, au moins cinq affaires le concernent directement ou indirectement, puisqu’il est passé chez TWR donc, puis Benetton époque Briatore, puis Ferrari époque Schumacher, puis sa propre écurie (championne du monde en 2009 dans des conditions controversées du fait d’un diffuseur arrière non conforme), avant d’être racheté, puis remercié par Mercedes Grand Prix.

L’affaire Volkswagen a stupéfait le monde : il semblerait que, d’après l’opinion publique, une grande firme, qui plus est allemande, ne pouvait se livrer à des actions frauduleuses de grande envergure. L’histoire de l’automobile démontre pourtant que la folie de la compétition, qu’elle soit économique comme dans l’affaire des logiciels truqueurs, ou sportive comme dans ce récit, peut conduire l’homme à tous les excès, qu’il soit salarié d’une petite officine, ou patron d’un grand groupe.

Tricher en sport auto produit tellement d’avantages, que c’est comme jouer au foot à 13 contre 11

Ainsi, dans le sport de haut niveau, c’est le cyclisme qui concentre toutes les critiques. Mais c’est pourtant bien la compétition automobile qui détient le record absolu d’actes malveillants. Pour deux raisons majeures : il est plus facile et moins grave de trafiquer une mécanique qu’un être humain, et les écuries officielles soutenues par de grands constructeurs, disposent de moyens quasiment illimités pour atteindre le but ultime, la victoire. En face d’eux, ces industriels rencontrent souvent de simples amateurs pour débusquer les tricheurs. Comment imaginer par exemple, qu’une association comme l’ACO (Automobile Club de l’Ouest), qui organise les 24 Heures du Mans, en déficit financier chronique durant des années, ait pu mettre en place dans les années 90-2000, un dispositif de contrôle permettant de débusquer des anomalies techniques imaginées par des constructeurs qui dépensent chacun des centaines de millions d’euros pour gagner l’épreuve ? Depuis, l’ACO est devenue une très belle affaire économique et a mis en place un dispositif sérieux, mais seule la F1 dispose de suffisamment de moyens pour rivaliser avec les tricheurs. Même si j’entends encore Flavio Briatore lancer à la cantonade à propos du responsable technique de la FIA : « Ma, Charlie Whiting, il ne travaille pas à la NASA que je sache. »

La principale contribution de nos amis d’Outre-Manche en matière de fair-play consiste à avoir inventé le mot

Si dans notre sélection, la surreprésentation des tricheurs en Formule 1 par rapport aux autres disciplines, peut laisser penser qu’ils sont effectivement plus nombreux en grands prix qu’ailleurs, c’est tout simplement parce que les contrôles y sont bien plus nombreux, bien plus efficaces et bien mieux organisés. A l’inverse, pendant longtemps, le Dakar a été une sorte de no man’s land réglementaire, tant il était difficile d’effectuer des contrôles sur des concurrents éparpillés en plein désert. Les coupes sur les longues spéciales du championnat du monde des rallyes étaient également monnaie courante jusque dans les années 90.

Soyons tout de même optimistes, ou peut-être naïfs, voici de nombreuses années qu’aucune affaire n’a éclaté. Les vainqueurs de grands championnats, Mercedes en F1, Volkswagen en rallye (hum…) ou Porsche en Endurance (re-hum) dépensent tant de millions pour ces opérations d’image, qu’il serait assez stupide de prendre le risque de tout démolir pour une incartade.

Comment tricher en sport automobile : les sept tentations du diable :

  1. Le moteur : plus de puissance
  2. Le poids : moins de kilos
  3. L’aérodynamique : plus d’appui
  4. Les pneus : plus de grip
  5. Les liaisons au sol : plus de vitesse en courbe
  6. L’électronique : plus de maîtrise
  7. La stratégie : moins de temps aux stands

