A l’approche de l’hiver, Luc Alphand est l’homme idéal à interviewer : Coupe du monde de ski alpin, Trophée Andros, Dakar… Qu’ils soient chauds ou glacés, les thèmes tournent toujours autour de la vitesse… et de la victoire. Car si nombre de sportifs ont entamé une seconde carrière en auto, il est le seul à avoir gagné une épreuve comme le Dakar au général. Plus qu’on touche-à-tout.
D’anciens sportifs de haut niveau qui se lancent dans le sport automobile, c’est presque devenu un classique. Le dernier en date, c’est Barthez qui vous a précédé dans cette rubrique il y a quelques mois.
Oui, il roule très bien Fabien, il ne fait pas de fautes, il ne sort pas beaucoup. Ca c’est le mode « sportif de haut niveau », la gestion du stress, tu te cadres plus facilement qu’un type qui n’a pas cette culture.
C’est exactement ce qu’il dit. Pourtant, lui, on l’appelait déjà le fou volant quand il était gardien de but. Mais pilote de course, en réalité, c’est le contraire d’un fou du volant. C’est pareil en ski j’imagine ?
J’ai une anecdote sur ce sujet. Quelques temps après mes débuts, je faisais le Championnat de France de Supertourisme. A Magny-Cours, je me fais découper par Dechavanne au départ et je me retrouve à pied au bord de la piste, fou de rage : je lui aurais bien envoyé un parpaing dans le pare-brise ! (rires) Après la course, je suis allé le trouver dans son camion, qu’il partageait avec toi d’ailleurs, donc tu t’en souviens. Et il me dit : « Toi t’es complètement barjot. Tu ne sais pas prendre un départ, tu n’es pas en ski ici. » Je lui réponds, « Pardon ? Moi barjot ? Si tu étais skieur, à Kitzbühel, tu te serais déjà pris un sapin dans les dents. » En descente, on n’a pas de carrosserie et on déboule quand même à 140 km/h entre les rochers. Il n’y a pas de place pour les fous, il faut l’être juste un peu.
La question du Dakar, il faut la poser aux Africains, pas aux bien-pensants parisiens. Et leur réponse, je la connais : dans les villes traversées, le rallye apportait un an de revenus aux populations.
Depuis votre grave accident de moto en 2009, vous avez dû couper avec la compétition, mais on continue à vous voir beaucoup à la télévision.
Oui, je suis toujours le Dakar avec France Télévisions, ainsi que les Championnats du monde de ski et les Jeux Olympiques d’hiver. Et je travaille toujours pour mes partenaires, Mitsubishi, Serre Chevalier, Bogner… Mais avec Red Bull, j’ai toujours un contrat d’athlète. Je suis le doyen ! Et je me régale à conseiller les p’tits jeunes comme Pierre Gasly. Ils m’appellent Papy digital parce que je n’ai plus de Facebook.
Vous n’êtes plus sportifs de haut niveau, et pourtant, vos sponsors sont restés fidèles.
Exactement, à part un ou deux qui m’ont largué tout de suite. J’ai le même agent depuis 1988 et mes partenaires datent presque tous de l’époque gens du ski. Heureusement que je ne les ai pas lâchés au moment où j’ai débuté l’auto. Je me souviens que chez Mitsubishi, comme j’étais pilote d’usine, ils regardaient un peu de travers les activités ski que j’avais conservées. Ils voulaient que je sois dévoué à 100% à la cause pour laquelle ils m’avaient engagé. Je peux comprendre d’ailleurs. L’hiver pour moi, c’était quand même un peu compliqué d’enchaîner le Dakar et le ski.
Je ne comprends pas : vous avez pourtant commencé le sport automobile après avoir arrêté le ski ?
Pas du tout. Je faisais encore le King of the Mountain, un Tour Pro pour les jeunes skieurs à la retraite. Avec le recul, je me dis qu’on prenait des risques insensés. Je terminai le Dakar le dimanche, quand même un peu explosé, suivi d’une grosse bringue le soir, je prenais l’avion le lendemain et le mardi, je me retrouvais au fin fond du Vermont par -35°. Et d’un coup la première descente où tu te retrouves à 130 km/h, c’était un peu chaud quand même. Duvillard est tombé un peu gravement une année et là je me suis dit : tu n’as plus l’âge. Et après, l’automobile a commencé à prendre de la place.
