Car Life
Pourquoi les années 60 sont éternelles [1961]

Il y a toutes les décennies, et il y a les années soixante. Une période unique, qui est passée à la postérité de son vivant et n’a jamais cessé d’être à la mode depuis. Une décennie qui nous a donné les voitures les plus mythiques, les sportifs les plus flamboyants, les pilotes les plus héroïques, la musique la plus rock, les acteurs les plus cools, les actrices les plus sublimes, les personnalités les plus historiques, les tendances les plus radicales…

En 2018, en 2019 ou en 2020, il ne se passe pas une journée sans les années soixante. Et ce sera la même chose en 2021, en 2022... Entendre les Rolling Stones ou les Beatles à la radio, célébrer la disparition de Fidel Castro ou de David Bowie, faire référence au Gaullisme ou à Mendes-France, découvrir une nouvelle version de la Mini ou de la Porsche 911, rappeler le grand chelem de Rod Laver (toujours pas égalé !), débattre à l’infini sur qui a réellement tué Kennedy ou Marilyn Monroe, épiloguer sur la rupture et les conséquences de mai-68, relancer les polémiques sur les guerres d’Algérie ou du Vietnam… Les années quarante ont été celles de la guerre mondiale. Les années cinquante, celles de la reconstruction. Les années soixante, celles de la vie, tout simplement. Des années durant lesquelles l’énergie, l’audace, mais aussi la classe, la mode et une certaine forme de modernisme, semblaient pouvoir bouleverser le monde à chaque instant. Pour le meilleur, mais pas seulement. Car si cette période dorée a accouché de quelques merveilles (musicales, automobiles, artistiques, sportives ou cinématographiques), d’un événement pour l’éternité (on a marché sur la lune !), elles sont aussi les années de plomb de la guerre froide et du Mur de Berlin, des vrais conflits sur le terrain en Algérie et au Vietnam, et de la généralisation des drogues dures qui vont occasionner des ravages chez les jeunes.

1961

Jaguar Type-E : finalement, seule la ligne compte…

S’il n’en restait qu’une… Quelle autre voiture que la Type-E peut incarner aussi fidèlement les années soixante ? De 1961 à 1968 (année où la vilaine Série 2 a repris le flambeau), la sublime Jaguar a trôné au sommet de la production automobile anglaise, dont la particularité de l’époque était de ne produire pratiquement que des voitures de tempérament : Triumph, MG, Morgan, AC, Marcos, Sunbeam, TVR ou Lotus, et plus haut en gamme, Aston Martin, Bentley ou Rolls Royce. Il est intéressant de noter que plus aucune marque anglaise n’a survécu, les dernières toujours vivantes appartenant toutes à des groupes étrangers. Mais comme toujours, c’est dans les décennies suivantes que nous avons réalisé à quel point cette voiture a marqué l’histoire. Pourtant, elle n’a absolument rien apporté de novateur et ne brillait pas dans un domaine en particulier. Ni même en compétition où son palmarès est extrêmement maigre. Elle n’est pas non plus particulièrement rare (70 000 exemplaires construits, toutes versions confondues, mais combien encore existantes ?) et pourtant, une belle Série 1 s’échange aux alentours de 120 000 € et l’officieuse 1,5 à 80 000 €. Et ce n’est évidemment qu’un début. Comme quoi, hier et plus encore aujourd’hui, la ligne reste, quoi qu’il arrive, la seule chose réellement importante dans une voiture.

L’héritière : Jaguar F-Type. Entre 1974, année de la fin de la production de la E, et 2012, présentation de la F-Type, que de tentatives pour refaire le coup de la Type-E. Mais, que ce soit la XJ-C, la XJS ou XK, aucune ne fera illusion. A tel point que les dirigeants de Jaguar se sont toujours défendus d’avoir voulu trouver une descendante à la Type-E. Ce qui était, avec le recul, un peu idiot quand on a la chance d’avoir un mythe dans la maison, comme BMW avec Mini, Porsche avec la 911 ou Citroën avec DS. Ceci dit, la notion de tradition, à l’époque, n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui. On ne disait vintage, mais démodé, ni voiture de collection, mais voiture d’occasion, ni nostalgie, mais ringard… Facile à dire après. Avec la F-Type, la filiation n’est pas des plus évidentes, malgré quelques clins d’œil (notamment les sorties d’échappement au centre ou les feux arrière), mais pas moins que Mini ou Fiat avec ses deux générations de 500.

Austin Healey

Symbole de la jeunesse dorée des sixties, la Healey, c’était un peu l’esprit de la course automobile adapté à un usage routier. D’ailleurs, la frontière entre voiture de compétition et voiture civile était bien ténue à l’époque puisque la plupart des pilotes se rendaient sur les épreuves par la route, en dehors des catégories monoplaces bien entendu. Sous sa ligne ultra-compacte (4 mètres de long), la belle abrite un moteur à 6 cylindres en ligne ! Autant dire qu’il ne reste plus beaucoup de place pour les occupants. Un authentique roadster sans concession puisque les Healey ne disposaient même pas de capote jusqu’en 1962, et une efficacité routière absolument incroyable pour l’époque. Pour s’en convaincre, il suffit d’en conduire une encore aujourd’hui et constater que son comportement routier est resté tout à fait actuel ! Une belle petite voiture de collection dont la cote ne cesse de grimper.

L’héritière : Audi TT. Là aussi, impossible de trouver une réelle héritière à l’Austin Healey puisque la marque a disparu, et qu’aucune petite sportive anglaise de grande série ne l’a remplacée. Il faut donc se tourner vers l’Allemagne, plus précisément chez Audi qui a signé un coup de maître avec la TT qui s’est imposée en coupé, puis un roadster, dans un esprit tout à fait sixties. Curieusement, ni BMW avec le Z4 dont la personnalité est difficile à cerner, ni Mercedes avec son SLK très féminin, n’ont réussi à créer un (petit) mythe du même niveau.