Dans toutes les disciplines, un règlement technique (de plusieurs centaines de pages) est édité afin de limiter les caractéristiques des véhicules et pour que l’ensemble des pilotes partent avec un semblant d’équité sportive. En toute logique, les ingénieurs cherchent à atteindre les limites et parfois de les dépasser. Ainsi, augmenter la puissance moteur, c’est un peu jouer à douze contre onze dans une équipe de foot. L’influence du poids est encore plus déterminante : si disposer de plus de chevaux permet de gagner du temps en ligne droite, réduire le poids influe en ligne droite de la même façon, mais aussi en virage, au freinage, mais aussi sur la consommation de carburant et l’usure des pneumatiques, entre autres. D’une façon générale, ce sont les astuces qui améliorent la tenue de route qui font gagner bien plus de temps qu’un moteur surpuissant. C’est à dire, les liaisons au sol, l’aérodynamique (élément de très loin le plus important sur une monoplace), les pneus (compliqué, car il s’agit d’une entreprise extérieure à l’équipe) et l’électronique permettant de réguler la motricité. Enfin, passer le moins de temps possible aux stands, ou en s’arrêtant le moins possible, peut permettre de gagner du temps précieux avec encore moins de risques.

Formule 1 – Benetton – 1994 – Launch control, antipatinage, etc.

La totale

Voici l’une des voitures qui aura certainement le plus joué avec le règlement de la Formule 1. En 1994, Benetton doit affronter les imbattables Williams, dont l’une est pilotée par Senna. Certes Schumacher a du talent, mais viser le titre à la régulière est injouable. Flavio Briatore, novice en F1, constate que la vertu n’est pas la première qualité des patrons d’équipe, particulièrement anglais, qui érigent en dogme le contournement de règlement depuis l’origine des grands prix. Des arguments qui convainquent Flavio de jouer avec le feu sur à peu près tous les aspects techniques d’une monoplace, mais pas seulement. Benetton ne se fera épingler que sur trois d’entre eux, ce qui n’est finalement pas si mal : le launch control -un système d’aide au démarrage qui permet de réaliser des départs canon-, un antipatinage -bien utile en sortie d’épingle- et une merveille de machine de ravitaillement non-conforme qui permet de gagner quelques secondes à chaque plein de carburant. Briatore est tellement fort que la FIA ne parviendra pas à condamner l’équipe, mais pour pénaliser quand même Schumacher, elle exclura le pilote allemand en milieu de saison de façon démesurée en le privant de deux grands prix dans le cadre d’une sanction sportive (non-respect d’un drapeau noir). Ayrton Senna ayant disparu tragiquement dès la troisième épreuve, ces péripéties ne l’empêcheront pas de remporter son premier titre de champion du monde face à Damon Hill lors de l’ultime course… après l’avoir sorti de la piste (voir plus loin) ! Grand seigneur (quand même), Schumi déclarera à l’issue de la saison : « Si Ayrton avait été là, il nous aurait tourné autour toute l’année ».

Paris-Dakar – Peugeot – 1988 – Voiture volée

Le voleur imaginaire

Il fallait oser. Même si, là encore, la malversation n’a jamais pu être prouvée, les faits sont accablants. La version officielle est la suivante : dans le bivouac commun de Bamako (3 000 personnes !), un voleur se serait introduit, aurait démarré (comment ?) la Peugeot 205 T16 de Vatanen et aurait demandé une rançon de 500 000 francs pour rendre la voiture à son propriétaire. La réalité ? A la mise en route au matin de l’étape, les techniciens constatent un problème moteur et concluent qu’il ne tiendra pas la distance : il faut le changer, ce qui est interdit par le règlement. Pour ne pas devoir procéder à l’opération devant tout le monde (ou tout simplement abandonner), un mécanicien se rend dans un hangar en centre-ville… au volant de la Peugeot. Manque de chance, il croise sur la route René Metge, le patron de l’épreuve ! Personne ne croit donc en cette rocambolesque histoire d’enlèvement, mais l’organisateur ne dispose d’aucune preuve et se voit mal lancer une enquête de police alors même que le départ de la spéciale est déjà donné. Finalement, la 205 miraculée se présentera au départ avec plus de deux heures de retard et finira par être mise hors course pour cette raison.

