En 1991, di Montezemolo héritait d’un champ de ruines à Maranello. Il en a fait l’une des plus belles entreprises du monde
Je n’y comprends plus rien. Depuis le début de la saison de Formule 1, les fans se félicitaient de voir une marque aussi sérieuse que Mercedes, laisser toute liberté à ses pilotes de se battre comme deux boxeurs sur un ring, se rendant coup pour coup, toujours à la limite, mais sans la franchir. Une décision adoptée par le géant allemand, faisant fi des risques d’accrochage, d’une répartition des points entre les deux leaders, pouvant faire le jeu d’un troisième larron, et prise au mépris des enjeux médiatiques, des investissements colossaux consacrés à la F1 depuis de nombreuses années ou d’une supériorité technique comme on n’en avait plus connu depuis longtemps… Oui, malgré toutes ces bonnes raisons d’adopter une stratégie « à la Ferrari des années Todt-Schumacher », la marque à l’Etoile décidait de n’appliquer aucune consigne d’équipe. Dès lors -et c’est là que je ne comprends plus-, pourquoi les mêmes observateurs poussent-ils désormais des cris d’orfraies pour dénoncer le comportement irresponsable des dirigeants de la marque, qui laissent deux de leurs salariés abîmer les véhicules de l’entreprise (fussent-ils des Formule 1) devant le monde entier ? Mais enfin, si responsables il y a, ce sont les pilotes, et Rosberg en l’occurrence sur l’épisode de Spa. En accrochant la roue arrière de son coéquipier dès le deuxième tour, Nico prenait le risque de laisser les deux voitures sur le carreau : une faute professionnelle, lorsque l’on dispose d’une machine tellement supérieure à la concurrence. Mais bon, et après ? Qu’attendent les amateurs de sport automobile ? Bien sûr, non pas que les deux meilleures voitures abandonnent dès le deuxième tour, mais retrouver un duel pour le titre mondial entre deux pilotes de valeur équivalente dans la même équipe, depuis quand n’avait-on pas vu cela ? Tout simplement depuis les plus grandes heures de la Formule 1 et ses immenses duels, qui se terminaient toujours en polémique ou en coups de théâtre, mais qui ont écrit l’Histoire. Si personne ne se souvient de batailles dans la durée entre Vettel et Weber chez Red Bull ou Schumacher et Irvine chez Ferrari (non, on ne rit pas), nul n’aura oublié les affrontements Prost-Senna chez McLaren, Mansell-Piquet chez Williams, et pour les plus anciens comme moi, Pironi-Villeneuve chez Ferrari ou Jones-Reuteman chez Williams. La réalité, il faut bien le dire, c’est que tout le monde, moi le premier, pensait qu’Hamilton ne ferait qu’une bouchée de Rosberg. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas le cas et, quelles que soient les circonstances, il ne faut que s’en réjouir pour le spectacle. Imaginez un seul instant que la Mercedes de tête soit conduite par un pilote qui colle une seconde à son coéquipier à chaque tour, on aurait l’air malin devant notre télé…
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A-t-on bien pris la mesure de l’immense page de l’automobile qui s’est tournée le 10 septembre dernier avec la démission de Luca di Montezemolo du poste de patron de Ferrari ? Comme souvent, c’est quand les grands hommes quittent leur poste que l’on prend conscience de l’étendue de leur œuvre. Dans le cas de ce gentleman à l’italienne, l’hommage va bien au-delà de la qualité de son travail, car il reste un cas unique dans l’industrie automobile. En effet, aucun patron, depuis Enzo Ferrari lui-même, n’a jamais mené de front et en direct, deux programmes aussi lourds que la gestion sportive au plus haut niveau d’une écurie en Formule 1, et la production industrielle des modèles les plus mythiques de l’histoire (Ron Dennis ne m’en voudra pas de considérer McLaren comme un marque encore confidentielle en matière de voitures de route). Et dans les deux cas, avec le même succès.
Depuis 1991 et son retour à Maranello où il n’a hérité que d’un champ de ruines, Montezemolo aura conquis pas moins de 14 titres mondiaux en grands prix (pilotes et constructeurs) et transformé la marque de voitures de sport, certes mythique, en une machine de guerre. Oui, l’une des plus belles entreprises de la planète. Il faut se souvenir des GT au cheval cabré des années 80 (j’en ai eu une !). Soit en panne (fiabilité épouvantable), soit dans un fossé (tenue de route aléatoire), soit en très bon état, car consignées au fond d’un garage. Aujourd’hui, les Ferrari constituent les meilleures voitures de sport de la planète. Que de révolutions culturelle, techniques, structurelles, Montezemolo a-t-il dû mener durant ces plus de deux décennies. Idem côté sportif, avec une patiente reconstruction, menée grâce à deux autres génies qu’il a su attirer, Todt et Schumacher.
Bien entendu, les mauvais résultats sportifs de ces dernières années justifiant l’éviction de cette figure emblématique, constituent surtout un prétexte pour Sergio Marchionne, patron de Fiat-Chrysler, et avide de prendre le contrôle de la branche la plus prestigieuse du groupe. Mais attention, il s’agit d’une première. Lors de leurs accords en 1969, Gianni Agnelli et Enzo Ferrari s’étaient entendus pour que Maranello conserve son indépendance. Sera-ce encore le cas à l’avenir ? Il faut absolument le souhaiter, car les seuls exemples de réussite dans ce domaine, sont tous basés sur le même modèle : le grand groupe fournit les moyens et l’artisan les utilise avec génie. Le problème pour Fiat, c’est que l’artisan est devenu bien plus riche que le groupe. Merci Monsieur di Montezemolo.