Mais pourquoi était-on obsédés à ce point par le futur dans les années soixante-dix ? Parce que l'on venait de marcher sur la Lune et qu'on ne pensait plus qu'à l'an 2000, tout proche. Dans l'automobile, la révolution vient du style, plus carré et en rupture totale avec la grâce recherchée dans les production des décennies précédentes. En tout cas, le design devient un élément différenciant fort.
1970 : Citroën SM
Sur le papier, Citroën avait réuni tous les ingrédients pour redonner une place dans le haut de gamme à l’industrie automobile française : style saisissant, moteur Maserati, performances élevées, spécificités intéressantes… Las, une fiabilité aléatoire et le premier choc pétrolier auront raison de la belle SM. A partir de ce moment-là, plus aucune voiture ne réussira à incarner le luxe à la française, contrairement à la mode ou la gastronomie.
1970 : Range Rover
La même année, le Range aurait pu connaître un destin aussi tragique que celui de la SM, pour les mêmes raisons : consommation gargantuesque et faible qualité de fabrication. Pourtant, quarante-huit ans plus tard, il est plus que jamais d’actualité, tant en termes de concept que de succès commercial. Si le Range était timidement tendance en 1970, le SUV est devenu LE genre automobile des années 2010. Et probablement pour longtemps.
1971 : Autobianchi A112 Abarth
L’Autobianchi, c’est la Mini de l’Europe continentale : craquante, branchée (« dans l’vent » comme on disait à l’époque), performante, pas très fiable non plus… Comme la Cooper S en Angleterre quelques années plus tôt, elle va suivre elle aussi une cure de vitamines, en l’occurrence chez Carlo Abarth, le sorcier italien qui va lui administrer 58 ch pour cette première version et jusqu’à 70 en fin de carrière. Mais entre-temps, la Golf GTI et ses 110 ch sera passé par là…
1971 : Alpine A310
Curieusement, les gènes de la petite marque de Dieppe ne passeront pas les années soixante. Du moins dans les concessions. Car sur les routes, la petite A110 continue de gagner en rallyes. L’A310 a suivi une évolution logique en montant en gamme, comme se doit de le faire n’importe quel constructeur. Sauf que chez Alpine, ça ne marche pas comme chez Porsche et la marque finira comme logo des Renault sportives. Avant de ressusciter en 2017.
1971 : Fiat 130 Coupé
A l’époque, l’image de Fiat lui permettait d’être présent sur tous les segments, de la minuscule 500 à la belle limousine 130. Mieux, celle-ci sera déclinée dans ce splendide coupé dessiné par Pininfarina. Aujourd’hui, on appelle cela l’élasticité de la marque et le grand écart n’est plus possible pour un constructeur de voiture populaire. Un principe qui vaut pour Fiat comme pour l’ensemble des généralistes qui ont tous abandonné ce terrain.
1972 : Alfa Romeo Alfasud
Et voilà le début du déclin d’Alfa Romeo. Contrairement à d’autres marques légendaires, la firme de Milan n’a pas attendu le premier choc pétrolier pour descendre en gamme et en qualité. L’Alfasud est aujourd’hui un collector, non pas pour son look ingrat ou une quelconque aura, mais pour sa rareté : bien que produite à près d’un million d’exemplaires, elle est devenue introuvable car aucune n’a résisté aux outrages du temps.
1972 : Renault 5
A quoi tient le succès ? Peut-être tout simplement à un coup de crayon de génie, celui du regretté Michel Boué en l’occurrence. Pas forcément de meilleure qualité que ses rivales de l’époque, la R5 va s’imposer comme la Renault du siècle. Plus encore que la 4L, dont la vocation était uniquement utilitaire, la R5 s’adressait à tous : de l’étudiant au dirigeant qui voulait tout simplement une voiture de ville sympa.
1973 : Lancia Stratos
Ah, les Lancia, luxe et raffinement à l’italienne… L’image de la vénérable maison turinoise aujourd’hui en sommeil, lui permettait de s’aventurer sur tous les terrains de la passion automobile. Ainsi, même si leur positionnement les destinait à une clientèle bourgeoise, les Lancia savaient aussi se montrer sportives. Grâce à la légendaire Stratos, merveille stylistique et reine incontestées des rallyes.