Formule 1 – BAR – 2005 – Double réservoir

Le (s) plein (s) SVP

Curieusement, en ce Grand Prix de San Marin 2005, les BAR-Honda pilotées par Jenson Button et Takuma Sato se montrent bien plus véloces qu’à l’habitude : troisième et quatrième à l’arrivée, alors qu’aucune des deux voitures n’avait pu faire mieux qu’une onzième place sur les trois premières épreuves de la saison. Pour une monoplace de course, le poids compte tout autant que la puissance. Chez BAR, on le sait bien et les ingénieurs ont conçu volontairement une auto dont le poids était inférieur de quelques dizaines kilos à la valeur légale indiquée dans le règlement. Etant impossible pour les commissaires techniques de peser la voiture pendant qu’elle roule, c’est après l’arrivée que les F1 passent sur la bascule. Ainsi, pour rouler sous le poids réglementaire, le concepteur de l’auto a implanté un deuxième réservoir d’essence. Vide pendant toute la course -durant laquelle la voiture roulait sous le poids réglementaire-, il était rempli de quelques dizaines de kilos de carburant au moment du tout dernier ravitaillement et l’auto passait le contrôle technique après l’arrivée avec ce lest tardif. L’équipe se fera prendre honteusement et écopera de deux courses de suspension, ce qui n’est pas cher payé.

Rallye – Toyota – 1995 – Entrée d’air dissimulée

A bride abattue

En rallye aussi, et peut-être même plus qu’ailleurs pour des raisons de sécurité, la puissance du moteur doit être limitée. A l’époque des Groupe A, les autos étaient équipées d’un turbo doté d’une bride d’air imposée par le pouvoir sportif, ceci pour empêcher le moteur de respirer au maximum. Chez Toyota, quelques ingénieurs ont trouvé regrettable que leur Celica GT doive se heurter à une telle restriction. Ils ont donc dissimulé une entrée d’air malignement installée… après la bride, qui du coup ne bridait plus rien du tout. Le moteur de la Celica respirait ainsi bien mieux que ceux de ses concurrentes. Découverte lors du Rallye de Catalogne en 1995, cette bidouille avait fait dire à Max Mosley, alors président de la FIA, mi-scandalisé, mi-admiratif : « C’est le stratagème le plus intelligent que j’ai vu en trente ans de sport automobile. » L’équipe Toyota Team Europe sera exclue du championnat et bannie pour toute la saison suivante. L’état-major du constructeur japonais ne s’est pas fait hara-kiri pour autant. Malgré le déshonneur d’une telle sanction, Toyota reviendra en rallye dès 1997.

Formule 1 – McLaren – 2007 – Espionnage

My name is Bean, mister Bean

C’est certainement l’anecdote la moins crédible de toute l’histoire de la Formule 1. Et pourtant, tout est vrai. Nigel Stepney (photos) se sent bien chez Ferrari. Il évolue au sein de la garde rapprochée de Jean Todt et imagine qu’il va hériter du siège de Ross Brawn, qui décide en 2007 de prendre une année sabbatique. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit du poste de directeur technique de l’équipe. Une fonction qu’il n’obtiendra jamais. A partir de cet instant, Stepney va devenir fou et incontrôlable.

Première alerte, lorsqu’il est pris en flagrant délit de sabotage des propres Formule 1 de l’équipe en déversant de la poudre de lait pour bébé dans le réservoir de carburant ! Inouï. Stepney est suspendu, mais on apprendra plus tard qu’il a fait bien pire encore quelques semaines auparavant. Tandis que les informations confidentielles restent parmi les secrets les mieux gardés du monde en Formule 1, il décide de fournir des dizaines de pages de plans de la future Ferrari à Mike Coughlan, l’un de ses vieux amis, ingénieur chez… McLaren. L’affaire est découverte à la suite d’une scène surréaliste. Mike Coughlan ne trouve rien de mieux que de demander à son épouse d’aller photocopier les plans dans la boutique qui se trouve au coin de sa rue ! S’étonnant de la présence des logos « Scuderia Ferrari » et de la mention « confidentiel » sur l’ensemble des documents, le libraire décide d’alerter la police, qui remontera rapidement la filière. Au cours de l’enquête, Fernando Alonso tiendra un rôle déterminant (et pas très glorieux du reste) pour accabler McLaren, dont il était pourtant pilote et salarié, afin de se venger de sa propre écurie, qui, selon lui, favorisait Hamilton. Il transmettra à la FIA les e-mails échangés avec son compatriote Pedro de la Rosa, pilote d’essai Ferrari, dans lesquels des preuves sont apportées attestant que les dirigeants de l’écurie anglaise avaient bien eu accès aux plans de la future Formule 1. Ce que Ron Dennis et les autres niaient farouchement jusque-là. L’équipe britannique écopera de la plus grosse amende de toute l’histoire de la Formule 1, et du sport tout court : 100 millions de dollars ! Un peu exagéré peut-être, même si ce coup dur ne sonnera pas la faillite de la marque créée par Bruce McLaren en 1966.