Un jour, Dechavanne m’a sorti de la piste. Quand je suis allé le voir après pour m’expliquer, il m’a dit « toi, t’es un skieur, t’es un barjot ». Je lui ai dit, « Pardon ? Moi barjot ? Si tu étais skieur, à Kitzbühel, tu te serais déjà pris un sapin dans les dents. »
Si on en revient aux origines, le petit Luc Alphand, il se rêvait skieur pro, pilote auto, aviateur ?
Skieur ! Skieur bien sûr. Mais tout de suite après, pilote d’hélico. Mes parents étaient gardiens de refuge et j’avais un oncle qui était pilote d’hélico à la gendarmerie. L’hélico, c’est une machine qui m’a fait très peur au début. La première fois que je l’ai pris, j’étais terrorisé. Mais après, c’est devenu mon rêve. Même professionnellement, ça m’aurait plu. C’est une machine ultime, plus que l’avion. Et le ski, ce n’était pas dans une optique métier. Je m’éclatais plus à faire de la poudreuse ou sauter les cailloux. J’ai commencé à être bon vers 12-14 ans. Au début, mon frère était meilleur que moi. La compétition en tant que tel, c’était moins mon truc. A partir de 14-16 ans, j’ai commencé à être meilleur, en régional, puis national, champion de France minime, cadet, junior, champion du monde junior. Et là je me vois pro, je me dis je veux aller en équipe de France. A cet âge-là, tu veux juste gravir les étapes : être au départ de grandes courses et un jour peut-être en gagner une.
Pourquoi la descente ?
Le slalom ça n’a jamais été mon truc, je pense que je n’avais pas les qualités pour ça. Pour moi, c’est comme le piano : toutes les secondes, tu prends un piquet dans la figure, ce n’est pas un truc qui me faisait rêver, même en termes de sensations. Et quand tu n’es pas bon, tu accroches moins la discipline.
Et votre carrière décolle très tard, quasiment à la trentaine.
En fait, j’ai trois phases. Mes premières années assez moyennes en coupe du monde, puis les blessures jusqu’à 29 ans et les victoires ensuite. Quand j’arrive sur le circuit, je suis champion du monde junior, gonflé à bloc. Tu te dis, je vais tous les laminer. Et là, il se passe trois ou quatre ans où je ne dois pas avoir tout compris, mais je ne me blesse pas. Des saisons pas terribles, peut-être parce qu’à cette époque, je fais encore du slalom, je m’éparpille. Et un manque de rigueur également. Tu as vingt ans, le samedi c’est peut-être un peu plus tentant d’aller faire une petite bringue avec les copines, tu n’es pas très cadré dans ton entraînement… En clair, un vrai décalage entre les objectifs fixés et le travail que ça représente pour y arriver. C’est une historie de mentalité. Les Nordiques, eux ne sont pas comme ça, nous on est des Latins.
Il y a une vraie différence de culture entre les Italiens, les nordiques, les Allemands, les Français ?
Incontestablement. Les Allemands sont bien plus rigoureux, et chez les Autrichiens, le ski est le sport national. Les nordiques ont cette envie profonde de travailler et les latins comme nous, parfois, on s’oublie un peu. Voilà, moi, j’ai eu cette période-là. Et à partir de 1988, Franck Piccard nous ouvre un peu la voie. Lui il gagne, alors qu’il est plus petit que nous, il n’est pas costaud. On s’est dit, mince, finalement, nous aussi on peut gagner. Moi, on ne me parlait que des anciens, Killy, Perillat, Lacroix, Oger, ces mecs-là gagnaient tout jusqu’en 72. Après ça, un immense trou jusqu’à nous et on était dans ce complexe : on n’arrivera jamais à faire comme eux. Mais quand Picard a gagné, on s’est dit, on peut y arriver, ça a vraiment tout changé. Aux JO de Calgary, je sens le déclic : je suis 3ème à l’intermédiaire, je finis 6ème, mais je me dis que je suis dans le coup. C’est à ce moment que débute la deuxième phase : les blessures. Je me fais opérer cinq fois en cinq ans et je fais le yoyo. Dans cette période-là, je n’arrête pas de me ruiner. Vertèbre, péroné, je me suis tout cassé.
Killy et Wollek m’avaient prévenu : contrairement à ce que tout le monde dit, la technique en sport auto est contraire à celle du ski. Au début, être skieur, ça va te punir.
