Eléna Lucas
50 ans de compactes sportives chez Renault

Renault a la fibre sportive. Depuis toujours. Outre son engagement en Formule 1 depuis plus de quarante ans, la marque au losange aura toujours proposé dans sa gamme des petites bombes populaires.

Quelle est la définition d’une GTI ? Une voiture compacte de grande série dans laquelle on aurait installé un moteur plus puissant et développé des trains roulants performants. Dès lors, l’histoire doit retenir que l’inventeur n’est pas Volkswagen, avec sa Golf GTI, mais bien Renault qui a diabolisé la R8 en la confiant au sorcier Gordini quelque douze ans plus tôt. En fait, cette petite berline bleue aura représenté bien plus qu’une automobile. En démocratisant la conduite sportive et en donnant l’occasion à un maximum d’apprentis-pilotes de concourir en circuit à son volant, la R8 Gordini aura permis à la France de devenir la plus grande nation du sport automobile durant près de trente ans, si l’on retient le nombre de titres de champions du monde pilotes et constructeurs récoltés.

Comme souvent lorsqu’il s’agit de succéder à une légende, la suite sera plus modeste, les R12, R11 ou Mégane RS se contentant de figurer parmi les meilleures sportives compactes de leur génération.

  • R8 Gordini

Dans les années 50, Amédée Gordini avait déjà préparé des Dauphine, mais c’est avec la R8, en 1964, qu’il connaîtra la consécration. Bien plus qu’une automobile, elle constituera les fondations de l’âge d’or du sport automobile français des années 70, 80 et 90, permettant à nombre de pilotes de démarrer la compétition dans des conditions financières raisonnables.

  • R12 Gordini

Impossible de succéder à une icône. Après la R8, Renault marque un virage technique irréversible avec la R12, passant du « tout à l’arrière » au « tout à l’avant ». Un changement de stratégie que les amateurs de sportives regretteront longtemps. Pourtant, cette familiale offrait des performances exceptionnelles pour l’époque, mais la clientèle préférait encore les propulsions à cette époque.

  • R5 Alpine et Turbo

La voiture star de l’histoire de la marque ne pouvait échapper à son destin de sportive. D’abord en version 1.4 atmo de 95 chevaux, la R5 Alpine deviendra Alpine Turbo avec 110 chevaux, comme la Golf GTI, et sera ensuite remplacée par la Supercinq GT Turbi, de 115 chevaux. Au sommet de la gamme, l’énorme Turbo 1 (puis Turbo 2) restera comme l’une des autos les plus marquantes de la fin de ce siècle.

  • R11 Turbo

Entre la R12 et la R11, la R14 ne connaîtra aucun dérivé sportif et durant cette période, ce rôle sera tenu par la petite R5 Alpine, puis Alpine Turbo. Avec la 11, on entre dans l’ère du turbo, qui construira la légende de la marque sur les pistes de Formule 1, mais aussi sur route, malgré le style assez ingrat de cette berline compacte, très efficace et plus performante qu’une Golf GTI.

  • R19 16S

Suivant les évolutions réglementaires de la Formule 1, Renault abandonne le turbo pour cette Renault 19 qui marque une étape importante dans l’histoire de la marque en termes de qualité de fabrication et de tenue de route. Les performances sont un peu en baisse, mais tout le reste progresse. Assurément l’une des meilleures sportives de Renault avec la R21 Turbo.

  • Mégane RS (phase 2)

La première berline Mégane n’existera pas en version sportive (seul le coupé aura droit à un gros moteur). Avec la Mégane 2, on entre dans le domaine de la haute performance et des compactes qui dépassent les 200 chevaux. Grâce à son turbo, elle surclasse toutes ses concurrentes et la version R26 au grand méchant look peut s’aligner en circuit sans rougir.

  • Mégane RS (phase 3)

La magie du turbo autorise tous les excès. Avec cette version la plus puissante de la gamme, cette Mégane rivalise avec les Porsche, mais seulement en ligne droite. Toujours dotée de seulement deux roues motrices à l’avant, elle souffre de pertes de motricité en virages serrés et son gabarit compact la rend délicate à haute vitesse. Mais un rapport prix/ performance exceptionnel.