24 Heures du Mans – Jaguar XJ220  – 1993 – Echappements non-conformes

Seule la victoire est belle

Révélateur de l’état d’esprit de ce bon vieux Tom Walkinshaw, la triche avérée des Jaguar XJ220 dans cette édition des 24 Heures du Mans permet de mesurer à quel point la fin justifie absolument tous les moyens chez la plupart des Anglais en compétition. En fait, le principal mérite de nos amis d’Outre-Manche en matière de fair-play consiste à avoir inventé le mot, certainement pour mieux nous endormir. Car tous ceux qui ont touché à la course automobile savent que les Anglais cultivent comme une fierté le moyen de, comment dire poliment, berner leurs concurrents continentaux. Chez TWR cette année-là, on trouve une belle brochette de techniciens, tous plus sympas les uns que les autres, avec comme encadrement, Tom Walkinshaw donc (ancien rugbyman) et le non moins célèbre Ross Brawn, assez bien représenté dans notre dossier (voir par ailleurs). La victoire est importante pour la marque, car la version routière de la Jaguar XJ220 est un désastre à tous les niveaux. Elle devait être produite avec un moteur V12, mais pour des questions de coûts, Walkinshaw, en charge du projet, a décidé de livrer les voitures commandées de longue date équipées d’un… V6 turbo, évidemment beaucoup moins cher à produire ! Certains clients furieux de s’être fait avoir (ils ont payé l’auto l’équivalent de 921 000 € actuels) font le déplacement au Mans pour s’expliquer. Dans ce contexte, un podium avec la XJ220 permettrait de calmer tout le monde et de redonner un peu de pédigrée à l’auto, donc de la valeur. Paul Belmondo fait partie de l’équipage d’une des deux voitures et avant même départ, le ton est donné par le boss : « nos voitures ne sont pas conformes. Nous avons notamment un pot d’échappement non catalysé qui nous donne un énorme avantage en puissance moteur. Nous allons donc gagner la course, puis nous faire déclasser au contrôle technique, mais tout le monde oubliera le deuxième épisode. Ne restera que la photo du podium. » Et c’est très exactement ce qui s’est passé !

Formule 1 – Schumacher – 2006 – Accident volontaire

Chic, un accident (1)

Les conséquences sont bien différentes de celles de l’épisode Renault à Singapour, mais l’esprit est le même. Grand Prix de Monaco 2006, dernière minute de la séance de qualification. Schumacher et Alonso se sont élancés dans cet ordre à quelques secondes d’intervalle pour leur dernière tentative de conquérir la pole position. A cet instant, c’est l’Allemand qui tient le précieux sésame. Mais, à quelques centaines de mètres de la ligne d’arrivée, il est informé par sa radio qu’Alonso, derrière lui, est en train de battre son temps. Là, aussi prompt à imaginer un mauvais coup que dans son pilotage, le septuple champion du monde décide de simuler une piteuse sortie de route dans le dernier virage, pour gêner l’Espagnol et lui faire perdre quelques centièmes quand il passera dans cette zone. Assurément l’épisode le plus pathétique de la carrière de Schumi. Cette grossière supercherie sera rapidement démasquée par les commissaires après analyse des acquisitions de données de la Ferrari, qui ne laisseront pas planer le moindre doute sur le caractère volontaire de la manœuvre, qui d’ailleurs empêchera effectivement Alonso d’améliorer son chrono. L’Espagnol sera réhabilité et Schumacher seulement rétrogradé en dernière ligne sur cette course. Pour la même manœuvre, Briatore a été suspendu à vie (avant de voir sa peine réduite) et Piquet Jr. ne prendra plus jamais le volant d’une Formule 1. Il aura vraiment fallu que l’Allemand réalise la plus grande carrière de toute l’histoire de la F1 pour qu’on lui pardonne des réactions aussi honteuses pour un sportif de haut niveau.

A noter qu’en 2014, toujours à Monaco, Nico Rosberg fera très exactement la même chose à son coéquipier Lewis Hamilton, roulant quelques centaines de mètres derrière lui. Deux différences notables : Rosberg était le plus rapide depuis le début de la séance et, surtout, il ne se fera pas prendre, ni les acquisitions de données récupérées par la FIA, ni les images embarquées, ne pouvant prouver quoi que ce soit. Il est fort probable que la guerre entre les deux anciens copains d’enfance se soit déclarée ce jour-là, Hamilton étant très surpris que son coéquipier puisse se comporter… potentiellement aussi mal que lui.

