Quand un scénariste de feuilleton -ou de série comme on dit aujourd’hui- imagine sa future création, il pense aux acteurs qui joueront les premiers rôles. Puis, tout de suite après, à ce qui va les caractériser. Et c’est là que la voiture entre en scène. Revenons sur celles qui ont transporté les héros de la télé et qui, parfois, sont devenues des stars.
Il y a bien sûr les plus célèbres, celles qui faisaient partie intégrante du scénario et dont le rôle s’avérait aussi essentiel que celui des personnages physiques. Au palmarès, nous citerons bien sûr Amicalement Vôtre (Dino 246 GT et Aston Martin DBS), Magnum (Ferrari 308 GTS), Starsky et Hutch (Ford Gran Torino), Le Saint (Volvo P60 Coupé), Columbo (Peugeot 403 Cabriolet), Miami Vice (copie de Ferrari Daytona Spyder, puis Testarossa), ou bien sûr toute la série des Chapeau melon et Bottes de cuir (XJ12C ou XJS).
Depuis les années 60, les séries remplissent les grilles de programme des chaînes de télévision avec leur héros qui ont accompagné notre jeunesse. Les amateurs d’automobiles que nous sommes devenus ont souvent éprouvés dans ces feuilletons leurs premiers désirs d’automobiles et certaines sont devenues de véritables stars.
Star & Striped Tomato
Si personne ne se souvient vraiment de la Buick Regal 1968 cuivre de Kojak (1973) ou des Dodge Monaco de Rick Hunter (1984), voire de la Dodge Daytona Turbo Z 84 bicolore (et traction) de sa partenaire Dee Dee McCall, c’est parce qu’il faut un petit coup de pouce des scénaristes et des producteurs pour qu’une auto devienne autre chose qu’un faire valoir. La Ford Gran Torino 1974 de Starsky & Hutch (1975) en est le parfait exemple. Véritable troisième star de la série, « Striped Tomato » n’était pourtant pas le modèle prévu à l’origine. William Blinn qui a créé la série avait pensé à une Camaro verte et blanche mais les producteurs étant en contrat avec Ford, c’est dans le catalogue de la marque de Dearborn qu’ils ont pioché cette Gran Torino pas sportive pour un sou. P.M Glaser qui jouait Starsky aurait sans doute préféré que l’on respecte le script original, car il détestait ce coupé de plus de 5 m qui ne tournait pas et se vautrait dans les virages en lui envoyant son partenaire sur les genoux ! Mais voilà, une suspension Airlift relevant l’arrière, des jantes 5 trous de 15’’en magnésium, de gros pneus et une bande « Vector » blanche vont propulser cette voiture de flics pas ordinaire vers le succès. A tel point qu’en 1976 Ford en produira même une série limitée de 1 000 unités !
Parmi les autres réussites d’autos pas franchement sportives, l’affreux Pontiac Aztek de Walter White dans Breaking Bad (2008) s’est assuré une célébrité éternelle tout comme la Peugeot 403 Cabriolet de Columbo (1968) qui, à l’instar de la femme et du chien de l’inspecteur, a assuré les seconds rôles majeurs de cette série. L’histoire dit que cette auto, jamais vendue aux USA, était celle de l’humoriste français Roger Pierre qui s’était lancé dans une tournée américaine avec sa propre voiture. Peter Falk qui incarnait l’inspecteur la découvrit la veille du tournage et insista pour que la production l’achète. C’est encore lui qui, face au refus de Peugeot de fournir une auto pour la deuxième série lancée en 1989 (Columbo n’était pas très soigneux), imposa qu’on retrouve le modèle originel vendu 10 ans plus tôt. Petite info pour ceux qui souhaiteraient relancer la série, la 403 Cabriolet fabriquée à seulement 2 050 exemplaires cote aujourd’hui près de 50 000 € !
Sportscar only
Malgré ces quelques exemples, les séries américaines ont souvent été l’occasion de mettre en avant des modèles sportifs locaux. Pêle-mêle, les séries Viper (1994) ou Stingray (1986) affichaient en titre les modèles utilisés, Nash Bridges (1996) roulait en Plymouth Barracuda 71 et dans les années 60, le Frelon Vert (1967) défendait les opprimés dans une Chevrolet Imperial Crown modifiée pilotée par une Bruce Lee débutant et construite par Dean Jeffries qui avait abandonné le chantier de la première Batmobile quelques mois plus tôt. Projet repris par un certain Georges Barris pas encore célèbre qui, pour tenir les délais, avait eu l’idée de repeindre le concept Lincoln Futura de 1955. Batman (1966) tenait enfin sa voiture.
Les stars US les plus célèbres restent toutefois la Dodge Charger 69 de Sheriff fais moi peur (1979) et la Pontiac Firebird Tran Am 82 de K2000 (1982). Selon l’histoire originale contée au cinéma dans le film Moonrunners, la voiture des cousins Duke devait s’appeler Traveller, du nom du cheval du ... General Lee. Les producteurs ont jugé que le nom du cavalier sonnait mieux que celui de sa monture, ils ont eu raison. On regrettera quand même que la Charger bondissante ait plongé dans l’ombre la belle Plymouth Road Runner 74 de la cousine Daisy. Quant à K.I.T.T, si tout le monde l’associe à la fameuse Firebird noire à Leds rouges, ils sont assez peu à se souvenir qu’en 1991, pour un pilote d’une nouvelle série, elle est devenue une Dodge Stealth rouge maquillée en Dodge Banshee et appelée K400 puis en 2010 une Ford Mustang Shelby GT500KR. Notez pour la petite histoire qu’une des K4000 servant aux cascades avait auparavant servie de doublure pour l’étonnante Coyote X de la série Le juge et le pilote (1983) dont la version servant aux plans rapprochés était construite sur la base d’une kit car Manta Montage puis d’une DeLorean DMC12 afin que l’acteur principal arrive à y entrer sans chausse-pied ! Un problème récurrent, vous allez le voir.