Mais pourquoi, vous attaquiez trop ?
Exactement. Tu sais, dans cette situation, tu es persuadé que tu es bon et tu pousses le bouchon un peu plus loin à chaque fois. Cette prise de risque permanente, c’est la même chose qu’en voiture, tu es sûr que le virage passe à fond, mais seulement avec les bons réglages, les bons pneus, etc. Moi, je revenais toujours de blessure, je n’étais pas assez prêt physiquement ou même mentalement, parce que quand tu te mets des gros pavés, t’as une petite marque dans la tête.
Ca ne traumatise pas un peu tout ça ?
J’ai toujours dit que ça n’était pas allé jusqu’au cerveau parce que je n’en avais pas ! Tout de même, psychologiquement, c’est vrai que j’ai déjà eu des doutes, des images négatives qui m’ont traversé, mais j’ai toujours vu dans la vitesse le plaisir.
Vous avez bien fait d’insister.
J’ai d’abord cru que c’était vraiment fini quand je me suis fait les ligaments croisés du genou. Les croisés, c’est quasiment un an pour revenir au plus haut niveau. En fait, ça a été le virage déterminant de ma carrière, la troisième phase, la bonne. Là, je me suis dit, ça fait neuf ans que tu es sur le circuit et si tu ne changes pas quelque chose, ça va être encore la fuite en avant. Et moi à la fin, je voulais gagner au moins une fois dans mon sport. Oui, juste une, parce qu’à ce stade, tu deviens moins gourmand ! Tu te dis, je ne serai jamais Zurbriggen ou Girardelli, mais je voudrais au moins connaître la victoire. Je me suis marié, ça n’a pas changé mon sport, mais mon approche : tu sais un peu plus pourquoi tu le fais. Et j’ai commencé à m’entraîner en me disant, voilà, je vais moins écouter les autres, je vais plus m’écouter moi, moins faire l’abruti. Le jour où je me sens moins bien, je ne le fais pas, voilà. Je gérais. A mon retour de blessure, à l’entraînement à Val d’Isère pour la première course de la saison, sur la fameuse bosse du téléphone, j’ai donné un coup de patin. Les coaches faisaient la gueule, parce que ce n’est pas dans l’esprit de faire ce genre de chose, mais je ne voulais pas me faire un saut de 50 m à l’entraînement et risquer de m’exploser encore le genou. J’ai fait ma saison dans cet esprit et j’ai construit ma fin de carrière là-dessus.
Et là, vous devenez rigoureusement imbattable durant 3 saisons.
Dingue. Dingue. Et je me dis, t’es con pourquoi tu ne l’as pas fait avant ?!
Et pourquoi raccrocher si tôt finalement ?
J’aurais pu faire une année de plus, sans problème, sauf qu’il m’arrive un truc qui n’était même pas un rêve de gamin : je gagne la Coupe du monde au général.
Sans faire un slalom.
Sans faire, ni slalom, ni géant, ni combiné. Je suis le seul dans l’histoire à avoir gagné la Coupe du monde avec seulement deux disciplines de vitesse, la descente et le super-G. Ca c’est l’anecdote, mais je me dis, tu n’es pas blessé, tu es numéro 1 mondial, est-ce que ce n’est pas l’heure par rapport à tout ce que tu as fait ? Je n’ai pas regretté. Avoir arrêté tout en haut fait que les gens ont une image plutôt positive de ma carrière de skieur. Et je suis entier.
Un peu de lassitude aussi peut-être.
Certainement. Tu sais, c’est très ingrat le ski. Il y a les conditions météo en hiver, se lever tous les matins à 6 heures pour aller s’entraîner par -30°. En été, le réveil, c’est tous les jours à 5 heures, et tu refais tes gammes, des droites, des gauches, les heures de muscu. Mais surtout, sur une année, on s’entraîne entre six et huit mois pour seulement quatre mois de compétition. Et au moment où je m’arrête, je me dis que c’est un luxe de se lever le matin fatigué, avec mal à la tête parce que tu as fait une bringue. Quand tu fais du sport de haut niveau, c’est interdit ça. Se lever tôt ne m’a jamais vraiment gêné parce que je ne suis pas un gros dormeur, mais l’entraînement…
Moi j’adore le ski pour le ski, je continue à en faire, alors qu’il y en a qui sont devenus champion uniquement parce qu’ils aiment la compétition.