Formule 1 – Renault – 2008 – Accident volontaire

Chic, un accident (2)

En 2008, au Grand Prix de Singapour, Flavio Briatore, patron de RenaultF1, et Nelson Piquet Jr. fomentent un plan machiavélique. Malgré les efforts de Fernando Alonso, son pilote leader, l’écurie Renault ne peut lutter pour la victoire à la régulière sur aucune piste. Afin d’éviter un score vierge sur cette saison, il est décidé de mettre en place cette stratégie : durant l’épreuve, « Nelsinho » enverra sa Formule 1 dans le mur, à un endroit bien précis (là où il n’y a pas de grue d’évacuation), à un moment bien déterminé (juste après qu’Alonso aura opéré son ravitaillement). La manœuvre fonctionne à merveille : Alonso, englué au milieu du peloton, rentre au stand pour faire le plein et chausser des pneus neufs. Comme prévu, Piquet crashe sa voiture dans la foulée, l’épave ne pouvant être évacuée rapidement, la « safety-car » neutralise le peloton. Mais les monoplaces de tête n’ont bientôt plus de carburant et doivent ravitailler. Lorsqu’elles ressortent des stands, Alonso, qui a déjà fait le plein, est solidement installé en tête. Sur un circuit urbain où les dépassements sont quasi impossibles, l’affaire est pliée. Mais, tandis que des soupçons commencent à poindre chez certains pilotes (notamment Massa, arrivé deuxième), Piquet père (le retour !) s’en mêle. L’année suivante, il menace Briatore de tout dévoiler s’il ne reconduit pas le contrat de son fils. L’Italien ne cède pas et le Brésilien balance le scoop à la télé brésilienne. Une manœuvre peu habile de la part de l’ancien champion du monde, son fiston étant grillé à vie dans les paddocks après cet épisode. Quant à Flavio Briatore, nombre de managers de la F1 se sont félicités de voir enfin tomber celui qu’ils ont toujours considéré comme le roi de la « combinazione » et surtout, ne faisant pas partie du sérail. Oubliant un peu vite qu’ils ont tous fait peut-être pire, durant leur carrière. Monsieur « Naomi Campbell » sera radié à vie par la FIA. Une sanction irréaliste, qui sera ramenée à 15 000 € d’amende par un tribunal civil. En théorie, il pourrait donc revenir.

Formule 1 – Senna – 1990 – Stock car

Eliminator (1)

« Me connaissant, Prost n’aurait pas dû tenter de prendre la corde à cet endroit, il devait savoir que je ne me serai pas effacé. » A moitié clair quelques minutes après l’accident, Senna le sera bien plus, un an plus tard, lorsqu’il avouera sans équivoque avoir sorti Prost au départ du Grand Prix du Japon 1990, faisant payer au Français son action de l’année précédente sur le même circuit. Cet accident marque certainement l’apogée de la rivalité entre les deux hommes. L’une des plus célèbres de l’histoire, dépassant largement le cadre de la Formule 1. L’origine de leur différend remonte, non pas au Grand Prix du Japon de l’année précédente comme beaucoup de monde le croit, mais bien avant, au Grand Prix de San Marin 1989. Coéquipiers depuis la saison précédente (1988), Prost et Senna rivalisent d’efforts pour montrer qu’ils s’entendent bien. Au point qu’ils scellent un pacte de non-agression pour éviter un accrochage au départ : celui qui aborde le premier virage en deuxième position s’engage à ne pas attaquer le leader. A San Marin, donc, le départ se passe sans encombre, et Senna, qui avait réalisé la pole position, conserve la tête. Mais au 5e tour, Berger sort violemment de la piste dans Tamburello, virage dans lequel Senna trouvera la mort six ans plus tard. Le pilote autrichien s’en sort assez miraculeusement. Course arrêtée et deuxième départ. Senna, appliquant une logique n’appartenant qu’à lui-même, décide que le pacte n’existe plus en cas de deuxième départ. Evidemment, les pilotes qui sont restés casqués dans leur voiture ne se sont pas parlé.et Prost n’a qu’a lire dans les pensées de son coéquipier. Au championnat du monde de la mauvaise foi, le Brésilien était lui aussi bien placé. Cette fois, c’est Prost qui se montre le plus prompt et aborde le premier virage en position de leader. Confiant dans la parole donnée par son ami Ayrton, il ouvre tranquillement sa trajectoire quand le Brésilien le déboîte et s’engouffre à l’intérieur. Senna s’échappe, gagne la course et scelle l’acte fondateur de la plus grande rivalité de l’histoire de la Formule 1. A la fin de la saison, Prost sera sacré champion du monde à Suzuka, après un accrochage controversé entre les deux hommes, Senna accusant Prost de l’avoir « tassé » volontairement.