  • Mégane RS (phase 4)

Quand on ne dispose pas dans sa gamme de « propulsion » ou de «quatre roues motrices », difficile d’imaginer des dérivés sportifs ultra-puissants. Ainsi, il n’y a pas si longtemps, une valeur de 200 chevaux pouvait être considérée comme un maximum pour une traction, dont le seul train avant doit à la fois assurer la direction et le passage de la puissance au sol, qui plus est roues braquées si l’on est en virage, et toujours en transfert de masse défavorable, le train avant se délestant sous l’effet de l’accélération. Pas de quoi décourager les ingénieurs de Renault qui, années après années, poursuivent l’escalade à la puissance et proposent maintenant des Mégane capable de surclasser des Porsche Boxster ou Cayman en reprises, en accélérations et même sur un tour de circuit. Qu’elles s’appellent, F1 Team, RS ou Trophy, toutes ont en commun cette recherche de l’efficacité en faisant peu de cas des aspects de confort ou d’agrément.

Si Renault semble prendre un malin plaisir à nous perdre dans les appellations, les choses se compliquent encore avec cette dernière série puisqu’il existe désormais trois Mégane RS : la RS 265, modèle catalogue depuis 2009, puis notre nouveauté du jour, la RS 275 Trophy, plus puissante (10 chevaux), plus légère (une vingtaine de kilos) et plus sportive, grâce au châssis Cup, et enfin la RS 275 Trophy R, stricte deux places, dépourvue de radio ou de climatisation, allégée de 100 kg, équipée de pneus semi-slicks et de suspensions en matériaux composite, qui est la voiture ayant battu le record du tour (pour une traction avant) au Nürburgring au printemps dernier. Si l’augmentation de tarif  de 5 950 € pour la Trophy par rapport à la RS de base est déjà conséquente (40 200 € malus compris), elle s’élève à 12 500 € pour la R, (46 700 €) sans compter la main d’œuvre de montage du kit ! Des prix qui paraissent bien élevés pour de simples Mégane, mais en réalité très compétitifs si on les rapporte aux performances exceptionnelles de ces autos. D’ailleurs, avec la version kitée, plus rien ne vous empêchera d’aller chercher les 7.54.36 au « Nürburg ». Pour info, c’est quelques dixièmes de mieux qu’une BMW M5 et à seulement deux secondes d’une Lamborghini Gallardo de 560 chevaux. Chez Renault, on ne plaisante pas avec la compétition.

Revenons à notre « simple » Trophy, déjà bien assez méchante pour circuler sur route ouverte. Utilisée à un rythme paisible, la voiture fait montre d’un confort à peu près acceptable. Bien sûr, les suspensions sont très raides et le niveau sonore bien présent, vous rappellent qu’il s’agit d’une auto sans concession. Trop ? Personnellement, je préfère la polyvalence d’une GT et surtout la fluidité de direction d’une propulsion, mais en termes d’efficacité, cette auto est une véritable ventouse tant elle colle à la route. Même plein gaz en sortie de virage serré, elle motrice convenablement malgré les effets du turbo. Mais tout cela se passe dans un monde idéal, c’est-à-dire sur un revêtement parfaitement lisse. Sur route, il en va tout autrement. Là, il faudra composer avec une direction mise à mal par les déformations de la chaussée et véritablement faire preuve d’une immense finesse au volant pour exploiter la puissance. D’ailleurs, si la voiture devait être engagée en rallye, il lui faudrait être équipée de pneumatiques à flancs plus haut et monter des ressorts un peu plus souples pour gagner en efficacité, notamment pour limiter l’engagement du train avant dans les moindres déformations de bitume. Le royaume de la Mégane Trophy n’est donc ni les épingles, ni les très grandes courbes, où ses dimensions modestes ne la rendent pas particulièrement stable, mais plutôt les virages moyens, négociés entre 80 et 150 km/h. Là, même si la chaussée n’est pas parfaite, l’auto atteint des vitesses de passage absolument inouïes, le tout avec une relative facilité. Un mot sur le freinage, qui se montre convaincant, car la voiture est encore légère, mais un peu juste avec quatre occupants et leurs bagages. A propos de vie à bord, signalons que l’ensemble du dispositif sportif remplit parfaitement son office (sièges baquet, pédalier alu, revêtements course recouvrant l’habitacle…), mais la finition reste franchement indigente pour une auto de ce prix.

La Mégane RS Trophy offre à peu près tout ce que l’on attend d’elle. Peut-être même un peu plus sur ses qualités -quelle efficacité en virage !-, comme sur ses défauts -fatigant à la longue de vivre dans une voiture de course. Promesses tenues donc, à condition d’être un fan de traction avant, exclusivement. Car on trouvera aussi bien en propulsion ou en intégrale chez BMW ou Audi, avec infiniment plus de confort… même si ce ne sera pas tout à fait à ce niveau de prix.



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