1973 : Matra Bagheera
Il faut saluer les initiatives de Matra à travers le temps. Tout à la fois constructeur de F1 (châssis et moteur), triple vainqueur des 24 H du Mans et inventif concepteur de voitures de route. Avant de créer l’Espace, Matra s’est spécialisé dans les sportives. La Bagheera était une voiture bien dessinée et originale avec ses trois places de front. Hélas, le partenariat avec Simca la cantonnait à un pauvre moteur de 82 ch, quand Porsche proposait trois fois plus !
1974 : Citroën CX
Finalement, Citroën ne s’en sort pas si mal. Certes, la marque était au bord de la faillite, mais elle a été sauvée par Peugeot en 1976, alors que l’ensemble de sa gamme n’était composée que de modèles à la qualité de fabrication effroyable (cette CX), ou antédiluviens (Dyane, Ami 6, 2CV !), ou au style disons, contestable pour rester poli (GS, LNA). En vérité, ce haut de gamme à la française reste le parfait emblème de la période noire de notre industrie automobile.
1974 : Lamborghini Countach
Il fallait un sacré moral pour lancer la Countach en pleine période de restriction du pétrole. Pour rappel, le monstre de Sant’Agatha était équipé d’un V12 de 375 ch, ce qui était proprement hallucinant à cette époque. Ce qui l’était tout autant, c’était la ligne à couper le souffle de cette soucoupe violente, futuriste, puis démodée, et aujourd’hui devenue un classique en collection qui rattrape la Miura dans les ventes aux enchères.
1974 : Volkswagen Golf
Question : comment remplacer une légende produite à plus de 20 millions d’exemplaires ? La remplacer par une autre légende… et en vendre 34 millions ! Facile ? Non, pas vraiment, car lorsqu’en 1974, Volkswagen décide de remplacer la Coccinelle, qui porte à elle seule ou presque la production de la marque depuis près de trente ans, par la Golf, le pari est immense. D’autant que les deux voitures sont à l’opposé en termes de style et de technique.
1975 : Jaguar XJS
Porsche a renoncé à remplacer sa 911. Probable que Jaguar aurait dû faire la même chose en déclinant sa Type-E à l’infini. Bien sûr, la logique voulait que sa remplaçante marque une rupture avec une auto née en 1961 et la XJS présentait toutes les caractéristiques du modernisme. Que lui a-t-il manqué pour marquer l’histoire comme sa devancière ? Une ligne plus élégante, très certainement. Pour cela, il faudra attendre les années 2010 et la F-Type.
1975 : Ferrari 308 GTB
Malgré la crise, la 308 restera longtemps la Ferrari la plus produite. Sa très belle ligne devenue un classique, marque une rupture nette avec les productions précédentes. Ce style perdurera jusqu’au siècle suivant avec les 328, 348, F355 voire Modena et F430. La 308 structurera également la gamme de façon définitive, avec une offre moteur V8 implanté au centre, au tempérament d’ultra-sportive, et en complément du modèle V12 plutôt typé GT.
1975 : Peugeot 604
Hormis son moteur, probablement le plus mauvais V6 de l’histoire, partagé avec Citroën, Renault et Volvo, la 604 remplissait très bien son rôle de grande voiture bourgeoise, élégante, confortable et sûre. A cette époque, face aux effroyables CX et R30, il n’y avait pas photo. Face aux Mercedes et BMW, la comparaison était un peu plus compliquée à tenir, mais on n’a pas fait mieux depuis, les marques françaises ayant même abdiqué sur ce segment.
1975 : Renault 30
Le constat est cruel, mais indéniable : Renault s’est fait une spécialité des hauts de gamme ratés. R25, Safrane, Vel Satis, Avantime, Fluence… Avant elles, la R30 était une auto d’une qualité médiocre, dotée de performances quelconque et d’une ligne à hayon, faisant plus penser à un utilitaire qu’à une voiture de chef d’état. D’ailleurs, aucun des présidents ne l’utilisera, lui préférant la CX ou la 604. Un sacré camouflet pour une entreprise partiellement nationalisée.
1975 : Simca 1307
Terrible époque pour les marques automobiles françaises, qui disparaissent ou sont absorbées les unes après les autres, y compris les grandes comme Simca, ou Panhard avant elle. Au réveil des années quatre-vingt ne subsiste donc que deux groupes : Renault (régie nationale) et PSA (Peugeot-Citroën). Dommage, car cette 1307 n’était pas une mauvaise auto, mais comment voulez-vous imposer un modèle qui change de nom (Simca, Chrysler, Talbot) tous les ans ?