Vous pensiez déjà la voiture ?
Pas du tout.
C’est difficile à croire.
Non, vraiment du tout du tout. L’automobile, c’est un hasard complet. En 1996, nous étions en Coupe du monde à Sestrières, en Italie. Il est tombé un mètre de neige et l’épreuve est annulée. Je rentre chez moi le vendredi soir à Serre Chevalier. Et là, à l’hôtel, je tombe sur Max Mamers, l’organisateur du Trophée Andros qui faisait étape chez moi ce même week-end. Tu connais Max, en trois minutes, il a pigé le truc, il arrive à me faire prendre une licence auto le soir-même et boum, me voilà le lendemain matin sur le circuit de glace au volant d’une Citroën AX 4X4 dans une course réservée aux journalistes ! J’étais super intimidé. Dans les discussions, les types me disaient, moi j’ai fait telle course, j’ai conduit telle voiture. Et toi ? Heu, moi, j’étais en coupe du monde de ski hier. Je n’avais jamais conduit une quatre roues motrices, mais je connaissais la neige, vu qu’on faisait tout le temps les cons avec les Espace de la Fédé de ski sur les parkings, on ne ratait pas une occasion. Je crois que je gagne cette petite course. J’avais adoré.
Et sur circuit ?
Alors là, première course carrément en Supercup, qui est la Coupe Porsche internationale, à Magny-Cours, en ouverture du Grand Prix de France de F1 ! Là, ce n’est pas un cadeau. C’est Porsche AG qui m’invite et ils font les choses bien avec une journée d’essais chez eux à Weissach. Et là, je tombe sur un ancien skieur devenu pilote auto, Bob Wollek. Je le voyais de temps en temps sur les pistes de ski, mais je le connaissais surtout de nom, comme tous les anciens skieurs qui sont passés à l’auto : Tambay, Killy, ou même Jacques Villeneuve. Bob faisait les essais pour le Mans à cette époque sur la GT1. Je n’avais jamais mis le nez dans une voiture de course, et il m’installe tant bien que mal en passager dans sa voiture. Et là, comme tout le monde dans ces circonstances, je vois la mort arriver au premier virage. Il arrive au bout de la ligne droite à 270 km/h, moi j’avais mes repères de voiture normale, mais lui, il ne freine toujours pas, et toujours pas. Là je me dis, il veut m’impressionner, on est mort. J’ai fait quatre tours comme ça, et je me dis, c’est pas vrai, c’est irréel, c’est impossible qu’une voiture puisse faire ça. Ensuite, j’enchaîne, cette fois, moi au volant de la Cup et Bob en prend une autre et me voilà parti derrière lui. Je me suis vite rendu compte qu’aller droit, c’était très facile, je pouvais accélérer parce que je n’avais pas peur de la vitesse. Par contre tourner, c’était un problème. Et là, je t’ai planté deux ou trois tête-à-queue dans la journée. Avec Bob, on a essayé de cadrer le truc, avec aucune autre ambition que de me faire apprendre les rudiments du pilotage. Quand j’arrive à Magny, c’est un autre monde : le niveau de la Supercup ! Mais je ne m’en sors pas trop mal. J’en mets quelques-uns derrière moi mais devant, les types sont des avions. C’est correct. Je finis la course, pas de tête-à-queue, pas de sortie, pas d’accident et Porsche est super content. Du coup, en 97, je renouvelle l’expérience à Monaco, je finis juste derrière Fukuda champion de France de F3. Et un soir, à l’occasion de l’épreuve du Castellet, à la fin d’un dîner, on se met à parler du Dakar, parce qu’à l’époque, Porsche, qui m’invitait sur la Cup, et Mitsubishi étaient distribués par le même importateur en France, Sonauto. C’était parti : Dakar, GT, Supertourisme, le Mans…
Techniquement, on dit toujours que les skieurs sont avantagés, mais ça me semble être une grosse bêtise, c’est tout à fait différent.