Un an plus tard, au même endroit, les rôles sont inversés : c’est Senna qui est en tête du Championnat du monde. Furieux que l’emplacement de la pole position se trouve du côté sale de la piste, il entreprend de harponner Prost au premier virage, cette manœuvre lui offrant son deuxième titre de champion du monde. Pas le plus élégant…

Formule 1 – Schumacher – 1994 – Stock car

Eliminator (2)

La Formule 1 trouve parfois des analogies avec la boxe, le meilleur moyen de gagner le combat étant de mettre KO son adversaire. Une méthode employée à deux reprises par Schumacher, et avec succès dans ce cas précis, face à Damon Hill, à l’occasion du dernier grand prix de la saison en Australie. Avant cette course, l’Allemand dispose d’un petit point d’avance sur son rival anglais. Ce dernier, deuxième depuis le départ, aperçoit une ouverture pour doubler la Benetton de Schumacher qui a loupé sa trajectoire dans le virage à gauche précédent. Mal lui en prend, puisque l’Allemand d’un violent coup de volant, vient heurter la Williams, provoquant l’abandon des deux concurrents. Classement du championnat inchangé : Schumi remporte son premier titre.

Formule 1 – Schumacher – 1997 – Stock car

Eliminator (3)

Depuis qu’il est chez Ferrari, Schumacher bataille avec les Williams-Renault, voitures les plus performantes du plateau. A Jerez, dans le sud de l’Espagne, se joue le dernier grand prix de la saison. Comme en 1994, l’Allemand y arrive avec un point d’avance sur son nouveau rival, le Canadien Jacques Villeneuve. En course, les deux hommes sont en lutte pour la victoire, avec une règle du jeu très simple : celui qui devance l’autre dans les points remporte le championnat. Mais si les deux abandonnent, Schumi conserve la tête. Un cas de figure qui ne lui a évidemment pas échappé. En course, Schumacher mène, mais Villeneuve est plus rapide et au 47ème tour, il tente une manœuvre de dépassement dans les règles de l’art. Instinctivement, sentant le titre lui échapper, l’Allemand braque vers la Williams pour la heurter et la mettre hors d’état, comme en 1994 avec la même voiture pilotée par Damon Hill. Mais cette fois, le mauvais génie est puni : la Ferrari s’échoue piteusement dans le bac à graviers, suspension avant endommagée, quand la Williams file vers le titre. Pour ce vilain geste, Schumacher sera disqualifié du championnat et n’apparaît donc pas au palmarès de la saison 1997.

Formule 1 – Tyrrell – 1984 – Poids non-conforme

Du plomb dans la tête. Et sous les fesses

Dans les années 80, le turbo fini par s’imposer en Formule 1 et en 1984, il est devenu impossible d’espérer faire un résultat sans la suralimentation magique. L’écurie Tyrrell, au lustre pas si lointain (19 victoires en grands prix depuis 1971, championne du monde avec Jackie Stewart), fait partie de ses écuries privées utilisant un moteur client, le V12 Cosworth sans turbo. Un handicap que Ken Tyrrell décide de combler à sa manière : en faisant rouler ses autos sous le poids minimum autorisé. Peu avant la fin de la course, les pilotes s’arrêtaient aux stands, officiellement pour un ravitaillement en eau destinée à refroidir les freins (les ravitaillements en essence étaient interdits cette année-là). En même temps que l’eau, des billes de plomb étaient injectées dans le réservoir, ce qui permettait à la voiture de revenir aux 540 kg réglementaires. La supercherie a été découverte en cours de saison et l’écurie Tyrrell a été disqualifiée du championnat et exclue des derniers grands prix restant à disputer.