Little Italy & utilitaires
Les Américains ne sont pas chauvins car ils acceptent aussi de donner à des étrangères, souvent Italiennes, les premiers rôles automobiles. Il en va ainsi avec la Lamborghini Countach d’Automan (1983), la réplique de la Daytona Spyder 365 GTS/4 dont le fabricant fut poursuivi par Ferrari et la – véritable cette fois-ci - Testarossa blanche de 2 Flics à Miami (1984). C’est également le cas avec la célèbre Ferrari 308 GTS de Magnum (1980) que la production dû acheter, après que le premier choix d’une Porsche 928 fut abandonné faute de pouvoir y installer un toit ouvrant permettant au mètre 92 de Tom Selleck d’y tenir sans fléchir.
On a aussi connu quelques utilitaires stars comme le GMC Vandura de l’Agence tous risques (1983), le pick-up de Colt Seavers (GMC Sierra) dans l’Homme qui tombe à pic (1981) ou celui de Walker Texas Ranger (Dodge Ram 1500) en 1993. Acceptons les excuses de tous ceux qui n’avaient pas remarqué le Nissan Frontier d’Alerte à Malibu (1991), cette série pleine de rebondissements autres que scénaristiques savait vous détourner de l’automobile comme personne. Sinon, les plus anciens se rappellent des Jeep Gladiator et Land Rover Defender zébrés de Daktari (1966) et les plus francophiles du Citroën HY de Louis la Brocante (1998) qui démontre qu’en France, nous ne sommes guère gâtés. Il faut bien avouer que la Citroën XM du Commissaire Navarro (1989), les Panhard & Levassor et De Dion Bouton des Brigades du Tigre (1974) ou la Traction du Commissaire Maigret (1960) qui ne conduisait jamais faute de permis ont eu beaucoup de mal à allumer la flamme de l’adolescent futur « petrol head » ! Même nos voisins Allemands ont eu le bon goût de mettre dans les mains du mou Derrick (1974) des BMW Série 5 et 7 plutôt joviales !
British Museum
Pour se faire plaisir en matière automobile, les séries Anglaises n’ont pas leur pareil. La Lotus Seven du Prisonnier (1967) n’est peut-être pas étrangère au fait que la France est le premier marché extérieur de Caterham tandis que la Jaguar Mk2 de l’Inspecteur Morse (1987) flatte l’œil et éduque le cerveau comme le firent les Bentley des années 20 et la Jaguar XJC Broadspeed de Steed ou la Lotus Elan de Tara, voire la Triumph TR7 de Purdey dans Chapeau Melon et Bottes de cuir (1961). Petite anecdote sympathique, si, dans le film sorti en 1998, on ne retrouve plus la Lotus Elan de Tara, c’est tout simplement parce que Uma Thurman qui reprenait le rôle ne rentrait pas dans l’auto. Elle héritera d’une Jaguar Type E en échange ! Ces séries étaient un véritable catalogue raisonné de la production anglaise qui trouve son exception dans la série du Saint et son étonnante Volvo P1800.
En fait, Jaguar sollicité n’avait pas répondu et les Suédois pas engourdis avaient alors sauté sur l’occasion. La firme de Sir Lyons se ratera même une seconde fois car lorsque la production relança la série en 1978 avec Ian Ogilvy à la place de Roger Moore, elle s’empressa de mettre sa XJS dans les mains de Simon Templar. Seul problème, ce Retour du Saint fera un flop mémorable et tout le monde a oublié la Jaguar mais pas la Volvo ! Dans Amicalement Vôtre (1971), si Dany Wilde roule en Italienne (Dino 246 GT), ne vous y trompez pas, c’est parce qu’il est Américain. Brett Sinclair, en bon Anglais, pilote de son côté une Aston Martin DBS V8 qui cachait d’ailleurs un simple 6 cylindres car l’auto n’était pas encore prête au début du tournage en 1970.
Selon ses préférences et son vécu télévisuel, chacun d’entre vous pourra probablement citer un modèle qui l’a marqué et qui n’est pas mentionné mais pour conclure, attardons-nous sur deux séries plus récentes particulièrement marquantes. La Pontiac Firebird Trans Am 1970 de la série animé Funky Cops (2002) et inspirée de l’univers des 70’s a eu son petit effet tout comme la série d’animation japonaise Initial D dont la voiture star était une Toyota Trueno AE86 et le héros, amateur de course et de drift. Difficile d’ignorer l’influence de tout cela sur la jeunesse du début des années 2000 et ne pas y voir une partie de l’explication de l’engouement actuel pour les anciennes mais aussi les Japonaises et le drift.
Le placement produit pour les constructeurs automobiles a encore de beaux jours devant lui, ici, on ne s’en plaint pas.