Sportif : Rod Laver

Malgré Borg, Sampras, Federer, Nadal ou Djokovic, son record tient encore debout. Ce qui permet à Rod Laver de continuer de faire l’actualité dès qu’un joueur s’approche du grand chelem… sans jamais le réussir ! L’Australien reste donc toujours le dernier tennisman à avoir remporté les quatre grands tournois du monde la même année : Australie, Roland Garros, Wimbledon et Flushing Meadows Et l’un des plus grands stylistes des courts de l’histoire.

Pilote : Stirling Moss -1929-2020

A jamais le champion sans couronne. Imaginez qu’avec 16 victoires, ce pauvre Stirling Moss a gagné plus de grands prix que 17 pilotes devenus champions du monde ! Et ce, à une époque où les saisons comptaient moins de 10 épreuves. Une performance dont on a beaucoup parlé l’an dernier puisque Nico Rosberg avait réussi à faire « pire », avec 23 victoires sans titre, jusqu’à devenir champion du monde lui aussi. A la décharge du gentleman anglais (il refusera de rouler pour les performantes Ferrari par patriotisme), il dû se coltiner Fangio et une malchance tenace qui le verra terminer quatre fois vice-champion... autre record. Last but not least, il est surtout devenu le vainqueur de grand prix le plus âgé, décédé à 90 ans dans son lit. Ici à gauche, en compagnie de John-Cooper et Rudolf Uhlenhaut.

Musique : Johnny Hallyday -1943-2018

Enfant de la balle, Johnny a toujours été artiste et si sa carrière de chanteur débute dès l’âge de 15 ans, il sort son premier 45 tours début 1960 alors qu’il n’a même pas 17 ans. Dans la France de Charles Trenet, Johnny parvient à passer en force et ouvre la voie à toute une génération de jeunes chanteurs et chanteuses qui vont donner aux années soixante un son éternel. Contrairement à d’autres phénomènes révélés très jeunes, cette précocité va se doubler d’une incroyable longévité puisqu’il reste le symbole du rock français, plus que jamais actif aujourd’hui. Notre Elvis à nous.

Acteur : Steve McQueen -1930-1980

La biographie de Steve McQueen fait état de deux activités principales : acteur de cinéma et pilote automobile. La réalité est devenue même encore plus étonnante lorsque McQueen ne poursuivait sa carrière d’acteur que pour financer (ou faire financer par ses sponsors) sa carrière de pilote de course. Le film Le Mans devait constituer le chef d’œuvre de sa vie, mais le film s’avère décevant, car très lent (un comble pour long-métrage sur le sport automobile) et surtout, les producteurs interdiront formellement à McQueen de prendre le volant durant la course. Il est vrai que sa forte consommation de produits en tous genres provoquait chez lui une incompatibilité avec la conduite automobile. En cette année 1961, il est surtout la star du feuilleton télévisé Au Nom de la loi, où il incarne Josh Randall et sa célèbre Winchester à canon scié. Une série qui le fera connaître du grand public.

Actrice : Audrey Hepburn -1929-1993

A l’opposé de la pulpeuse Marylin Monroe, Audrey Hepburn et son regard de biche n’était que grâce et délicatesse. Un style à elle seule. 1961 est l’année d’un de ses films culte, Diamant sur Canapé, pour lequel elle sera nommée aux Oscars et qui popularisera dans le monde entier la maison Tiffany. Et plus encore « la petite robe noire Givenchy » qu’elle porte au début du film. Une robe vendue aux enchères plus de 600 000 € en 2006, soit le record absolu pour un vêtement de cinéma. Curieusement, la carrière de la brune la plus raffinée d’Hollywood s’étendra tout doucement avec les années soixante-dix, Audray Hepburn préférant se consacrer à des missions humanitaires.

Personnalité : Charles de Gaulle –1890-1970

Là aussi, un personnage encore régulièrement cité aujourd’hui comme référence morale et stratégique. Le général qui aura connu trois vies, l’une comme lieutenant durant la Première Guerre mondiale, l’autre comme libérateur de la France durant la Seconde et enfin, comme président de la République entre 1958 et 1969, avec entre autres fait historique, l’introduction du nouveau franc et la création de la Ve République, tant décriée par certains aujourd’hui.

Tendance : La pilule

Difficile aujourd’hui d’imaginer ce qu’était la place de la femme dans la société pas si ancienne que ça. En France, le droit de vote date 1945. Jusqu’en 1965, une femme ne peut, ni travailler, ni disposer d’un chéquier, que si son mari lui en donne l’autorisation. En 1970, la notion de « chef de famille » (le père) est remplacée par l’autorité parentale. En 1975, l’IVG est enfin légalisée. Avant cela, la pilule verra le jour aux Etats-Unis dans les années et sera commercialisée dans un but officiellement contraceptif à partir de cette année 1961, avant d’être adoptée en France, seulement en 1967.

Et pendant ce temps-là… Le Mur de Berlin. Parce qu’il est visuel, la force symbolique du Mur de Berlin a marqué le monde durant pratiquement trois décennies. Construit à la hâte en une nuit du 12 au 13 août (en réalité, des clôtures de barbelés protégées par des hommes en arme), il restera l’immonde monument long de 155 kilomètres de la guerre froide, du communisme aveugle et finalement de la bêtise humaine à grande échelle. Sa démolition en 1989 reste l’une des images fortes de la fin du XXe siècle.