Rallye – Audi – 1985 – Changement de voiture

Le jeu des sept erreurs

Déjà, le monde du rallye est par nature difficile à contrôler. Mais dans le cas de cette épreuve de Côte-d’Ivoire, épreuve du championnat du monde dans les années 80, c’était carrément la fête. Les voitures, éparpillées dans la brousse, obéissaient un peu au règlement que chacun voulait bien se fixer. Ainsi, l’Audi Quattro de Michèle Mouton fut-elle tout simplement remplacée par une autre (en meilleure état évidemment) entre deux spéciales. Une grossière tromperie : comme dans le jeu des sept erreurs, les photos prises avant et après, démontraient des différences manifestes au niveau des stickers, des plaques d’immatriculation et même du pare-brise. La triche ne sera finalement pas avérée, puisque la belle Michèle abandonnera avant l’arrivée.

Formule 1 – Ferrari  – 1999 – Ailerons non-conformes

L’accusé condamne le juge !

Décidemment, il est souvent question de Jean Todt dans ce dossier. Après Peugeot, c’est chez Ferrari que le Français cherche à atteindre les sommets. Ce qu’il fera comme personne, avant et après lui, à Maranello. Mais en cette saison 1999, après six ans d’effort, aucun titre n’est encore venu enrichir le palmarès de la Scuderia. Au Grand Prix de Malaisie, coup de théâtre. Quelques heures après le doublé Ferrari, les voitures rouges sont disqualifiées pour cause de déflecteurs aérodynamiques latéraux non-conformes. L’enjeu est énorme. A une course de la fin de saison, un tel déclassement offrirait immédiatement les deux titres mondiaux au clan McLaren. A la suite d’un incroyable tour de passe-passe, Ferrari gagne en appel, arguant que ce sont les mesures de la FIA qui ne sont pas conformes ! La marque au cavalino remporte alors le titre constructeurs (Irvine échouant pour le titre pilote)… et la FIA se voit en plus reprocher d’être pro-Ferrari.

Formule 1 – Brabham-BMW – 1983 – Carburant non-conforme

Turbo et potion magique

Quelle injustice. Tandis que Renault se bat depuis sept ans au plus haut niveau, contre l’avis de tous, et dans un concert général de moqueries, pour imposer le turbo en course automobile, c’est BMW qui sera la première marque sacrée avec cette technologie. Un triomphe que Renault ne connaîtra finalement jamais avec un moteur suralimenté. Lors de la saison 1983, la marque au losange se bat pour le titre face à l’équipe Brabham-BMW dont le patron à l’époque n’est autre que Bernie Ecclestone. Celle-ci utilise en fin de saison un carburant à l’indice d’octane non conforme qui permet à Nelson Piquet de rafler le titre de champion du monde aux dépends d’Alain Prost. Le constructeur français aurait pu poser réclamation, avec la certitude d’obtenir gain de cause. Les services marketings de la marque en jugeront autrement et décideront de ne pas gagner leur premier titre sur tapis vert. Nul doute qu’Alain Prost ne l’entendait pas ainsi. Il partira chez McLaren dès la fin de la saison.

Formule 1 – Red Bull – 2012 – Aileron flexible

Aérodynamique variable

La technologie en Formule 1 n’a aucune autre limite que celle du règlement. Et les Anglais partent du principe que tout ce qui n’est pas explicitement interdit dans les textes est de fait, autorisé : voiture à six roues (Tyrrell) ou aspirée au sol par une turbine (Brabham), ailerons flexibles qui se déforment avec la vitesse et améliorent la trainée en ligne droite (Red Bull), carrosserie mobile qui génère de l’effet de sol (Lotus), ou encore doubles ressorts de suspensions très en vogue dans les années 80, permettant de tricher sur la hauteur de caisse. La tâche des commissaires techniques s’avère donc très compliquée, à la fois sur la rédaction des documents et dans les contrôles. Dans le cas de la voiture à six roues ou de la voiture aspirateur, pas de problème, même un aveugle s’en serait rendu compte. Simplement, les textes n’ayant rien prévu sur ces deux points, il a fallu modifier les documents avant d’interdire. En revanche, l’aileron flexible des Red Bull dans les années 2010 est bien plus compliqué à sanctionner puisque la fraude ne peut se constater qu’à haute de vitesse. Le principe consiste provoquer une déformation naturelle de l’aileron arrière avec la vitesse afin qu’il freine moins la voiture dans les lignes droites. Facile, ensuite, d’invoquer une faiblesse sur cette pièce et impossible d’installer un commissaire technique sur une F1 à 300 km/h ! Il a donc fallu déterminer un test de résistance à l’effort pour tous les éléments aérodynamiques d’une monoplace de grand prix.