Sous certains aspects, c’est même le contraire ! J’en ai discuté avec Killy et avec Wollek, ils m’ont dit tous les deux : être skieur, ça va te punir, surtout en circuit. En rallye, rallye-raid, la glisse, c’était différent. Nous skieurs, on a une vision qui est décalée par rapport aux appuis, donc on freine bien trop tard et on rentre trop vite à la corde. Un gars qui vient du karting et de la monoplace, il va bien casser sa vitesse, prendre son point de corde gentiment et sortir du virage le plus propre possible. En ski, la vitesse, elle n’est qu’à l’entrée vu qu’on n’a pas de moteur. Après, en termes d’attaque, bien sûr, les dispositions sont les mêmes. L’autre truc, le plus gros avantage, c’est le défilement visuel et la capacité d’analyse et de réaction à vitesse élevée, conserver la lucidité dans ces moments-là.
Vous avez pris plus de plaisir en ski ou en auto ?
(long silence) Le ski ça a été ma vie, mais le plaisir, je l’ai plus trouvé par les récompenses et les victoires. La compétition à ce niveau tue un peu la passion. C’est rare de dire « j’ai gagné la course et je me suis fait plaisir. » En auto, je me souviens des films de promo qu’on faisait pour Mitsubishi dans le désert, soleil tombant, avec un hélico au-dessus et Peterhansel dans l’autre voiture. Je me revois dire à mon Gillou, Gilles Picard mon copilote, « on n’est pas bien là ? » Pas la pression de la compétition, au volant d’un proto d’usine qui est une F1 du désert et tu as juste à faire des beaux surfs sur les crêtes de dunes… Ce sont des moments de pied incroyables. Et faire Le Mans avec le bruit d’une Corvette, ou une Ferrari au petit matin. Et quand tu arrives au Lac Rose en vainqueur à Dakar, tu te dis, « waouh, j’ai fait un truc, quand même… Sans jamais avoir touché un volant, jamais fait d’école de pilotage, jamais fait de karting et débuter à 30 ans. » Ca c’est très personnel, ce n’est pas histoire de dire je la ramène, non c’est ce que je me dis en moi.
Et en termes d’adrénaline ? Entre Kitzbühel, les virages Porsche au Mans et les dunes en Afrique ? En fait, personne au monde ne peut répondre à cette question, à part vous !
Le plaisir passe aussi par la pression que tu veux te mettre et le niveau d’engagement. Sans être maso, plus tu te fais peur, plus c’est bon. Et je ne te cache pas que les S Porsche au Mans, avec les murs qui sont à cinq mètres de la piste, c’est chaud. Mais à Kitzbühel, quand tu te forces à rester un dixième de plus en recherche de vitesse quand ton instinct te dicte de te relever, c’est pas mal non plus. Disons qu’à ski, j’allais plus à la limite parce que c’était mon boulot. En auto, notamment au Mans, tu as deux coéquipiers, tu as envie d’amener la voiture au bout et en plus, j’étais team-manager. En endurance, j’ai essayé d’avoir un cerveau, j’avais l’âge pour ça aussi. Donc je mettrai Kitzbühel un tout petit peu devant.
Le fait que le Dakar n’aille plus en Afrique, qu’est-ce que ça vous inspire ?
Je pense que le Dakar appartient à l’Afrique, tout simplement, mais par rapport aux conditions actuelles, c’est tout à fait normal de le faire ailleurs. Les bivouacs, c’est 3 600 personnes maintenant. La prise de risque en matière de terrorisme est trop importante. Après, bien sûr que l’Afrique manque au Dakar, ces grands espaces de navigation, ces grands déserts ouverts sur 300 km.
Ma question était plutôt de savoir si ce n’est pas le Paris-Dakar qui manque à l’Afrique. Je pense à ceux qui traitaient les concurrents de pollueurs, la chanson de Renault 500 connards sur la ligne de départ et toutes ces polémiques de la part de gens qui ne sont jamais allés en Afrique autrement qu’au Club Med et n’ont jamais demandé à un Africain ce qu’il pensait de la présence du rallye.
Je réponds la même chose aujourd’hui que depuis toujours : la question, il faut la poser aux Africains. Et leur réponse, je la connais. Dans les villes traversées, le Dakar apportait un an de revenus aux populations. Aujourd’hui, ils n’ont plus rien parce que le tourisme a disparu et le rallye ne vient plus. Par ailleurs, le Dakar, donnait un bon éclairage sur l’Afrique. Maintenant, la seule polémique qui reste aux bien-pensants, c’est de dire que le rallye s’appelle Le Dakar et que c’est en Amérique du Sud. Les anti-Dakar, ils ne sont pas Afrique, ils sont en France.