1975 : Triumph TR7
Triumph renaitra-t-elle un jour ? Pourquoi pas, car BMW a fait l’acquisition du nom en même temps que ceux de Rover et Mini en 1994. La TR7 restera comme la dernière voiture de la marque, mais pas la plus inoubliable. Ce coupé avançait un argument décisif face à la concurrence de l’époque : un tarif très compétitif, conjugué à une ligne qui faisait illusion. Hélas, le beau 6-cylindres de la TR6 sera ici troqué pour un banal 4-cylindres.
1976 : Porsche 924
Ce qui était vrai en 1976 l’est encore aujourd’hui : une marque comme Porsche ne doit pas descendre trop bas en gamme, sous peine de perdre en image et réputation. La 924 était une très bonne auto, mais qu’une Porsche se contente d’un moteur 4-cylindres de seulement 125 ch (là où les italiens sortaient 130 ch avec la même cylindrée), issu de chez Volkswagen, a été considéré comme un sacrilège par les amateurs de la marque. Aujourd’hui, un Boxster démarre à… 300 ch !
1976 : Fiat 131 Abarth
Le sorcier italien a encore frappé. Cette fois, c’est la paisible familiale Fiat 131 qui a été prise pour cible par les ateliers Abarth. Elle obtiendra un palmarès éblouissant en rallye. A cette époque, l’Italie domine le monde de l’automobile sportive comme aucun autre pays, sur circuit, sur route et bien sûr dans les salons. Malgré une économie moribonde, Ferrari, Alfa, Lancia, Maserati et Lamborghini sont toujours là et même Fiat continue le sport. Nostalgie…
1976: Volvo 240
Volvo a construit son image sur la sécurité, particulièrement dans ces années soixante-dix avec la série des 240…. et a failli disparaître pour cette même raison quelques années plus tard. Mais la 240 s’est distinguée en devenant la première voiture de l’histoire à inaugurer un pot catalytique dans sa version américaine en 1976.
1977 : Audi 100 5C
Avec le recul, les constructeurs français peuvent-ils vraiment émettre des regrets ? En s’y prenant avec talent et en y mettant énormément de moyens, Audi a réussi en une vingtaine d’années, là où Renault et PSA ont échoué pendant quarante ans. Bien sûr, l’Allemagne n’est pas la France -ce pays qui n’aime pas les gens qui ont de grosses voitures. Cette Audi 100 sera le premier modèle équipé d’un moteur 5-cylindres à essence, au fonctionnement proche d’un petit V8.
1977 : BMW 323i
Assurément l’une des meilleures sportives de l’histoire de l’automobile. Et quelle gueule ! C’est à cette époque que BMW acquiert ses lettres de noblesse et une image de voiture de sport inaltérable, malgré un palmarès en compétition quasi inexistant à cette époque. Mais la qualité du produit finit toujours par l’emporter et cette 323i était une auto extraordinaire, mais à manier avec circonspection, surtout sous la pluie.
1977 : Matra Rancho
Et si le véritable inventeur du SUV était Matra ? Les pionniers du genre sont « officiellement » le Jeep Wagoneer et le Range Rover. Mais il s’agissait de véritables 4X4, là où le concept du Rancho, véhicule uniquement de loisir, se contentait de deux roues motrices. Comme la quasi-totalité des SUV d’aujourd’hui. Le succès sera limité, comme souvent avec les véhicules Matra dont le tort était souvent d’avoir raison avant l’heure. A noter la présence de deux Matra dans cette sélection, témoin de la créativité du petit constructeur, qui récidivera dans les années quatre-vingt avec l'Espace commercialisé chez Renault.
1977 : Porsche 928
Et voici la tueuse de 911. Du moins, en théorie. Le best-seller de Porsche et son moteur à refroidissement par air, ne passent plus les normes antipollution américaines et son architecture archaïque, vieille de 14 ans est renvoyée aux oubliettes par cette ultra-moderne 928. Pourtant, malgré son splendide V8, son style sublime, sa tenue de route diabolique et ses performances exceptionnelles, la 928 ne parviendra pas à faire oublier la 911 qui ne disparaîtra jamais.