Supertourisme – Citroën – 1989 – Pas de marche arrière

Un pas en arrière, deux pas en avant

Face aux commissaires techniques, l’équipe Citroën avait décidé de prendre le sujet à la légère. Jean-Pierre Jarier, pilote de la BX Turbo engagée en Championnat de France de Supertourisme, n’est pas autorisé à prendre le départ de l’épreuve de Pau-Arnos. La raison peut en effet prêter à sourire puisque les commissaires techniques ont découvert que son auto était dépourvue de marche arrière. L’argument de Citroën est de dire qu’en soit, si la voiture n’est effectivement pas conforme (la marche arrière est obligatoire), on ne voit pas ce que cet « oubli » peut procurer comme avantage en termes de performances. Erreur. Si les commissaires peuvent constater à l’arrêt que la transmission n’a pas de marche arrière, ils ne peuvent deviner que les ingénieurs de Citroën l’ont supprimée, pour laisser la place dans le carter de boîte à… un sixième rapport, alors que seulement cinq sont autorisés.

Paris-Dakar – « tout le monde ou presque ! » – 1979-2015 – Itinéraire non respecté

Pour Dakar, prenez l’autoroute

Difficile d’établir une liste exhaustive des possibilités de jouer avec le règlement sur un rallye-raid. Impossible même. Paul Belmondo nous avouait s’être perdu lors de l’édition 1996 du Dakar et s’était retrouvé sur une magnifique route en asphalte, évidemment hors parcours et formellement interdite… en compagnie des Citroën officielles, roulant comme à la parade sur cette quasi autoroute ! Celles-ci remporteront tranquillement l’étape après avoir retrouvé la piste quelques kilomètres avant l’arrivée, pendant que les autres concurrents galéraient dans la caillasse. Ou encore, ces coupes à travers dunes ou désert, permettant de gagner quelques précieuses minutes (heures !?) sur le parcours obligatoire. Depuis l’introduction de la localisation des concurrents par GPS, ces petits égarements volontaires sont en théorie impossibles, chacun étant surveillé en direct grâce au satellite par l’organisateur.

Grand Tourisme – Dodge Viper Force One – 2004 – Entrée d’air dissimulée

La balle de tennis coupe l’électricité

Allez, le meilleur pour la fin. Pas le plus connu, car cette supercherie a eu lieu en Championnat de France GT sur les Dodge Viper de Force One Racing. Comme dans nombre de disciplines, le législateur a réglementé la puissance des moteurs par une bride à l’admission. Un moteur fonctionnant avec un débit d’essence et un débit d’air, réduire de l’un des deux revient à limiter la puissance. Pourquoi le débit d’air ? Parce qu’il est très facile à contrôler : une simple balle de tennis suffit ! Lorsque la voiture passe au contrôle technique après l’arrivée, le moteur est mis en route, puis le commissaire bouche l’entrée d’air à la dimension réglementée (qui est parfaitement cylindrique) avec une balle de tennis. Là, le moteur doit caler puisqu’il ne reçoit, plus d’air. Dans ce cas, la voiture est conforme. Si le moteur continue de tourner, c’est qu’il y a une autre entrée d’air (plus grosse évidemment que celle du règlement) cachée quelque part qui alimente le moteur et lui donne plus de puissance. L’astuce des Viper Force One était toute bête : les voitures bénéficiaient bien d’une entrée d’air cachée et pourtant, à chaque course, lorsque le commissaire technique introduisait la balle de tennis, le moteur calait quand même. Mais pas parce que le V10 ne recevait plus d’air, mais parce que le mécanicien de l’équipe, dont la présence est d’ailleurs obligatoire durant toute la durée du contrôle, avait dans sa poche une bête télécommande, achetée quelques euros chez Castorama. Cette télécommande agissait tout simplement sur un interrupteur qui coupait l’alimentation électrique. Il suffisait au mécanicien d’avoir une main dans sa poche à ce moment-là. Le moteur s’arrêtait bien pile quand le commissaire plaçait la balle de tennis, mais pas pour les raisons que l’on croyait ! Et en course, la Viper respirait bien mieux que les autres grâce au gavage de son moteur.



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